La Russie interdit les témoins de Jéhovah pour cause d’extrémisme
Photo: Des piles de fascicules des témoins de Jéhovah lors d’un précédent procès en 2010. © Alexandr Tyryshkin/Reuters/RNS
«USA Today»/RNS/Protestinter
Après six jours d’audition, la Cour suprême russe a ordonné jeudi 20 avril la fermeture du quartier général national des témoins de Jéhovah ainsi que des 395 salles du Royaume disséminées dans le pays. Les témoins de Jéhovah sont une menace pour la Russie, selon la procureure du Ministère de la Justice, Svetlana Borisova, citée par l’agence Interfax. «Ils menacent les droits des citoyens ainsi que la sécurité et l’ordre publics», a-t-elle déclaré devant la cour. La procureure a également souligné qu’en refusant les transfusions sanguines, le mouvement enfreint les lois sanitaires russes.
«Nous sommes très déçus par cette décision et très inquiets de l’impact que cela aura sur notre activité religieuse», a déclaré Yaroslav Sivulskiy, porte-parole des témoins de Jéhovah russes. «Nous allons faire appel de ce jugement nous espérons que nos droits et que notre sécurité comme groupe religieux pacifique seront restaurés aussi vite que possible.» Dans une prise de position écrite publiée sur le site web russe du mouvement, les témoins de Jéhovah déclarent que cette décision fait de cette date «un jour noir pour les droits fondamentaux en Russie.» L’organisation estime que «cette décision pourrait conduire à des conséquences terribles pour les croyants de différentes religions ainsi que pour l’image de la Russie dans le monde.»
Durant l’audition, une témoin, identifiée comme Natalia Koretskaya de Saint-Pétersbourg a déclaré avoir été membre de l’organisation entre 1995 et 2009, relate l’agence de presse TASS. Elle a déclaré que les hauts responsables de l’Eglise disent appliquer les règles du mouvement, «mais en réalité, il faudrait plutôt parler d’un contrôle total de la vie privée d’un individu, sa vie intime, sa formation, son travail.»
Les avocats des témoins de Jéhovah ont contré ces arguments en déclarant que les témoins avaient été rencontrés avant l’audience afin que leurs déclarations aillent dans le sens du Ministère public, relate l’agence TASS. Les représentants des témoins de Jéhovah vont faire appel de cette décision. Et un porte-parole a d’ores et déjà annoncé que si la cour d’appel de la Cour suprême confirmait le jugement de jeudi, l’affaire serait portée devant la Cour européenne des Droits de l’Homme.
Selon le site international du mouvement, la Russie compte quelque 175'000 témoins de Jéhovah. L’Eglise s’est enregistrée légalement comme mouvement religieux en Russie pour la première fois en 1991 et son enregistrement a été renouvelé en 1999.
Une série d’actions en justiceL’affaire a été menée devant la Cour suprême à la suite d’une action lancée par le Ministère de la Justice. En février, des inspecteurs ont perquisitionné les quartiers généraux des témoins de Jéhovah à Saint-Pétersbourg selon le périodique indépendant «Novaya Gazeta». Plus de 70'000 pages de documents ont été confisquées par l’Office du Procureur général, selon Centre pour l’information et l’analyse SOVA, qui rapporte les crimes de haines et l’application des lois anti-extrémisme.
Selon le service de presse du groupe religieux, le programme religieux des témoins de Jéhovah ne fait pas usage de matériel banni en Russie et que les autorités sont prévenues lorsque quelqu’un tente d’introduire une telle littérature dans les bâtiments du mouvement.
En 2009, la Cour suprême de Russie a confirmé une décision d’une cour inférieure qui avait déclaré 34 documents issus de la littérature témoins de Jéhovah d’extrémiste, parmi lesquels figurait l’édition russe du magazine la Tour de garde. Le mouvement a été officiellement interdit dans la ville portuaire de Taganrog depuis 2009, après qu’une cour locale ait reconnu l’organisation coupable d’incitation à la haine religieuse en «propageant l’exclusivité et la suprématie» de sa religion, selon le quotidien britannique «The Independant». En 2015, un tribunal de Rostov a condamné seize témoins de Jéhovah pour pratiques extrémistes à Taganrog. Le tribunal a condamné cinq personnes à des peines de prison — suspendues par la suite — et les autres accusés ont écopé d’amendes salées. La même année, la Cour suprême de Russie a interdit le site international de la religion qualifié d’«extrémiste».