Les musulmans de Manchester craignent des réactions haineuses après l’attentat

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Les musulmans de Manchester craignent des réactions haineuses après l’attentat

Shenaz Kermalli
29 mai 2017
Après l’attentat du 22 mai à Manchester, la communauté musulmane redoute que la population fasse des amalgames entre tous les adeptes de l’islam et les terroristes de l’Etat islamique

Photo: Des hommes allument des bougies au centre de Manchester © RNS/Reuters/Peter Nicholls

(RNS/Protestinter)

A la suite de l'attentat terroriste survenu au concert d'Ariana Grande le 22 mai à Manchester, les musulmans et tous les habitants de la ville britannique pleurent les morts et s’occupent des blessés. Mais pour les musulmans en particulier, l'attentat-suicide qui a fait plus de vingt morts et des dizaines de blessés a également semé la peur. Ils craignent une réaction violente de ceux qui blâmeront tous les adeptes de l'islam pour ce carnage revendiqué par l’Etat islamique.

Une grande partie de l’importante communauté musulmane du Grand Manchester - environ 15% des 2,5 millions d’habitants de l’agglomération, dont beaucoup vivent dans la métropole depuis les années 1960 - se demande s’ils sont encore en sécurité les rues, les mosquées et les écoles. D’un point de vue général, les gens se sont unis dans leur solidarité, a souligné Zahid Hussain, un auteur local et poète musulman. «Les habitants viennent ensemble, mais il y a eu des escarmouches». La ville est sous tension.

Zahid Hussain a reçu des appels, mardi 23 mai au soir, au sujet d'une jeune fille musulmane de 14 ans, victime de moqueries à l'école. Et un ami juif lui a dit qu'il n'avait pas envoyé ses enfants à l'école ce jour-là. «Il pensait qu'une attaque était éminente dans leur propre communauté», a ajouté le poète.

Des réactions haineuses

Fiyaz Mughal, le fondateur de «Tell MAMA», qui surveille et enregistre les crimes haineux contre les musulmans, a rapporté qu'il y avait eu un pic «mesurable» d’incidents après l'attaque, tels des insultes, des crachats et des foulards retirés des têtes de femmes musulmanes. De plus, la porte d'une mosquée d'Oldham, juste à l'extérieur de la ville de Manchester, a été brûlée quelques heures seulement après l'attaque de lundi soir. Des policiers ont également été appelés aux alentours de la mosquée centrale de Glasgow, en Ecosse, après que le mur extérieur du bâtiment a été recouvert d’un graffiti représentant le mot «ISIS» enfermé dans un cœur.

Musa Naqvi, un autre résident musulman de Manchester qui travaille dans le secteur de la santé publique, s'inquiète des sentiments haineux qui se manifestent sur internet. «Les commentaires sur Facebook et Twitter sont mitigés. Certains de mes amis non musulmans ont été vraiment compréhensifs. Mais j'ai aussi vu beaucoup de commentaires haineux qui blâmaient les musulmans».

Notamment ceux de certains journalistes et chroniqueurs, comme Piers Morgan, qui a tweeté mardi: «Il est temps pour les musulmans de révéler, de nommer et de couvrir de honte les membres radicalisés de leurs communautés avant qu'ils ne tuent». Pour Musa Naqvi, l'accusation est incroyablement injuste parce que les sources ont révélé que le kamikaze, maintenant identifié comme Salman Abedi, 22 ans, a été signalé à la police au moins cinq fois ces dernières années par rapport à ses points de vue extrémistes. Mais les autorités n’ont rien fait pour l’arrêter.

Que font les services de sécurité?

«Alors qu’on retrouve dans les médias des critiques envers la communauté musulmane, les imams et les mosquées, je m’interroge vraiment sur les services de sécurité», a-t-il ajouté. «Pourquoi ne se sont-ils pas assurés d’arrêter ce suspect avant qu'un tel événement n'ait eu lieu? Il existe un fossé entre les services de sécurité, la police et la communauté musulmane qui doit être comblé», a insisté Musa Naqvi. «Les autorités ne vont pas gagner les cœurs et les esprits de la communauté, si les musulmans continuent d’être blâmés dans les médias».

L'identité du kamikaze a choqué Musa Naqvi. Ils habitaient dans le même quartier. «C'est vraiment surréaliste pour moi. Ce mec, Salman Abedi, vivait à cinq minutes de chez moi. C'est le milieu de Manchester, pas une zone industrielle. Comment a-t-il eu une bombe? C'est très perturbant. Cela sonne l’alarme et sème l'anxiété dans le quartier où nous vivons».