Félix Moser: «Il faut que nous fermions la tête haute. Nous n’avons pas démérité»
Le professeur de théologie pratique Félix Moser occupe la dernière chaire de la faculté de théologie de l’Université de Neuchâtel. Il nous a accueillis pour parler de l’avenir de la théologie pratique dans un paysage académique en mutation.
Photo: ©UniNE
Propos recueillis par Joël Burri
Félix Moser, de nombreuses questions se posent dans les milieux ecclésiaux depuis l’annonce de la fermeture de la Faculté de théologie de l’Université de Neuchâtel. Le public peine à comprendre la situation actuelle.
Le moment n’est pas idéal pour en parler, car le projet de mandat d’objectifs préparé par le rectorat de l’Université et le Conseil d’Etat doit être soumis par ce dernier au Grand conseil. Ce débat devrait avoir lieu dans l’une des toutes prochaines séances de cette assemblée. Tant que les députés ne se seront pas prononcés, tout ce que je peux vous dire doit encore être validé, même si honnêtement j’estime qu’un retournement de situation est fort peu probable.
Pour bien comprendre la situation actuelle, souvenons-nous qu’en 2004 a été mise en place une Fédération de Facultés de Théologie de Suisse romande pour proposer une filière commune aux plans bachelor et master. Les trois Facultés de Genève, Lausanne et Neuchâtel ont mis en place des centres de compétences et l’idée était de faire une structure similaire à un tabouret à trois pieds. Chacun devait s’appuyer sur les deux autres. Les Facultés de théologie devenaient interdépendantes. L’histoire et l’éthique se recentraient sur Genève, les sciences bibliques et les sciences des religions sur Lausanne et la théologie pratique ainsi que la coordination romande de la formation continue sur Neuchâtel. Dans les faits, il a été très difficile de faire fonctionner cette fédération qui s’est affaiblie jusqu’à devenir un simple partenariat. Or ce dernier a été dénoncé en juillet passé par le Rectorat neuchâtelois, il prendra fin en été 2015. Le Rectorat neuchâtelois compte réaffecter les ressources de la Faculté de théologie à d’autres domaines de recherche.
Pour ma part, je prends acte des difficultés financières qui touchent l’Université de Neuchâtel. Nous avions quatre chaires en théologie. Successivement, lors de leur départ à la retraite, les postes de Martin Rose, Pierre-Luigi Dubied et Lytta Basset n’ont pas été repourvus. Je me retrouve ainsi seul professeur de cette faculté et je comprends bien qu’on ne peut pas conserver une faculté pour un seul professeur. Si bien que la fermeture de la faculté de théologie en 2015 devrait faire partie du projet de mandat d’objectifs de l’Université de Neuchâtel pour 2015. En tant que dernier professeur je serais probablement contraint à prendre une retraite anticipée. Par contre, j’ai obtenu des garanties pour le personnel administratif et technique de la faculté qui sera réaffecté dans d’autres départements ainsi que la garantie que les étudiants et doctorants puissent terminer leurs cursus dans de bonnes conditions.
Reste la question des bibliothèques. La Faculté de théologie abrite la bibliothèque de la société des pasteurs et ministres neuchâtelois. Il a été décidé de ne pas disperser cette collection, et les perspectives de trouver une solution satisfaisante semblent réalistes; pour ce qui est de la bibliothèque universitaire, l’important est de trouver une solution globale qui satisfasse tous les partenaires, là aussi les discussions sont en bonne voie.
Et en ce qui concerne l’avenir de la branche «théologie pratique»?
Il est exclu que la théologie pratique ne figure plus au programme de la formation théologique romande, les trois doyens sommes unanimes à ce sujet. La théologie pratique comprise comme analyse de la pratique ecclésiale et de la formation théologique fait clairement partie d’une formation complète. Je n’imagine pas la disparition pure et simple de de cette discipline.
Pour des raisons de déontologie évidentes, je ne veux pas intervenir dans le choix des futurs profils de postes et me prononcer sur les éventuelles implantations, mais je souhaiterais qu’il y ait un institut de théologie pratique dans l’une des facultés restantes, pour que la théologie pratique reste sur le même plan que les autres disciplines.
Cela signifie donc que vous vivez votre dernière rentrée académique?
Oui.
Je trouve qu’il faut que nous fermions la tête haute. Nous n’avons pas démérité. Pour terminer dans cet état d’esprit, j’organiserai un colloque public autour du thème «l’oubli et la mémoire», en hommage indirect à Paul Ricoeur qui fut Docteur Honoris Causa de notre Faculté. Vous pouvez déjà réserver les dates du mercredi 10 au vendredi 12 juin 2015. Le jeudi soir, une soirée musicale permettra à toutes celles et ceux qui ont œuvré au sein de la Faculté de prendre acte de cette fermeture.