Régularisation plus humaine et plus rationnelle des sans-papiers: premier bilan positif
Photo: CC(by-sa) Pierre Nolane
Par Joël Burri
Lancé il y a un an, le projet pilote genevois Papyrus vise à régulariser les sans-papiers travaillant dans le canton. Faute de personnel local, l’économie domestique, en particulier, fait régulièrement appel à des employés étrangers. À côté des mesures visant à donner un statut légal à ces personnes, le canton de Genève a renforcé sa lutte contre le travail au noir et la sous-enchère salariale. À mi-chemin de ce programme mis en place pour deux ans, autorités et associations tirent un bilan positif «tant sur les plans humain qu’économique», selon le communiqué officiel.
Pas de déferlement de candidats«Ce que nous affirmons depuis des années se confirme: un processus de régularisation plus humain et plus rationnel ne crée ni un déferlement imprévu de candidats ni un appel d’air incontrôlable», constate pour sa part Marianne Halle, chargée de communication du CCSI (Centre de contact Suisses-Immigrés), citée par le communiqué des partenaires associatifs du projet. «Depuis le lancement de l’opération Papyrus en février 2017, 1093 personnes ont régularisé leur situation. L’obtention d’un titre de séjour a permis à 244 familles, dont 374 adultes et 412 enfants, huit couples sans enfant et 291 célibataires de sortir de la précarité liée à l’absence de statut de séjour», dénombre le communiqué officiel.
Seuls bémols soulevés par les associations: les critères stricts de Papyrus qui laissent sans solution de nombreux candidats à la régularisation et les démarches couteuses que certains d’entre eux ont entreprises auprès de prestataires privés, ignorant l’accompagnement gratuit offert par les associations partenaires.
Au vu du bilan largement positif, faut-il pérenniser Papyrus? «Un projet pilote doit avoir un début et une fin, mais il semble évident que tout le monde est désireux qu’une suite soit donnée à Papyrus», se réjouit Rémy Kammermann, juriste au Centre social protestant — Genève (CSP). À l’issue des deux ans de test, il est donc imaginable que certaines mesures soient pérennisées.
La porte ouverte pour d’autres cantonsPapyrus pourrait donc être un exemple pour les autres cantons. «À ma connaissance, Bâle est assez avancé dans ce sens», explique Rémy Kammermann. «Dans le canton de Vaud qui est traditionnellement assez ouvert sur la question, la volonté d’imiter Papyrus a donné lieu à une énorme maladresse: une motion parlementaire a été déposée et refusée par le Grand Conseil. Désormais, même s’il y a une volonté du gouvernement d’avancer vers une régularisation des sans-papiers ce refus du parlement représentera un écueil», regrette le juriste. «Papyrus, ça a été 10 ans de préparation!»
Ce que démontre Papyrus, par contre, c’est que «les blocages dans la régularisation des sans-papiers ne sont pas fédéraux, mais cantonaux. Le secrétariat d’État aux migrations est prêt à accompagner d’autres cantons, mais c’est à eux d’en faire la demande», analyse Rémy Kammermann.
Majoritairement des femmes d’Amérique latineUne évaluation externe de Papyrus a été conduite par le professeur Giovanni Ferro Luzzi de l’Institut de recherche appliquée en économie et gestion de l’Université de Genève. «Selon les résultats intermédiaires, les personnes qui bénéficient du projet Papyrus sont majoritairement des femmes originaires d’Amérique latine, âgées en moyenne de 44 ans, mères d’un ou de plusieurs enfants et travaillant dans le secteur de l’économie domestique. À noter également le niveau de formation élevé, la majorité (81%) ayant achevé une formation secondaire ou universitaire», note le communiqué officiel. Les bénéficiaires de Papyrus sont, par ailleurs, bien intégrés. «À 1% près, leur taux de réussite au test de français est le même que pour les personnes qui demandent la naturalisation», souligne Rémy Kammermann.
La plupart sont arrivés en Suisse le plus souvent pour occuper un emploi dans l’économie domestique. «Ces personnes ne pourraient pas rester en Suisse si elles n’avaient pas de projet professionnel, puisqu’ils ne peuvent pas bénéficier des aides sociales», note Rémy Kammermann. Une image du sans-papier qui tranche avec l’idée que l’on s’en fait généralement.