Des religieuses kenyanes prennent d’assaut deux hôpitaux

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Des religieuses kenyanes prennent d’assaut deux hôpitaux

Fredrick Nzwili
1 février 2018
Une bataille judiciaire pour la direction de deux hôpitaux, au Kenya, a opposé pendant plus de six ans des religieuses locales à un prêtre américain
Elles ont fini par gagner en entrant de force dans les centres médicaux.

Photo: L’hôpital St Mary à Nairobi © RNS/Ken Mwirigi/Creative Commons

(RNS/Protestinter)

Nairobi, Kenya – La bataille pour les hôpitaux de la Mission Sainte-Marie a opposé un prêtre américain aux sœurs de l'Assomption de Nairobi pendant plus de six ans. Elle s'est finalement terminée, vendredi 19 janvier, lorsque les religieuses, qui avaient déjà pris l'hôpital de Nairobi, sont entrées dans le second centre hospitalier à Elementaita, soutenues par un décret du tribunal et par la police.

«Elles ont pris d'assaut l'hôpital dans la matinée. Les sœurs sont venues avec des policiers et d'autres civils. Mais maintenant tout est redevenu paisible», a expliqué le révérend Bob Silvio, aumônier de l'hôpital St Mary à Elementaita, à 120 kilomètres au nord-ouest de Nairobi. La lutte entre le révérend William Charles Fryda et les sœurs inquiétait particulièrement les pauvres de la région qui comptent sur ces hôpitaux. La majorité d’entre eux n’ont pas les moyens de recevoir des soins ailleurs.

L'hôpital de Nairobi à lui seul accueille plus de 1’200 patients en ambulatoire par jour et comptent quelque 300 malades hospitalisés. Chaque mois, son personnel met au monde entre 800 et 1’000 bébés et effectue 500 opérations majeures ainsi que 500 autres actions.

Des consultations à un dollar

La majorité de la clientèle des deux hôpitaux vit dans une grande pauvreté et ne peut pas se permettre un traitement dans des hôpitaux privés ou même gouvernementaux. Mais pour moins d'un dollar, ils peuvent consulter un médecin et obtenir une ordonnance ou un test de laboratoire dans un hôpital de la Mission Sainte-Marie. «J'ai payé une centaine de shillings, environ un dollar, pour voir le médecin», a souligné Eliud Gathogo, un jeune comptable, alors qu'il se tenait dans une longue file d’attente. «J'attends maintenant pour faire un test de laboratoire. J'ai eu des douleurs thoraciques. Je me suis donc réveillé tôt pour me faire soigner».

La bataille juridique entre William Charles Fryda, qui n'était pas disponible pour réagir à la presse, et les religieuses a fait les manchettes à travers tout le pays. Non seulement pour l'intérêt porté aux hôpitaux, mais aussi pour le spectacle d'un prêtre américain aux prises avec des sœurs locales. Quatre mois après qu'un tribunal a déclaré que les sœurs étaient les propriétaires légitimes des hôpitaux, la veille de la prise de l'hôpital d'Elementaita, William Charles Fryda avait l'intention de continuer à se battre, a précisé Bob Silvio.

En bref, William Charles Fryda a dit que les hôpitaux étaient à lui depuis qu'il les avait fondés (celui de Nairobi a ouvert en 2000 et celui d’Elementaita en 2007) et construits avec l'argent qu'il avait récolté tout seul. Les sœurs ont affirmé que les hôpitaux étaient leur idée et qu’ils avaient été mis en place selon un accord entre les sœurs et les pères Maryknoll de New York. William Charles Fryda a été éloigné de cet ordre, il y a plus d'un an, selon Mike Virgintino, responsable de la communication pour cet ordre religieux.

La prise de l’hôpital de Nairobi

Insatisfaites du refus de William Charles Fryda de remettre les hôpitaux, les religieuses ont pris physiquement le contrôle des installations à Nairobi le 28 décembre dernier, établissant une nouvelle direction. «Nous avons repris l'hôpital. [...] Il est maintenant entre nos mains», avait expliqué une religieuse à l'époque, affirmant qu'elle ne pouvait pas donner son nom puisqu'elle n’était pas autorisée à parler au nom des sœurs de l'Assomption de Nairobi.

Margaret Wanjiru, qui vend des œufs durs, des saucisses et du maïs bouilli aux patients à la porte de l'hôpital de Nairobi, avait été témoin du drame dans son intégralité. «Les religieuses sont venues avec beaucoup d’agents de sécurité et ont libéré la porte d’entrée. Nous avons entendu les patients crier et vu le personnel courir partout. Je pense qu'il y avait une certaine résistance», avait raconté Margaret Wanjiru.

Les sœurs propriétaires

William Charles Fryda, en tant qu'étranger, ne peut pas posséder les terres sur lesquelles se trouvent les hôpitaux. Mais en 1999, avant l'ouverture du premier hôpital, il avait fondé une société pour gérer les institutions. Avec la création de cette société, les sœurs craignaient que le prêtre essaie de prendre le contrôle des hôpitaux. Mais finalement, les tribunaux ont certifié que le contrôle revenait aux soeurs selon l’accord original signé entre les deux ordres.

Elles se sont également plaintes à propos du fait qu’il avait ouvert une université de médecine et un orphelinat sans les consulter. William Charles Fryda, qui a été suspendu par son ordre en 2013 pour avoir refusé d'abandonner le procès contre les religieuses, a émigré de Tanzanie pour venir au Kenya dans les années 1980. Il a alors rencontré les sœurs qui dirigeaient l'hôpital St Mary. L’hôpital n’était qu’un dispensaire, à cette époque. Ensemble, ils ont convenu de transformer le dispensaire en hôpital et ont acheté plus de terres. Les sœurs étaient les propriétaires des terres.

Les patients espèrent que les hôpitaux continueront à bien s’occuper d’eux. Mais le révérend Joachim Omollo, un prêtre catholique qui connaît bien cette histoire, a souligné que les donateurs rassemblés par William Charles Fryda étaient toujours essentiels pour les institutions et qu’ils ne continueraient pas à ouvrir leurs portefeuilles sans la présence du prêtre américain. «Payer les médecins, acheter les médicaments et l'équipement coûte très cher. Je crains que les hôpitaux ne puissent survivre», déplore Joachim Omollo.