La loi américaine sur la liberté religieuse protège désormais le droit de ne confesser aucune religion

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La loi américaine sur la liberté religieuse protège désormais le droit de ne confesser aucune religion

Kimberly Winston
10 janvier 2017
Très actifs dans la promotion de la liberté religieuse, les Etats-Unis viennent d’adopter une modification légale qui inclut, pour la première fois la protection de la liberté de conscience des personnes non religieuses.

Photo: Allégorie de la Liberté de culte au pied de la Colonne du Congrès à Bruxelles CC(by-sa) Murali Mohan Gurram

, RNS/Protestinter

Lorsque le président Obama a signé, mi-décembre, une nouvelle loi sur la liberté religieuse internationale, l’intention était de protéger les croyants du monde entier. Mais selon certains juristes, cette loi constitue une innovation d’un autre ordre: pour la première fois, les athées et les non-religieux sont explicitement considérés comme une catégorie de personnes protégées par le droit.

«La nouvelle loi utilise un vocabulaire très instructif», déclare Caroline Mala Corbin, professeure de droit à l’Université de Miami. «Elle opte pour une conception élargie de la liberté religieuse, qui en l’occurrence ne prévoit pas seulement le droit de pratiquer sa religion. Il s’agit aussi du droit d’avoir ses propres opinions sur la religion, y compris des opinions agnostiques ou athées.»

La loi d’origine (nommée «Frank R. Wolf International Religious Freedom Act» ou IFRA) a été établie en 1998 par la Commission américaine sur la liberté religieuse internationale, un organisme de surveillance de la liberté religieuse qui a recensé des abus contre les chrétiens, les juifs, les baha'is et d’autres minorités religieuses dans des pays comme l’Egypte, l’Irak, le Nigéria, le Pakistan, la Syrie et le Vietnam. La nouvelle version de la loi, nommée d’après un ancien membre du Congrès qui avait défendu sa version originale, étend explicitement la protection aux athées également. Ainsi, pour la première fois, la loi précise que «la liberté de pensée, de conscience et de religion est censée protéger les croyances théistes et non théistes, tout comme le droit de ne confesser ou pratiquer aucune religion.» Elle condamne également le «fait que les non-théistes, les humanistes et les athées soient pris pour cibles en raison de leurs croyances» et permet au Département d’Etat de cibler les «acteurs non étatiques» qui s’opposent à la liberté religieuse, tel l’Etat islamique, Boko Haram et d’autres groupes extragouvernementaux.

La nouvelle loi a été soutenue par les chrétiens au même titre que les athées. Russell Moore, président de la Commission de l’éthique et de la liberté religieuse de la Convention baptiste du Sud, a qualifié la mesure législative «d’étape vitale vers la protection de la liberté de conscience de millions de personnes parmi les plus vulnérables et les plus opprimées dans le monde», tandis que Roy Speckhardt, directeur général de l’Association humaniste américaine (AHA) a parlé de «progrès significatif vers l’acceptation et l’inclusion des personnes non religieuses».

Reconnaître les non-croyants américains et sensibiliser au sort des autres

Introduire un langage athée dans la loi a requis un processus de quatre ans, comme l’explique Maggie Ardiente, directrice de la communication de l’AHA. En 2012, elle a rencontré, avec d’autres activistes athées, des membres du Département d’Etat pour sensibiliser à la persécution des non-croyants. Le directeur législatif de l’AHA, Matthew Bulger, a été le premier représentant d’une organisation non théiste à prendre part à la Table ronde internationale sur la liberté religieuse, un groupe informel de leaders issus de différentes religions qui consulte le Département d’État sur les questions de liberté religieuse.

L’AHA et d’autres groupes non théistes comme les athées américains et le Center for Inquiry ont exercé des pressions sur le Congrès au nom des athées emprisonnés et persécutés depuis plusieurs années en Arabie saoudite, au Bangladesh, au Pakistan et ailleurs dans le monde. Les athées de ces pays ont été enfermés, harcelés et exécutés, parfois par des foules violentes. En septembre, un homme saoudien a été condamné à 10 ans de prison et à 2000 coups de fouet pour avoir professé son athéisme via Twitter.

La nouvelle version du projet de loi va renforcer la loi existante de plusieurs façons:

  • Elle ordonne au président de sanctionner les personnes qui exercent ou ordonnent des restrictions religieuses.
  • Elle charge l’ambassadeur des Etats-Unis pour la liberté religieuse internationale de rendre compte directement au secrétaire d’Etat américain.
  • Elle demande que tous les diplomates soient formés à la «valeur stratégique de la liberté religieuse internationale».

Caroline Mala Corbin a déclaré que le nouveau langage utilisé dans l’IRFA pourrait influencer la façon dont les tribunaux américains considèrent les athées aux Etats-Unis. Tous les Américains sont protégés par le Premier Amendement, précise-t-elle, ajoutant qu’«il y a toujours eu une controverse sur le degré de protection dont ils (les athées) pouvaient bénéficier. Cette loi précise qu’ils doivent être protégés de la même manière que les croyants religieux.» La professeure fait également le lien avec une autre première. «Le président Obama a été le premier président à reconnaître explicitement les non-croyants dans son discours inaugural, donc cette loi s’inscrit dans son héritage vis-à-vis des non-croyants. Mais il reste à voir ce que la prochaine administration va faire avec cette loi, et il s’agit d’une question complètement différente.»