Spécificité des cultes dominicaux
Suzette Sandoz, professeur honoraire de droit à l’Université de Lausanne et membre du Synode de l’Eglise réformée vaudoise revient sur une proposition du programme du Conseil synodal.
Je fais partie de ces protestants peut-être en voie de disparition, et d’ailleurs considérés par certains comme attardés, qui se réjouissent, semaine après semaine, du culte dominical. Oh! Ce n’est pas que l’on manque d’occasions de fréquenter des cultes en semaine (enterrements, mariages, culte synodal, culte de consécration, etc.), mais le culte dominical a une tout autre dimension. Oserais-je dire, d’abord, que c’est un culte purement «gratuit»? On s’y rend, parce que le dimanche est un jour à part (autrefois qualifié de jour du Seigneur, mais cela sonne très démodé!). C’est donc un culte prévu pour Dieu d’abord et non pas en relation avec un événement humain ou une convenance humaine qu’un groupe de chrétiens désirerait –ce qui est parfaitement louable– placer sous le regard de Dieu.
Tout culte en semaine –sauf s’il s’agit évidemment de celui des grandes fêtes chrétiennes (Vendredi saint ou l’Ascension, par exemple)– est motivé d’abord par une convenance ou un événement humains. Le culte dominical, lui, est un moment tout à fait spécial parce que le dimanche (comme l’est le sabbat, à l’origine) est un jour mis à part, depuis des lustres et des lustres, par la volonté de Dieu, pour nous rappeler que lui seul nous libère de l’esclavage du péché et du poids de la vie du monde. J’avoue que ce ressourcement m’est indispensable.
Mais le culte dominical a encore deux autres dimensions trop souvent ignorées, me semble-t-il, et qui révèlent la «pédagogie» de Dieu dans ses commandements: c’est un témoignage «officiel» mondial; c’est le rappel de l’unité de l’Eglise. Arrêtons-nous d’abord au témoignage «officiel» mondial. Lorsque, le dimanche, dans les localités, les cloches sonnent –parfois à des heures différentes, et dans des clochers différents, peu importe— pour inviter au culte (ou à la messe), parce que c’est dimanche, c’est une manifestation publique «officielle» (le dimanche est un jour à part même dans les cultures non chrétiennes) de l’actualité du christianisme. C’est une forme unique de publicité.
Il est souhaitable évidemment que l’on voie des personnes se rendre en nombre dans les églises, joyeuses de témoigner ainsi de leur bonheur d’être chrétiennes. Ce rôle de témoignage est fondamental, en particulier à une époque où les «actions de masse» ont un rôle souvent déterminant. C’est donc de la responsabilité des autorités de l’Eglise de chercher la meilleure manière de favoriser la fréquentation de ces cultes dominicaux partout où il y a des chrétiens dans le monde. Les cultes en semaine n’ont pas cette dimension, car ils ne sont pas le symbole de la «spécificité» du Jour du Seigneur, jour unique d’un Dieu unique qui a demandé une mise à part de son jour.
La seconde dimension du culte dominical, c’est le rappel de l’unité de l’Eglise: dans le monde entier, des chrétiens mettent un moment à part le dimanche, pour rendre hommage à ce Dieu libérateur, unique et trois fois saint. Ils communient donc les uns avec les autres dans cette rencontre, au-delà des différences d’heure et de lieu, mais un même jour. Jamais on ne se sent plus proche de tous les chrétiens que lors du culte dominical. Lors de ce culte (et de la messe), l’Eglise universelle militante est manifestée et vécue. Il est donc essentiel de permettre au plus grand nombre possible de chrétiens de participer à un culte dominical (ou à une messe). Et tant mieux si des contingences pratiques impliquent des multitudes de cultes à des heures (du dimanche) et dans des lieux différents. L’unité du jour, le dimanche, la «gratuité» de ce culte-là –parce que c’est le «jour du Seigneur»— confèrent au culte dominical une portée symbolique universelle et témoigne de l’unité du peuple de Dieu.
Peut-être est-ce de surcroît une petite protection contre la tendance –notamment protestante, mais très à la mode aujourd’hui– de s’organiser sa pratique religieuse à sa convenance. Il y a, une fois par semaine, un jour commun dans le monde, mis à part, où le peuple de Dieu rend hommage à ce Dieu qui le rend libre d’aimer et de servir.
C’est la spécificité du culte dominical qui oblige à chercher la meilleure manière de lui restituer sa pleine valeur. Il y a là peut-être un tout premier chemin d’évangélisation par le témoignage.