MPT: la théologie humiliée!
Ed Shaw est un pasteur anglican qui ne cache pas son attirance pour les personnes de même sexe. Il fait l’observation suivante : « J’ai parlé à d’innombrables pasteurs de 40 à 60 ans qui restent fidèles à ce que l’Église a toujours enseigné ; presque tous m’ont dit que leurs enfants se demandent d’où ils viennent quand ils parlent. Vous faites peut-être aussi partie de cette jeune génération qui change de point de vue sur l’homosexualité aujourd’hui. Ce n’est pas parce qu’on aurait soudainement réévalué le contexte culturel du Lévitique, le sens du terme « contre nature » dans Romains 1, la nature des pratiques homosexuelles à Corinthe ou la traduction de la version grecque de la première épître à Timothée, mais parce que ce que ces textes exigent semble ne plus être crédible. » (Ed Shaw, L’Église et l’attirance homosexuelle : mythes et réalité, Editions Ourania, 2019, p. 16). Autrement dit : ce n’est pas la théologie qui a fait des progrès, c’est la sensibilité de l’opinion publique qui a changé !
Une autre constatation vient relativiser le rôle de la théologie : plusieurs grands noms de la théologie réformée se sont montrés critiques à l’égard de l’homosexualité. Je n’ose pas citer Karl Barth, dont les propos pourraient tomber sous le coup de la loi contre l’homophobie (Dogmatique III, 4*, vol. 15, p. 171). Quelques décennies plus tard, Jacques Ellul reste très critique mais peut tout de même être cité. Voici un extrait de son livre Les combats de la liberté: « Cette foule, qui prétend avoir « droit » à l’homosexualité, qui veut que l’Église célèbre des mariages d’homo, (…) tous ceux-là qui se prétendent « libérés », supérieurs, affranchis et qui se glorifient, tous ceux-là doivent se heurter à un refus radical et à une dénonciation sans bavure de la part des chrétiens. » (Genève, Labor et Fides, 1984, vol. 3, pp. 287s).
La position d’Eric Fuchs reste critique même si la formulation devient nettement plus nuancée : « Ce qui manque – selon cette anthropologie biblique – à la relation homosexuelle, ce n’est pas l’amour, que deux êtres de même sexe peuvent parfaitement éprouver, l’amour avec tout ce que cela signifie de fidélité, d’engagement réciproque et de confiance mutuelle ; ce qui manque, c’est l’expérience du déplacement radical que la différence sexuelle symbolise (…) Si l’Écriture affirme avec force que l’être humain est un homme et une femme, jamais l’un sans l’autre (Genèse 1,27), et qu’il est ainsi à l’image de Dieu, c’est que la différence entre la femme et l’homme n’est pas accidentelle et qu’il ne faut pas chercher à la réduire puisqu’elle est du même ordre que celle qui distingue Dieu et l’être humain. Elle doit donc être respectée comme la condition de la vie juste et de la transmission de celle-ci. » (Éric Fuchs et Pierre Glardon, Turbulences. Les Réformés en crise, Éditions Ouverture, 2011, pp. 212s.)
On trouve un tout autre son de cloche chez Simon Butticaz, plus jeune d’une voire deux génération-s. Après une série d’observations et d’arguments que j’ai discutés ailleurs, il conclut par une citation de Michael Wolter : « L’homosexualité tout comme l’hétérosexualité font partie de la création bonne de Dieu et de sa diversité. Les mêmes principes éthiques sont ainsi valables pour l’homosexualité que pour les orientations hétérosexuelles : le commandement d’amour (…) ainsi que le principe de la réciprocité égalitaire, qui manifeste la parité de tout être humain devant Dieu et dans le Christ » (Simon Butticaz, Le NT sans tabous, Labor et Fides, 2019, p. 124).
Que conclure de cette « évolution » de la théologie réformée ?
La théologie réformée est terriblement influençable - et influencée - par le climat intellectuel ambiant. Il n’y a aujourd’hui – sur cette question de l’homosexualité – pratiquement aucune différence entre le politiquement correct et la théologie réformée occidentale. On peut dire probablement la même chose de la théologie de Barth sur ce sujet : il était de bon ton de condamner l’homosexualité à son époque.
Jacques Ellul, lui, se démarque explicitement de la mentalité post-68 qui prévalait en France. Il partage le positionnement des premiers chrétiens : « Ici encore, il est totalement faux de prétendre que Paul et les premiers chrétiens se soient bornés à refléter la morale, la culture ambiante. Au contraire, ils les contredisent rigoureusement » (Ellul, op. cit. p.292).
Ed Shaw fait de même pour notre époque. Il s’en prend aux mythes qui conditionnent notre façon de penser. J’ai présenté l’ensemble de ces mythes dans un autre article. Citons-en brièvement trois, qui me semblent particulièrement pertinents pour la problématique du « Mariage pour toutes/tous » :
Mythe no 1 : « Notre sexualité définit notre identité »
Mythe no 5 : « C’est dans le sexe qu’on trouve la véritable intimité »
Mythe no 6 : « Hommes et femmes sont égaux et interchangeables ».
Pour un renouveau réformé, il nous faudra une théologie courageuse, qui ose se démarquer autant du politiquement correct que du ronron traditionnel.