Le dialogue israélo-palestinien se poursuit à Moudon

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Le dialogue israélo-palestinien se poursuit à Moudon

Laurence Villoz
28 mars 2014
Des femmes galiléennes passent une semaine en Suisse pour améliorer les relations entre Juifs et Arabes. Mardi dernier, elles ont rencontré le groupe interreligieux de Moudon. Quelle signification a la spiritualité ou le pardon? Reportage à la rue du Poyet.

Photo: L'exercice de mime

Six femmes, en cercle, se tiennent par les épaules. Elles sont repliées sur elles-mêmes. Au centre, une chanteuse entonne une mélodie qui devient de plus en plus forte. Lentement, les femmes se relèvent et tendent progressivement les mains vers le ciel. Au son de la voix, elles bougent doucement, les bras au dessus de leur tête avec les paumes tournées vers le ciel.

Autour d’elles, une trentaine de participantes, assises en cercle, tentent de deviner le concept qui est mimé. «Spiritualité!», crie, en hébreu, l’une d’elle. Lors de cette rencontre, à la rue du Poyet 3, une des activités a consisté à réinterpréter un mot, par groupe. Spiritualité, pardon, souffrance ou désaccord, autant de thème mis en scène, l’espace d’un instant.

Quelque vingt-deux Israélo-palestiniennes ont rencontré le groupe de réflexion interreligieux de Moudon, mardi dernier à Moudon. Ces femmes venues de Galilée passent une semaine en Suisse. Elles font partie d’un groupe de dialogue interconfessionnel qui vise à améliorer les relations entre musulmanes, chrétiennes juives orthodoxes et bédouines, en Israël.

«La parole permet le respect»

«La spécificité de l’homme est la parole», lâche, en hébreu, Zahava Neuberger, la responsable du groupe israélo-palestinien qui porte le nom «Les femmes dans un processus de changement». Cette médiatrice juive orthodoxe, d’une soixantaine d’années, a créé ce mouvement, il y a plus de dix ans. «Après la deuxième Intifada, en 2000, j’ai ressenti le besoin d’améliorer le climat social. Il régnait une grande méfiance entre Juifs et Arabes», explique cette grand-maman au béret noir et au collier de perles.

La création du groupe a été difficile. «Personne ne croyait en mon idée, certains m’ont même dit que cela m’amènerait directement en asile psychiatrique», se rappelle cette fille de rabbin. Mais finalement, elle y est arrivée avec l’aide du Jerusalem Center for Jewish-Christian relations. Et depuis 2003, Zahava Neuberger rassemble, chaque année, au minimum dix-huit participantes qui se rencontrent mensuellement. Pour cette juive orthodoxe, qui a dû fuir Berlin en 1939, avec ses parents, les femmes peuvent exercer une influence déterminante dans le dialogue car elles se sentent souvent plus libres de communiquer que les hommes.

Accueillies par Coexistences

Ces Galiléennes a été accueillies, en Suisse, par l’association Coexistences qui reçoit des groupes de Palestiniens et Israéliens pour leur permettre de poursuivre un dialogue hors d’une zone de conflit. «Permettre à ces femmes de sortir de leur pays les rapproche. L’étranger n’est plus le juif ou le musulman, mais le Suisse», explique Fiuna Seylan-Ongen, la présidente de l’association. «Les personnes que nous accueillons doivent avoir commencé un dialogue depuis plus de six mois, avant de venir en Suisse». Les participantes sont hébergées par les membres de Coexistences. «Elles sont logées par deux. Chacune d’elle est d’une religion différente».

Durant le séjour en Suisse, les matinées sont consacrées à poursuivre les dialogues et les après-midi à des activités culturelles telles que la visite du Centre turc de Moudon, de la Synagogue de Lausanne ou encore du Musée de la Croix-Rouge à Genève. L’association reçoit entre trois et quatre groupes par années. «Les femmes du mouvement de Zahava sont des Arabes israéliennes, elles sont dans une situation stable. Les relations entre les participants sont différentes quand il s’agit de Palestiniens, qui sont dans une situation beaucoup plus délicates. Néanmoins, on remarque qu’elles n’ont pas envie de parler de politique», explique la présidente. D’ailleurs, lors de l’exercice de mime, l’interprétation du mot «désaccord» a tout de suite créé des désaccords.

Dépasser les préjugés

«Je souhaite que nous revenions en Galilée avec un projet concret pour le public», explique Zahava Neuberger. C’est la première fois que la médiatrice vient avec des femmes, en Suisse. «Les participantes vont parler de leur expérience et des contacts forts qu’elles ont créés entre elles, malgré leur différence. Cela va permettre d’atténuer les préjugés dans la population».

«Les préjugés existent parce qu’on ne se connaît pas. Le fait de partir ensemble crée des liens profonds. Pour sortir d’Israël, il y a beaucoup de contrôles, particulièrement, pour les Arabes. Les femmes ont passé la douane deux par deux, une juive avec une Arabe, afin de se soutenir lors de cette vérification». En même temps, le prosélytisme est proscrit. «Il est très important que chaque personne garde son identité et sa religion», précise la responsable.


Le groupe interreligieux de Moudon fête ses dix ans


«J’ai formé le groupe de réflexion interreligieux de Moudon à la demande d’un père turc musulman», explique, Geneviève de Haas, la responsable. Créé en juin 2004, il compte, actuellement, neuf personnes, musulmanes, orthodoxes, catholiques et protestantes. Pendant plusieurs années, deux juives en ont fait partie mais elles ont dû se sont retirer pour cause de déménagement.

Ce sont les femmes israélo-palestiniennes qui ont souhaité rencontrer un groupe interreligieux suisse. «Nous sommes ravies que Coexistences nous ait sollicitées pour cette rencontre, en plus cela coïncide avec nos dix ans d’existence», se réjouit la directrice.

Les participantes se retrouvent une fois par mois pendant deux heures et chaque rencontre est animée par un membre différent. «Nous abordons toute sorte de sujets sous l’angle de notre propre foi». Par exemple, la question du voile, les fêtes religieuses ou la mort. Les Moudonnoises approfondissent, également, des passages de la Bible et du Coran. A la demande de musulmanes, le groupe est aussi intervenu dans les écoles pour faire des aménagements dans les vestiaires et modifier des pratiques lors des cours à la piscine. «J’aime la confiance et l’amitié que nous avons construites. Nous sommes toutes étroitement liées».