Appartenir simultanément à deux Eglises n’est pas tabou
Photo: Janusz Blonski: son Eglise propose le nouveau statut d’«ami de la paroisse», qui permet au fidèle de partager sa vie religieuse entre Eglise libre et EKD. ©Holger Wetjen
La ville de Bremerhaven, située au nord-ouest d’Allemagne présente un paysage religieux riche en Eglises libres. Mais celles-ci n’entrent pas toutes catégoriquement en concurrence avec les paroisses de l’Eglise Protestante d’Allemagne (EKD), qui se finance par un impôt d’Eglise public. Certaines Eglises libres tolèrent le fait qu’un fidèle vienne au culte, mais reste membre d’une Eglise de l’EKD. Ainsi, il se développe en Allemagne une double appartenance.
Le cas le plus fréquent de double appartenance est celui d’un membre d’une Eglise libre, qui fréquente le dimanche ordinaire le culte de son Eglise libre, mais qui au jour de la Réforme, à Noël ou à la Fête de la Récolte va dans une Eglise Luthérienne de l’EKD parce qu’il y apprécie le solennel de la cérémonie luthérienne et la considère comme un complément enrichissant. Rencontre avec Janusz Blonski, pasteur de l’Eglise Evangélique libre de Bremerhaven.
Vous proposez dans votre Eglise, un nouveau statut qui s’intitule: «ami de la paroisse». Combien de personnes ont ce statut chez vous?
Nous avons en ce moment sept «amis de la paroisse». Trois d’entre eux sont en même temps membres de l’EKD parce qu’ils travaillent dans une institution de l’EKD. Il y a par exemple, un homme qui travaille dans un jardin d’enfants confessionnel, et pour occuper ce poste, il lui faut être membre de l’EKD.
Les quatre autres personnes qui ont le statut d’«ami de la paroisse» viennent d’une autre Eglise libre, qui s’est dissoute, ils n’appartiennent donc pour l’instant à aucune Eglise parce qu’ils ont peur de se lier encore une fois trop vite à une Eglise libre et préfèrent donc le statut «ami de la paroisse», qui est moins contraignant pour eux.
Ensuite, il y a chez nous un couple, qui n’a pas pu se décider au baptême. Et bien sûr, chaque dimanche, nous accueillons de nombreux invités venant d’autres Eglises. Certains viennent du Wurtemberg [sud-ouest d’Allemagne, NDLR]. Beaucoup sont touristes ou vacanciers. Certains sont membres d’une EKD. Nous accueillons chaque dimanche autour de vingt invités. Et nous ne faisons pas d’examen de leur Eglise d’appartenance.
Un «ami de la paroisse» a pour une large partie les droits d’un membre de votre paroisse. Quels sont les droits dont il jouit?
Un «ami de la paroisse» peut s’engager dans toutes les activités de notre paroisse, à l’exception des fonctions dirigeantes. Il a le droit d’assister aux assemblées de la paroisse. Il a le droit de participer aux stages et d’être soutenu financièrement. Il peut lui-même nous soutenir financièrement. Il est libre de décider du montant qu’il nous donne.
On entend des cas où un membre d’une Eglise libre fréquente un culte EKD au jour de la Réforme, à Noël, ou à la fête de la Récolte. Observez-vous avec vos paroissiens qui viennent de banlieue qu’ils fréquentent le culte de l’EKD dans leur village de banlieue à Noël par exemple?
Oui. Je connais surtout le cas où une personne de la famille d’un membre reçoit sa confirmation. Par exemple le neveu d’une personne qui est membre chez nous. Et il est devenu normal que notre membre aille à cette cérémonie.
A Noël aussi beaucoup de nos proches souhaitent partager un moment en famille. Et nous avons pour cela adapté notre agenda à cela. Nous ne proposons pas un culte tous les trois jours du 24 au 26 décembre. Nous proposons par exemple un culte au 24 décembre et nous acceptons le fait que nos paroissiens aillent le 25 décembre au culte de leur village de résidence, proposé par l’EKD parce que leurs proches y vont. Nous recommandons même cette double visite de culte: qu’une personne de notre Eglise visite un culte dans une autre Eglise le lendemain. Nos paroissiens ne vont pas chez nous tous les jours. Je l’approuve: il est mieux qu’une personne vienne irrégulièrement, mais avec une joie plus grande. En particulier si cette personne roule vingt kilomètres pour venir chez nous.
C’est vrai que souvent l’on ne va pas à l’église la plus proche, mais que l’on va à l’Eglise qui satisfait au mieux les besoins religieux. Quelles sont sur ce point vos expériences?
Cinquante pour cent de nos membres viennent de Bremerhaven et cinquante pour cent viennent des communes situées autour comme Hagen, Langen, Debstedt, Loxstedt, Beverstedt et de l’autre côté du fleuve Weser.
Vous connaissez des cas où un membre de votre Eglise est également très actif dans une Eglise de l’EKD?
Oui. Nous avons eu le cas d’un paroissien qui s’est marié à une femme qui est membre de l’EKD. Après le mariage, il a eu une mauvaise conscience et il a rejoint l’EKD. Aujourd’hui, il vient chez nous comme invité. Et il en a le droit. Tous les cultes sont publics.
Vos membres viennent entre autres de la banlieue de Bremerhaven. Quels contacts entretiennent-ils avec les Eglises luthériennes ou réformées de l’EKD de leur lieu de résidence?
Une collaboration entre les personnes d’Eglises différentes est fréquente. Il se peut qu’une personne collabore à un projet dans son lieu de résidence, qui est dirigé par un paroissien de l’EKD. Et donc ce collaborateur reste membre de notre Eglise, mais quand il collabore avec le paroissien de l’EKD, il travaille évidemment pour l’objectif de ce projet de l’EKD.
Existe-t-il le cas où un membre de l’Eglise Evangélique libre donne instruction à un pasteur de l’EDK pour préparer l’enterrement d’un proche qui était membre de l’EDK?
Si dans la famille d’un de nos membres, il y a un cas de décès, ce membre s’adresse d’abord à l’Eglise à laquelle appartenait son proche défunt. Cela peut être une Eglise de l’EKD. Et dans ce cas, c’est le pasteur de l’EKD qui prépare cet enterrement. Nous avons aussi l’habitude d’annoncer dans notre culte au temps des annonces les décès des proches de nos membres même si ces proches n’étaient pas membres de notre Eglise. S’il agit du frère ou de la sœur, nous l’annonçons souvent aussi.
Ensuite, il y a un autre cas de figure que nous venons de discuter au sein de la Communauté des Eglises chrétiennes: une personne qui est membre d’une autre Eglise revient vers moi et me sollicite de préparer l’enterrement de son proche. Ni cette personne ni son proche n’ont été membres de notre Eglise. La Communauté des Eglises chrétiennes préconise de donner suite à la sollicitation. Moi je le fais, mais je demande quand même si dans l’Eglise que fréquentait le défunt, il n’y pas a un pasteur qui pourrait préparer l’enterrement. Si le proche me sollicite explicitement, je donne suite à sa sollicitation.