Les années Obama et la foi: période de grâce ou guerre des religions?

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Les années Obama et la foi: période de grâce ou guerre des religions?

20 janvier 2017
Sur la question religieuse, quel bilan tirer de la présidence Obama? Homme de foi discret sur la question, il a pris des positions progressistes concernant les couples de même sexe et les interruptions de grossesse, mais plutôt conservatrices en ce qui concerne les subventions accordées à des organisations religieuses.

Photo: ©RNS/Reuters/Brian Snyder

Par Adelle M. Banks RNS/Protestinter, Washington

Après les événements de Tucson, Aurora, Fort Hood et Sandy Hook, Barack Obama avait déjà endossé le rôle du pasteur devant une foule de personnes endeuillées. Mais quand il s’est trouvé parmi les évêques afro-américains à Charleston, en Caroline du Sud, pour faire l’éloge du ministre tué avec huit de ses ouailles après avoir accueilli l’étranger dans une étude biblique, le président a osé ce qu’il n’avait jamais fait auparavant. Après avoir évoqué le révérend Clementa Pinckney et discuté des enjeux moraux et spirituels de la haine raciale et de la violence armée, le président a entonné la première strophe d’«Amazing Grace», entraînant dans son sillage la foule immense réunie dans la TD Arena de Charleston.

«C’était… Waouh. Waouh», s’est exclamé Vashti McKenzie, qui se tenait juste derrière Obama lors des funérailles du 26 juin 2015. Cet évêque, qui préside le Conseil général de l’Eglise épiscopale méthodiste africaine, a déclaré que ce discours était une réponse à ceux qui se demandaient si ce président prétendument honteux de sa foi et de son rôle de premier président noir était chrétien. «Cela nous a rappelé qu’il est un homme de foi. Et cela en a dit beaucoup sur sa foi et pour la communauté.»

Mais en dehors de cet épisode remarquable, le 44e président a aussi connu des échecs dans ses tentatives d’apaiser les conflits culturels dans le pays. «C’est un héritage mixte pour les deux côtés d’un pays divisé», déclare Michael Wear, ancien membre du personnel de la Maison-Blanche et auteur du livre à paraître «Reclaiming Hope: Lessons Learned in the Obama White House about the Future of Faith in America» (Retrouver l’espoir: leçons apprises dans la Maison-Blanche d’Obama au sujet du futur de la foi en Amérique).

Services sociaux religieux

L’un des premiers ordres exécutifs d’Obama a été de conserver le «Bureau des partenariats de quartier basés sur la foi», initié par son prédécesseur George W. Bush sous un nom légèrement différent. Au cours des huit dernières années, les bénéficiaires de services sociaux religieux financés par le gouvernement ont obtenu de plus grandes protections en matière de liberté religieuse et une initiative interconfessionnelle pour les universités a permis à des centaines de campus de s’impliquer dans des projets de volontariat. Ses conseils consultatifs de leaders religieux et laïques ont inclus des membres transgenres, sikhs et évangéliques, et ont promu des objectifs tels que l’élimination de la pauvreté, la prévention de l’intoxication par le plomb et l’amélioration des relations entre les communautés et les forces de l’ordre.

Mais l’administration Obama a également maintenu une règle qui perturbe les militants de la séparation Eglise-Etat, parce qu’elle permet aux organisations religieuses financées par le gouvernement d’embaucher leurs employés sur la base de leur foi. Or, c’était une règle qu’Obama avait promis de changer lors d’un discours en 2008: «Si vous obtenez une subvention fédérale, vous ne pouvez pas utiliser cette subvention pour faire du prosélytisme auprès des gens que vous aidez et vous ne pouvez pas les discriminer — ou les gens que vous embauchez — en fonction de la religion.»

Pour le révérend Barry Lynn, directeur général d’Américains unis pour la séparation de l’Eglise et de l’Etat, cela a été une grande déception. «Il ne fait aucun doute que cette disposition est la pire. Cette politique fait maintenant à la fois partie du programme initié par Bush et de son application par Obama. Elle a établi une discrimination indéfendable entre les bénéficiaires des dollars de l’impôt.»

Certains de ceux qui étaient favorables au maintien de cette règle d’embauche étaient concernés quand il a signé, en 2014, un décret établissant une protection contre la discrimination sur la base de l’orientation ou de l’identité sexuelle dans les organisations qui fournissent des prestations pour l’Etat. «Cela a rendu les choses plus obscures, car dans ce domaine, il y a des acteurs qui sont largement à cheval sur la frontière avec le religieux», estime Stanley Carlson-Thies, responsable principal de l’Alliance pour la liberté religieuse des instituions. «Où faut-il fixer la limite?»

Couverture de l’avortement

Le soutien d’Obama aux droits en matière de sexualité a suscité les plus vives critiques au sein de la droite religieuse. Tony Perkins, le président du Conseil de recherche sur la famille a écrit en décembre qu’avec la moitié des états d’Amérique qui autorisent l’interruption volontaire de grossesse dans le cadre de la loi sur l’accès aux soins (Obamacare), on se met à dos «des millions de famille pro-vie qui ne souhaitent pas que leurs impôts servent à subsidier une assurance qui couvre la mise à mort brutale d’innocents bébés pas encore nés.»

Le républicain Mitt Romney, qu’Obama avait battu en 2012, accuse le président d’avoir commencé une «guère de religions» avec la prise en charge de la contraception dans le mandat de la loi sur l’accès aux soins. Une couverture qui a provoqué le dépôt de pas moins de 100 attaque en justice par des opposants religieux.

Revirement sur le mariage gay

A propos du mariage gay, Obama a motivé par sa foi son changement de position l’amenant à finalement soutenir le projet. «C’est la règle d’or, vous savez. Faites aux autres ce que vous voudriez qu’ils fassent pour vous», a déclaré l’homme politique sur ABC News.

Cette transition a été saluée par les Eglises progressistes, mais a posé un dilemme pour les autres, en particulier de nombreuses communautés noires. Le clergé afro-américain a loué l’extension de la couverture santé également aux personnes non assurées. Les religieux ont aussi applaudi l’initiative grand-frère qui mettait des mentors à disposition de nombreux garçons noirs ou latino. Mais il a également été «profondément chagriné» par le revirement du président au sujet du mariage des couples de même sexe, a déclaré Vashti McKenzie. D’ailleurs son Eglise ne reconnaît pas de telles unions.

Différentiation de l’islam et du terrorisme

Au sujet de l’islam, Barry Lynn, d’Americans Unites, salue le fait qu’Obama a toujours distingué les musulmans des terroristes qui déclarent défendre cette foi. «Je pense que ses efforts pour rendre clair que l’on ne peut pas blâmer une religion entière, l’islam, pour le comportement de quelques individus qui s’en revendiquent, font partie de ses prises de position les plus fortes.»

Bien qu’il ait parlé de sa foi dans la naissance, la crucifixion et de la résurrection lors d’un petit-déjeuner de prière, Obama ne semblait pas parvenir à ôter de l’esprit de certains Américains qu’il était musulman. Pas plus tard qu’en 2015, lors d’un sondage, plus d’un quart des habitants des Etats-Unis et 43% des républicains ont estimé qu’Obama est musulman.

Michael Wear, un chrétien évangélique qui travaillait dans le bureau religieux, a dit que lui et d’autres employés de la Maison-Blanche recevaient parfois des courriels des gens remettant en question la foi du président – dont un qui se faisait l’écho d’une rumeur selon laquelle le président organisait des prières musulmanes dans les jardins.

Mais les gens se souviennent de toutes les fois où Obama a choisi de parler de sa foi, comme à Charleston, et souhaitent que ses adversaires s’en souviennent aussi. «Mon garçon, j’ai toujours pensé que si certains critiques du président entendaient simplement ce qu’il disait sans savoir que c’est lui, ils se demanderaient s’il s’agit de tel ou tel prédicateur qu’ils admirent», déclare Carlson-Thies, se référant aux paroles d’Obama lors des petits-déjeuners de Pâques que le président a animés à la Maison-Blanche.

Loin d’être un pilier d’église

Sa fréquentation très ponctuelle des bancs d’église a également suscité des interrogations. Michael Wear, qui dès le début a cherché des Eglises que pourrait rejoindre la première famille, déclare que la décision de ne pas avoir de paroisse à Washington a évité un «cauchemar logistique» pour toute congrégation qui aurait pu être choisie. «Les gens prennent des photos et des vidéos Snapchat alors que la première famille essaie de prendre la Communion», dit-il, rappelant au passage une visite à une Eglise baptiste historiquement noire à Washington, où les touristes ont fait la file à des détecteurs de métaux et pris la place des membres habituels.

Au cours de sa présidence, Obama a accueilli des personnalités religieuses à la Maison-Blanche. Il a pris conseil auprès de conseillers spirituels tels que son premier directeur de bureau religieux, Joshua DuBois, ou le pasteur Joel Hunter. Il a pu assister à des cultes privés grâce à la chapelle de la retraite présidentielle de Camp David et à son aumônier. Il a été le premier président à inclure les «non-croyants» dans une allocution inaugurale, le premier à allumer la Diya (la lampe à huile qui symbolise le bien triomphant du mal pendant la fête hindoue de Diwali) et le premier à publier une déclaration le jour de Vesak, soit le jour à l’honneur de Bouddha.

Un bilan contrasté

Malgré la règle sur l’embauche et le débat sur le remboursement de l’avortement par l’Obamacare, l’expert juridique Douglas Laycock déclare que cette administration a principalement travaillé à donner une vraie place à la religion dans la société. Lors de la réunion de la Religion News Association (association de la presse religieuse), l’année dernière, il a cité des exemples tels que le Département de la Justice prenant le parti de la ville de Greece, dans l’état de New York, dont les prières sectaires ont été soutenues par la Cour suprême, ou le soutien aux Eglises aux prises avec le découpage du territoire, ou les droits des prisonniers. «Ils ont eu raison sur les questions de religion et de liberté religieuse plus souvent qu’ils n’ont eu tort», a déclaré Douglas Laycock, de l’Université de Virginie. «Et, quelle que soit la manière dont vous établissez le score, le résultat final ne ressemble en rien à une guerre de religions.»