Plusieurs groupes évangéliques n’ont pas soutenu Roy Moore

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Plusieurs groupes évangéliques n’ont pas soutenu Roy Moore

Yonat Shimron
19 décembre 2017
Bien qu’il soit républicain, pro-vie et contre le mariage homosexuel, les évangéliques de l’Etat d’Alabama n’ont pas tous voté pour Roy Moore
Le candidat démocrate Doug Jones a remporté la course au Sénat.

Photo: L’éthicien Russell Moore © RNS/Ethics and Religious Liberty Commission

(RNS/Protestinter)

Après la victoire surprise des démocrates, de nombreux observateurs politiques se demandent si les évangéliques reconsidèrent l'importance de la réputation. Telle était la question après l'élection spéciale du 12 décembre en Alabama, dans laquelle le bloc républicain généralement fiable et important n’a pas atteint son objectif. Le démocrate Doug Jones a remporté la course pour le Sénat américain.

Pour certains analystes évangéliques, la réponse est évidente. L'Alabama, un Etat républicain où les évangéliques blancs peuvent facilement élire l'un des leurs, ne pouvait supporter un candidat imparfait comme Roy Moore, qui est accusé d'inconduite sexuelle avec des adolescentes et qui soutient une foule de points de vue controversés sur les homosexuels, les musulmans, les femmes et les races.

«Il est clair que de nombreux évangéliques ne sont pas allés voter», a constaté Al Mohler, président du Séminaire théologique baptiste du Sud à Louisville, dans l’Etat du Kentucky. «Je pense que les chrétiens évangéliques ont clairement indiqué qu'ils ne soutiendraient pas un candidat comme Roy Moore».

David French, rédacteur en chef de National Review, est arrivé à la même conclusion: «Les conservateurs de l'Alabama ont dit à leur parti que certaines victoires n’en valaient pas le coût». Le magazine évangélique «Christianity Today» a titré: «Roy Moore est allé ‘trop loin’ pour les évangéliques de l'Alabama».

Ces experts et d'autres également ont souligné que les évangéliques blancs représentaient 44% des votants lors des élections du 12 décembre, contre 47% lors des présidentielles de 2012 et 2008. Ils ont noté qu'aucun grand chef évangélique en Alabama - et surtout aucun grand pasteur baptiste du Sud - n'est venu soutenir Roy Moore, bien que certains pasteurs évangéliques moins connus l'aient fait. (Leurs noms ont été publiés par Kayla Moore, l'épouse du candidat républicain, sur sa page Facebook.)

Les évangéliques blancs ont soutenu Roy Moore

Toutefois, au moins un enquêteur a relevé que l'idée selon laquelle les évangéliques ne voulaient pas pardonner à Roy Moore à cause de ses présumés méfaits sexuels serait une fausse conclusion. La réalité est que 80% des évangéliques blancs ont voté pour Roy Moore – un pourcentage presque identique aux 81% qui ont voté pour Trump en 2016, à l'échelle nationale. «Cela ressemble à un enthousiasme typique pour un candidat républicain, même aussi peu conventionnel que Roy Moore», a souligné Robert P. Jones, le directeur de l’Institut public de recherches religieuses (Public Religion Research Institute).

En effet, ajoute Robert P. Jones, les allégations d'inconduite sexuelle n'ont pas semblé influencer ces électeurs-là. Une écrasante majorité de 94% des électeurs républicains a affirmé ne pas croire aux allégations selon lesquelles Roy Moore aurait attaqué des adolescentes il y a une quarantaine d’années, selon les données d’un sondage du Washington Post. «Nous avons eu deux candidats qui ne correspondent pas du tout aux valeurs des électeurs et pourtant les évangéliques ont balayé les allégations sérieuses contre eux», a déclaré Robert P. Jones, se référant à Donald Trump et Roy Moore.

Les évangéliques afro-américains ont voté pour Doug Jones

Si quelque chose de certain peut être dit au sujet des élections en Alabama, c'est que les chrétiens afro-américains, qui se considèrent eux aussi très souvent comme évangéliques, sont venus en force. Moore a perdu en grande partie parce que les Afro-Américains - et en particulier les femmes afro-américaines - ont voté massivement pour Doug Jones. En tout, 96% des Afro-Américains ont soutenu Doug Jones; c'est similaire au soutien qu'ils ont accordé au président Obama en 2012.

«Parfois, les gens de l’extérieur imaginent que les évangéliques sont blancs et que les évangéliques afro-américains, latino-américains et asiatiques sont dans une autre catégorie», a précisé Russell Moore, éthicien pour la Convention des baptistes du Sud (Southern Baptist Convention). «Nous formons une église. Nous sommes unis autour de l'évangile. En termes corporatifs, les évangéliques blancs sont une minorité distincte dans le mouvement évangélique».

Russell Moore faisait partie d'un groupe d'évangéliques influents qui ont affirmé ne pas pouvoir recommander de voter pour Roy Moore (aucune relation). Le groupe comprenait Ed Stetzer, directeur du Billy Graham Centre, au Wheaton College; et plusieurs femmes évangéliques éminentes telles que Kay Warren, Beth Moore et Nancy French. L’élection en Alabama a conduit de nombreux auteurs, dont Amy Julia Becker et Peter Wehner, à rédiger des éditoriaux tels que «Pourquoi je ne peux plus me considérer comme un républicain évangélique» de Peter Wehner.

Augmentation des évangéliques dissidents

L'importance croissante des évangéliques blancs dissidents est un développement intéressant, a constaté Brantley Gasaway, professeur d'études religieuses américaines à l'Université Bucknell. «Trump, et maintenant Moore, ont augmenté la sensibilité d'un groupe minoritaire, mais néanmoins important de leaders évangéliques qui affirment: ‘Nous ne soutiendrons pas un candidat uniquement parce qu’il est républicain, même s'il est pro-vie. Ce n'est pas suffisant.’ C'est un changement important», a remarqué Brantley Gasaway.

Finalement, on ne sait pas trop quelle influence a eu ce groupe sur les évangéliques blancs en Alabama. Charles T. Brown, un enseignant à la retraite du comté d'Etowah, le district de Roy Moore, a déclaré que de nombreux évangéliques étaient prêts à ignorer toute faille de caractère pour soutenir le fait d’avoir des juges conservateurs.

«Les gens pensent que nous sommes stupides», a ajouté Charles T. Brown, âgé de 70 ans. «Mais nous sommes assez sages pour comprendre la cause et l'effet. Nous sommes assez sages pour comprendre comment le Sénat peut influencer sur les candidats à la Cour suprême des Etats-Unis. Même si tout ce dont Roy Moore se trouve accusé est véridique, la Cour suprême et la question de l’avortement sont beaucoup plus importantes. Quelle est l'alternative? Aider les libéraux à ruiner notre pays?».