«Il est possible de concilier la foi chrétienne et la vie professionnelle»
Propos recueillis par Martin Bernard
Plusieurs chefs d’entreprise, hommes politiques, et responsables de l’église et de la société civile participeront, vendredi 7 avril à Lausanne, au premier Forum romand pour décideurs chrétiens. Des personnalités vaudoises de premier plan comme le conseiller d’Etat Philippe Leuba ou le chef d’entreprise Jean-Pascal Bobst feront partie des intervenants. L’événement émane du Forum pour décideurs chrétiens, créé dans la région bernoise en 2012. Il permettra aux participants d’échanger sur des questions de leadership, de responsabilité et d’éthique personnelle et professionnelle. Entretien avec Christian Kuhn, son coprésident.
A partir de quand est-on un décideur chrétien?
Dès le moment où l’on est amené à devoir prendre des décisions en accord avec des valeurs marquées par la réalité de l’Evangile, comme la tolérance, le respect ou l’encouragement, qui sont finalement aussi des valeurs universelles.
Pourquoi organiser une rencontre en Suisse romande?
Depuis sa création, relativement peu de romands ont participé au Forum se déroulant Outre-Sarine. Nous sentions cependant qu’il y avait un vrai potentiel en Suisse romande, et un besoin de développer une dynamique propre. Il semble que nous avions vu juste: environ 250 décideurs participeront à la rencontre de Lausanne. Ce nombre nous encourage et dépasse nos attentes.
Quel sera le fil rouge de ce Forum?
L’idée est de s’interroger sur la cohérence qui existe entre la foi et la vie professionnelle, et de chercher des voies permettant de connecter ces deux mondes. Nous ne cherchons pas à prendre le contrôle de la société. Beaucoup de décideurs sont profondément religieux, mais leur foi reste souvent cantonnée à la sphère privée ou à l’église. Or, nous considérons au contraire que la vie professionnelle fait partie intégrante de la mission qui nous est confiée sur terre.
Comment, par exemple, concilier les idéaux chrétiens avec le fait de licencier plusieurs centaines d’employés?
En réalisant que si des licenciements ne sont pas entrepris, l’entreprise risquera de faire faillite et l’ensemble du personnel devra chercher du travail ailleurs. Ce genre de décisions sont difficiles à prendre. Ethiquement, des questions se posent. D’autres patrons décideront de puiser dans les réserves financières, et de garder tout le monde. Il y a plusieurs manières de faire, mais les convictions religieuses sont conciliables avec la réalité économique.
Un ancien directeur de Nestlé fait partie de l’équipe de patronage du forum. Les activités de multinationales comme Nestlé sont-elles compatibles avec les valeurs chrétiennes?
Il est impossible de dire qu’une entreprise est chrétienne. C’est toujours des personnes qui sont porteuses des valeurs de l’Evangile. Nous espérons que des décideurs chrétiens puissent influencer l’éthique de leur firme. Dans les grands groupes, cependant, la dimension éthique n’est pas décidée par un seul individu. Il n’est pas rare que des entrepreneurs ressentent une certaine tension entre leurs propres valeurs et celles de leur firme. Il est clair aussi que les décideurs sont soumis à des logiques d’entreprise ou de parti auxquelles ils doivent se soumettre. Bibliquement, cela ne pose pas de problème, mais il faut pouvoir ensuite gérer intérieurement. Notre ambition n’est pas de changer le système, mais de chercher des pistes pour mieux se comporter en son sein.