Lettre ouverte à Madame Karin Keller-Sutter et  à Madame Simonetta Sommaruga, conseillères fédérales, et à nos concitoyens de tous bords politiques, religieux et laïcs

Je viens de perdre deux votations. Socialiste, protestant, membre de l’EREN (réformée) et de l’EERV (réformée), militant du partenariat enregistré depuis 1992, j’ai voté non au mariage pour tous, comme les 3/4 de ma propre famille, catholique, protestante, athée et évangélique. Nous en avons marre, mais vraiment marre, 34,9% de la population suisse, d’être traités d’homophobes, de réactionnaires de droite ou de sympathisants UDC.

Nous sommes fâchés contre l’establishment bien-pensant, socialiste ou libéral, de droite et de gauche, chrétien, agnostique et athée, qui considère le mariage comme uniquement patriarcal ou chrétien et qui, en même temps, tresse des fleurs à la vision petite-bourgeoise du mariage comme égalité, sécurité, business et tutti quanti.

Le mariage pour tous pose autant de problèmes quant à la notion de mariage que pour les questions de PMA et de GPA (à ne pas confondre). Je l’ai dit et écrit à des multiples reprises, et encore le 7 juin dernier devant les paroisses protestantes de la Chaux-de-Fonds en dialogue paisible et fraternel avec mon collègue neuchâtelois et zurichois,Pierre Bühler. Je connais tant de jeunes, pas seulement des catholiques ou des évangéliques, croyez-moi, qui sont contre ce mariage établi, contre tout mariage, encroûté et recroquevillé sur lui-même. Marié depuis 52 ans avec la même épouse, catholique et belge du Congo, de nationalité suisse comme moi, 3 fois père et 6 fois grand-père, je compte bien des amis gays et lesbiennes qui préfèrent le partenariat enregistré (toujours possible dans certains cantons heureusement), à commencer par un contemporain de 1947, mon ami Réjean Bisaillon, jeune de cœur et d’esprit, qui vient de sortir au Québec sa thèse sur La problématisation de l’homosexualité : Pour une éthique gaie et chrétienne, collègue catholique lui-même opposé au prétendu mariage pour tous (et pour toutes, comme ânonne la TSR).

Vive les LGBT ! Vive les enfants ! Vive la PMA ! Vive l’égalité pas seulement des droits, mais aussi des devoirs et du respect des minorités ! Et bravo à vous Mesdames du Conseil fédéral, à vous en particulier Madame Karin Keller-Sutter, qui vous opposez clairement, dans la mise en œuvre de la nouvelle loi, à la GPA, cet esclavage des femmes-ventres. Ce sont les thèses même du grand philosophe allemand Jürgen Habermas que je reprends ici avec vous. Vive, surtout la vraie démocratie libérale, sociale et ouverte, qui permet à la minorité de travailler main dans la main avec une majorité sachant garder la mesure des choses et la légitime différence des sexes, la parentalité et la paternité comprises, par-delà une vision scolastique et scolaire de la théorie des genres, que certainement la magnifique Judith Butler n’approuverait pas comme telle.

J’écris ces mots en toute sérénité, à dessein le lendemain de la votation, en souhaitant à chacun et à chacune d’entre nous, jeunes et aînés, parents et enfants : bonheur, paix, égalité, liberté, solidarité et dialogue vivant. Amour et justice avant tout ! Le débat démocratique n’a pas encore commencé, mais tout espoir n’est pas perdu.