Quand l’Eglise se mobilise contre l’homophobie et la transphobie
«Nous sommes là parce qu’il y a une urgence et des besoins réels de la communauté LGBTI», a déclaré Adrian Stiefel, chargé de ministère et responsable de l’antenne LGBTI du Lab. (laboratoire de l’Eglise protestante de Genève) lors de cette première journée de formation qui a eu lieu mi-septembre à Genève. Confortablement installés dans les moelleux divans du Temple de Plainpalais, pasteurs, enseignants et travailleurs sociaux ont été subtilement invités à déconstruire les stéréotypes de genre et à prendre la mesure des souffrances que peuvent vivre tous ceux qui ne rentrent pas dans les cases d’une majorité présumée hétérosexuelle. Ouvrant la journée, Adrian Stiefel a témoigné de son parcours personnel, se revendiquant «à la fois gay et chrétien», fruit d’une réconciliation après la déconstruction d’enseignements littéralistes. Un dépérissement pour ce jeune croyant qui ne voyait pas sa foi le guérir de son orientation sexuelle comme l’église évangélique qu’il fréquentait le lui avait annoncée.
Imaginez quelle serait votre vie enfermé dans un placard«Dans les placards, il fait sombre, il fait nuit, la honte et la solitude règnent», explique Caroline Dayer, intervenante et auteure de «Sous les pavés, le genre. Hacker le sexisme.» «L’homosexualité n’est pas une source de souffrance, mais l’homophobie oui. Il y a des verrous qui maintiennent les portes fermées, comme la peur d’être rejeté ou de ne plus être aimé de ses proches». Pour la chercheuse de l’Université de Genève, il faut donner un trousseau de clés pour pouvoir ouvrir ces verrous et passer de la survie à la vie. Il y a des signes à donner aux jeunes, parce que la formulation à soi n’est pas évidente. A qui parler? «Tu ne peux pas te le dire, car on ne t’a jamais dit que c’était possible, on n’en a jamais parlé avec des amis, à l’école et dans la famille non plus. Donc tu gardes pour toi et tu te dis que t’as un problème et tu ne sais même pas à qui en parler», témoigne Florence une jeune femme que la conférencière cite en exemple. Comment trouver des repères quand la socialisation en négatif ne donne pas de facteurs d’identifications? Ce qui fait office de facteurs de protections, comme la famille ou le groupe d’amis est souvent absent chez les jeunes homosexuels dont le risque de suicide est plus élevé que chez les hétérosexuels.
Offrir des espaces de sécurité et de rencontre«Chaque personne a une capacité d’action à sa manière pour montrer son inclusivité. Il faut promouvoir par des affiches, des signes sur une porte, ceux qui savent se reconnaîtront», témoigne Fatou-Maty Diouf de l’équipe d’animation Totem. Cette jeune femme souriante et bien dans ses baskets, est une pionnière de ce groupe de soutien aux jeunes LGBTI: «Un lieu où on peut échanger, se retrouver, et trouver des modèles. Ici les jeunes sont en sécurité, pas de questions intrusives et pas d’étiquettes. Ils vivent le fait de ne plus être seuls». Grâce à son système de réseau, cette association genevoise qui fonctionne par le relai et le bénévolat de ceux qui ont osé pousser la porte intervient désormais dans les écoles afin de prévenir les discriminations. En continuité de Totem, Alexia Scappaticci travaille au Refuge Genève, structure qui propose deux places d’hébergement pour des jeunes jetés à la rue: «Il faut recréer le dialogue avec les familles, nous associons souvent des représentants de communautés religieuses, c’est rassurant pour les parents lorsque c’est la religion qui est à l’origine du rejet».
Des pasteures inclusivesA Genève, l’Eglise réformée devra se prononcer prochainement sur l’ouverture d’un rite de bénédiction pour les couples homosexuels. Pour la pasteure Carolina Costa, coordinatrice du Lab, «ce n’est même plus une question. Comme jeune j’ai vécu dans une Eglise ouverte, le pasteur m’a donné accès à un Jésus qui faisait disparaître tous les placards. Chaque être humain est un miracle de Dieu et Dieu bénit tous les humains». Une vision que rejoint Vanessa Trüb, pasteure elle aussi «nous avons besoin d’outils pour comprendre, j’avais des réflexes hétérosexistes, or on n’a pas le choix de sa sexualité. Il faut pouvoir accompagner la personne à partir de ce qu’elle est et non pas ce qu’on voudrait qu’elle soit». Des tables rondes durant l’après-midi ont également permis aux participants de prendre conscience de l’urgence d’agir pour l’égalité ainsi que la prévention des discriminations en raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre. En 2017, la Suisse se situe en 26e positions sur 49 pays avec seulement 30,94% d’égalité pour les personnes LGBTI, selon le classement Rainbow-Europe basé sur le cadre juridique et le climat social de chaque pays.