Faire du conflit une situation normale
Photo: CC(by-sa) Lorie Shaull
Berlin (EPD/Protestinter). L’Eglise protestante d’Allemagne (EKD) appelle à une participation plus étendue aux confrontations politiques du pays. Par rapport à d’autres Etats, la démocratie allemande est en majeure partie restée très stable et tournée vers le consensus: c’est ce qu’écrit Heinrich Bedford-Strohm, président du Conseil de l’EKD, en avant-propos du document de 32 pages intitulé «Consensus et conflit: la politique a besoin de débat» présenté récemment à Berlin. Pourtant, la société a perdu de son homogénéité.
Heinrich Bedford-Strohm fait allusion au populisme, qui a beaucoup gagné de terrain dans la sphère partisane comme dans la population. Plus que jamais, il faut se préparer à voir certains conflits s’installer de manière durable. «Le devoir pour toutes les forces de la société de contribuer à sa cohésion s’impose donc avec d’autant plus de force», affirme l’évêque bavarois.
Le Conseil de l’EKD a chargé sa Chambre de responsabilité publique de mener une réflexion sur les relations à entretenir avec les partis populistes de droite. Mais au final, le document qui en est ressorti se penche beaucoup sur les questions fondamentales touchant aux rapports qui animent la vie démocratique. Il propose dix grandes impulsions qui touchent notamment à la culture du débat, la manière de gérer les conflits et le rôle des Eglises dans le dialogue démocratique.
Dans l’ensemble, ce document invite à la confrontation des positions: le conflit n’est pas le synonyme d’une crise, mais l’état normal de la démocratie. «Notre société souffre de sa tendance à poser sur le conflit un regard de crainte et de rejet, même quand il survient dans la sphère politique», a déclaré Reiner Anselm, le président de la Chambre de responsabilité publique, à l’agence de presse protestante allemande EPD. Ce professeur de théologie munichois déplore aussi le manque de débat dans la campagne législative.
Aux yeux de la chambre, les limites de la confrontation sont celles qui séparent le populisme de l’extrémisme. Face à des individus prêts à s’attaquer à la démocratie, il ne faut pas chercher le dialogue, mais opposer une véritable résistance. L’AFD, avec qui les Eglises cherchent actuellement à établir des rapports pragmatiques et réalistes, n’est pas nommément citée.
Reiner Anselm plaide pour «ouvrir clairement la porte» au dialogue, y compris avec l’AFD. Contrairement au NPD, il ne voit pas d’extrémistes prêts à défendre la violence dans ce parti. Il convient donc d’organiser la confrontation. Le théologien y ajoute cependant un avertissement: les Eglises doivent s’engager «mieux préparées» dans le débat, sans éviter les sujets difficiles comme la question des frontières dans le rapport à l’immigration. Selon les termes du document, il ne faut pas confondre le droit et la morale.
L’Eglise elle-même y est considérée comme un lieu de confrontation démocratique. Pour cela, Reiner Anselm invite à une plus grande mise en avant du pluralisme du sein des communautés protestantes. Il existe aujourd’hui selon lui un «protestantisme “mainstream” qui ne recouvre en rien les réalités». C’est là un problème, car cela rend plus difficile l’implication des fidèles.
La commission qui a rédigé ce document comprend notamment des théologiens, des spécialistes des sciences sociales, des juristes et des hommes politiques — dont le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères Michael Roth (SPD) et le député Michael Brand (CDU).