La série «Westworld»: le robot sexuel et la nature de l’âme

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La série «Westworld»: le robot sexuel et la nature de l’âme

Kimberly Winston,
15 décembre 2016
La série Westworld de la chaîne de télévision américaine HBO, connue pour ses séries à succès (Game of thrones, Sex on the city), est un riche mélange d’émission télévisée sur, selon le point de vue, la lutte entre le bien et le mal, la nature de l’âme ou le sexe avec les robots.

Photo: Scène de l’épisode 8, avec Tessa Thompson et Ed Harris ©John P. Johnson/HBO

RNS/Protestinter

HBO ne produit pas, d’habitude, de séries dramatiques sans qu’elles soient subtilement pimentées. Mais aussi troublantes que soient certaines scènes, la série soulève des questions théologiques sur ce que signifie le fait d’être un humain et ce qu’il en coûte de sacrifier son humanité pour un instant de plaisir.

«Cela renvoie une image noire de la société», a expliqué au quotidien le Los Angeles Times Evan Rachel Wood, qui joue Dolores, le robot principal dans la série. «Mais je pense que les spectateurs verront également le potentiel que nous possédons. Nous ne sommes pas encore à Westworld; ceci pourrait être un récit de mise en garde».

Westworld, dont la première saison s’est terminée le 4 décembre aux Etats-Unis, est vaguement basé sur le film du même nom, écrit par le spécialiste de science-fiction Michael Crighton et sorti en 1973. L’acteur Yul Brynner, décédé en 1985, y tenait le rôle de «l’homme en noir», joué par Ed Harris dans la série. Dans les deux versions, des clients nantis paient d’importantes sommes d’argent pour s’ébattre et se livrer à chacun de leurs caprices sexuels et violents dans un grand parc d’attractions où ils ne peuvent pas se blesser.

Dans la série – qui s’éloigne largement du film original –, les robots à l’apparence humaine, qui agissent en tant qu’hôtes du parc, commencent à se souvenir de la souffrance qu’ils ont endurée de la part des humains et s’interrogent sur leur sort tout en cherchant à s’enfuir. Et c’est là que la série passe de l’évasion futuriste fantastique à une réflexion plus philosophique.

Robots proches de l'homme, même au niveau moral

«Le message dérangeant est que les machines pourraient un jour être si proches de l’homme qu’on ne les discernerait plus de ces derniers – pas seulement au niveau de l’intellect et de l’apparence, mais aussi au niveau moral», a déclaré Tony Prescott, neuro-scientifique cognitif et directeur d’un centre de robotique à l’Université de Sheffield, à propos de Westworld dans le magazine en ligne The Conversation.

«Aussi, en présentant une autre vision de la condition humaine à travers le miroir technologique des robots vivants, Westworld nous fait réfléchir au fait que nous sommes peut-être également des machines sophistiquées, quoique biologiques.» A propos de biologique, la série aborde la question de la théorie de l’affect, qui touche aussi à la religion: ce nouveau champ d’études essaie de déterminer si les humains et les animaux sont biologiquement programmés pour exprimer certains affects, parmi lesquels la religion.

Ken Chitwood, un chercheur en science des religions de l’Université de Floride, a déclaré que Westworld aborde la théorie de l’affect dans le sens qu’on s’y demande si les robots, créés par les humains pour leur ressembler et se comporter comme eux, doivent être traités comme s’ils l’étaient vraiment. «Les êtres humains sont-ils si spéciaux», s’interroge-t-il. «Sont-ils uniques dans le monde, ou sommes-nous plus que nous le pensons comme les animaux autour de nous? Nous refusons cette hypothèse parce que nous croyons que nous sommes créés à l’image de Dieu.

Westworld nous incite à réfléchir: les non-humains peuvent-ils avoir une âme, et comment cette âme est-elle reliée à notre biologie?» Jusqu’à présent, Westworld n’a pas répondu à cette question ni à aucune des questions morales et théologiques que la série soulève. La principale: quel prix ferait payer à notre humanité un espace sans jugement, où toute sorte de péchés allant du meurtre au viol peuvent être commis?

Là où tous les péchés sont permis

Dans l’histoire, c’est «ce qui attire les gens», explique Ken Chitwood. «Qu’il y ait ce lieu fou où les gens peuvent faire ce qu’ils veulent aux hôtes, y compris tous ses “péchés”. La série débat de la question: “si on le fait à un robot, est-ce que c’est mal?”, mais personne ne se demande “En premier lieu, n’est-il pas inconvenant de faire ces choses-là, tout simplement?” Quels effets peuvent avoir ses actes sur nos propres âmes.»

Bill Brimer et James Cleland ont pointé leur viseur théologique sur Westworld. Les deux hommes sont responsables à l’Eglise SoutThirst dans le nord du Texas. Ils produisent un podcast appelé «God Geek» qui traite de la religion dans les bandes dessinées, à la télévision, dans les films et autres médias. Pour eux, cette série soulève des questions sur la nature du péché: sommes-nous pécheurs par nature, comme le comportement atroce des nouveaux arrivants dans le parc envers les hôtes le suggère? Ou bien sommes-nous déchirés entre le péché et la pulsion à faire le bien, comme semble le suggérer le personnage de William?

«Je ne dirais pas que je suis complètement d’accord avec le point de vue adopté par la série, mais elle montre définitivement qu’en son cœur, l’homme est pécheur», analyse James Cleland, joint par téléphone, alors qu’avec son acolyte Bill Brimer, ils préparaient leur émission sur Westworld. «Dans quoi tombons nous quand on nous libère des lois et qu’on nous laisse carte blanche? Le péché! Le parc d’attractions dans son entier est bâti sur cette promesse et inévitablement chaque nouveau visiteur finit par déraper sérieusement.»

Pour James Cleland, c’est une description assez juste de l’état de l’homme, avant que comme chrétien, il ne s’attende au retour de Jésus. «Ce que je trouve intéressant, c’est que justement dans le monde dans lequel nous vivons, les canailles peuvent amasser beaucoup de biens, de puissance et d’argent, tout comme cela se passe dans la série», analyse-t-il. «En attendant le retour du Christ, le mal semble avoir pris le pouvoir.»

Les créateurs de la série, le couple Jonathan Nolan et Lisa Joy, semblent avoir conscience du paysage philosophico-religieux qu’ils exploitent, même s’il n’y a aucun indice laissant présager qu’ils y répondent prochainement dans la série. «Le programme essaie d’avoir le beurre et l’argent du beurre», reconnaissait Lisa Joy interrogée par le site Deadline Hollywood. «Mais nous sommes à l’aise avec ce paradoxe.»

A l'antenne

Westworld a été diffusée en VO sous-titrés sur RTS un (CH), OCS City (F). La série est en cours de diffusion en VO sous-titrée sur Be1(B). Elle sera proposée en version doublée en janvier sur Super écran (CDN).