L’économie domestique est la branche qui occupe le plus de sans-papiers en Suisse
image: «Mines» de Sarah Parlier (3ème prix du concours organisé à l’occasion de cette campagne)
par Anne-Sylvie Mariéthoz
Les employées de maison sans-papiers sont plusieurs dizaines de milliers à contribuer à l’entretien de nos foyers, au maintien à domicile des personnes âgées ou en situation de handicap - sans parler de la garde des enfants, secteur où le besoin est criant dans bien des villes suisses et peine à être comblé avec les structures existantes.
Combien sont-elles exactement? Difficile à dire puisque ces personnes ne bénéficient d’aucun statut légal et n’entrent par conséquent dans aucune statistique officielle. Pourtant l’économie suisse en a résolument besoin, car elles permettent à autant de ménages de notre pays de travailler dans des secteurs plus gratifiants et plus rémunérateurs que celui de l’économie domestique.
Un phénomène de masse
Cette branche est celle qui occupe le plus de sans-papiers en Suisse, affirme le coordinateur de la campagne, Salvatore Pittà, de l’Association «Reconnaître le travail domestique – régulariser les sans-papiers». Mais quand il articule le chiffre de 40'000 personnes concernées, déduit à partir de diverses sources (Office fédéral de la migration, études universitaires, centre de recherches conjoncturelles de l’EPFZ, etc.), il sait qu’il est en dessous de la réalité.
Rien qu’à Genève, on estime qu’environ 7000 personnes sans autorisation de séjour s’activent au service des ménages et des particuliers. Si l’on en croit l’expérience du Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs (SIT), particulièrement présent dans cette branche et bien documenté sur ce domaine, plus de la moitié des personnes collaborant à ces tâches à Genève, ne bénéficieraient d’aucun statut officiel. «C’est évident qu’il n’y a pas assez de Suisses ni de personnes titulaires d’un permis, pour couvrir les besoins de ce secteur, qui sont en pleine expansion», affirme Martine Bagnoud du SIT. «Car elles ne s’occupent pas seulement de l’entretien du ménage et de la garde des enfants, elles constituent aussi un maillon essentiel pour le maintien à domicile d’un nombre croissant de personnes».
Or depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur les étrangers (LEtr) en 2008 et de la politique des deux cercles, plus aucun permis n’est accordé aux ressortissants des pays tiers (hors UE), sauf aux personnes hautement qualifiées.
Un secteur mal aimé… mais très sollicité!Pourquoi l’économie domestique peine-t-elle autant à recruter? «Il s’agit d’un secteur encore très ‘informel’, où les règles sont peu respectées», analyse Martine Bagnoud. Bien qu’il existe un contrat type avec un salaire minimum obligatoire (depuis 2011), son application est loin d’être généralisée. «Pas toujours par malhonnêteté, mais souvent par méconnaissance», relève la syndicaliste, qui traite chaque semaine de divers problèmes concernant les employées de maison qui ne se terminent pas tous devant les prud’hommes.
Mais cet aspect ‘informel’ comprend aussi d’autres inconvénients qui ne relèvent pas forcément du domaine du droit. «Premièrement, vous êtes seul face à l’employeur, ce qui n’est pas toujours facile; une grande disponibilité est exigée et la limite entre sphères privée et professionnelle demeure souvent floue; enfin, c’est un métier qui est déconsidéré, que l’on situe très bas dans l’échelle sociale, …» Tous ces faits, auxquels il faut ajouter le faible niveau de revenus, font que beaucoup de personnes quittent ce secteur dès qu’elles en ont la possibilité.
Aucune solution légaleLes services de chèque-emploi permettent au moins aux employées de maison de bénéficier d’une certaine protection sociale. Ils leur donnent en effet la possibilité de cotiser à toutes les assurances obligatoires, tout en déchargeant les employeurs d’un fastidieux travail administratif.Partout où ils existent (tous les cantons romands et le Tessin), ils sont considérés comme une offre bienvenue et enregistrent un nombre croissant de demandes. Mais certains d’entre eux n’entrent pas en matière avec les personnes sans autorisation de séjour (Valais, Neuchâtel) et aucune solution comparable n’est pour l’instant proposée en Suisse alémanique.
Or même pour les personnes qui accèdent au chèque-emploi, le problème du statut légal reste entier. Les deux parties, employé et employeur, restent effectivement ‘coupables’ d’enfreindre la loi sur les étrangers. «En cotisant aux assurances sociales, tout au plus l’employeur évitera-t-il de cumuler les infractions, ce qui lui vaudra une amende moins lourde en cas de dénonciation aux autorités», indique Me Christian Bruchez, avocat spécialiste du droit du travail. «Mais le risque demeure bien réel et pèse principalement sur l’employé» qui se verra infliger la sanction maximale, à savoir l’expulsion.
Informations et pétitionIl est possible de signer la pétition jusqu’au 15 février par poste et jusqu’au 28 février en sur
www.aemni.ch
Une exposition itinérante présentera les œuvres (affiches, photographies et vidéos) réalisées à l’occasion de cette campagne. Elle sera visible dès le 7 février, à l’église réformée Sankt Jakob à Zurich, puis à Berne, Genève, Bâle. Toutes les organisations intéressées, peuvent en faire la demande à Salvatore Pittà (contact et dates des expositions sur le site www.aemni.ch).
Dans le Canton de Vaud, la pastorale œcuménique dans le monde du travail, l’organe commun aux églises réformée et catholique exhorte les chrétiens à signer cette pétition, La pastorale voit dans la situation de ces femmes, la «porte ouverte aux abus car l’accès aux assurances sociales découlant de tout contrat de travail n’est pas assuré.»Cet article a été publié:
Sur le site internet du quotidien 24 heures.