Des étudiants au service des populations les plus fragiles
C’est une belle histoire. Elle commence par un café entre deux collègues à l’une des tables du Nadir, l’espace autogéré des étudiants. Et si elle a abouti, c’est grâce à l’enthousiasme et à l’imagination de deux assistantes de la Faculté de droit, Olivia Le Fort et Djemila Carron.
Elles ont une envie: faire le lien entre une forme d’enseignement originale qu’elles ont déjà expérimentée aux Etats-Unis et au Canada, les besoins du terrain auxquels elles ont été maintes fois confrontées lors de leurs activités associatives respectives et l’implication des étudiants de la Faculté.
L’idée a germé et elle prend aujourd’hui forme avec le lancement d’une Law Clinic sur les droits des personnes vulnérables. Elle montre tout le dynamisme de la relève académique et ce que celle-ci permet d’amener, tant au niveau de l’innovation pédagogique que du service à la cité.
Mieux protéger la personneLe but de cette Law Clinic: informer une population locale de ses droits pour qu’elle puisse mieux les faire valoir. La thématique choisie ce printemps est celle des droits des Roms à Genève. S’ils sont originaires de Roumanie, ceux-ci ont le droit de rester trois mois en Suisse. Il leur est interdit de mendier. Mais ont-ils le droit de travailler, de jouer de la musique dans un tram ou de dormir sous un pont? Dans quelle mesure ont-ils accès aux abris et aux repas gratuits proposés par l’Etat?
Pour une foule de questions, les réponses ne sont pas claires, en particulier en ce qui concerne l’utilisation du domaine public et l’accès à l’aide sociale. Ce semestre, quatorze étudiants participeront à cette première Law Clinic sur les droits des personnes vulnérables, pour six crédits ECTS. Il s’agit d’un enseignement pratique, basé sur un modèle nord-américain, qui met en lien les connaissances théoriques avec leur application sur le terrain.
La Law Clinic se composera de séminaires, donnés tant par des académiques issus de différentes disciplines que par des intervenants extérieurs (avocats, représentants des ONG et des organisations internationales, acteurs de la société civile, etc.), et de séances de travail. Les étudiants seront directement confrontés à la réalité du terrain, par le biais de rencontres organisées avec les populations vulnérables.
Après des recherches juridiques approfondies, des avis de droit seront rédigés, sur la base desquels les étudiants élaboreront une brochure. Celle-ci visera à donner une information précise et concise sur les droits de la population vulnérable choisie. Où trouver de l’assistance? Et surtout, à quelles conditions? « La démarche n’est pas militante, mais académique. Les droits ont une base légale qu’il faut examiner et des limites à clarifier, précise Christine Chappuis, doyenne de la Faculté.
Vulgariser les connaissancesQuant à la brochure qui en ressortira, elle se destine notamment aux personnes moins familières avec les questions juridiques, comme les assistants sociaux en contact avec les personnes vulnérables ou les associations soutenant ces populations. «Les étudiants seront formés à la vulgarisation des connaissances juridiques et à leur diffusion.»
«Une vraie nouveauté, les juristes ayant peu l’habitude de transmettre leurs connaissances d’une façon simple ou de condenser le fruit de leurs recherches en quelques points essentiels», explique Maya Hertig, responsable académique du programme. Des séances d’information seront organisées à l’intention des Roms qui utilisent généralement un mode oral de transmission de l’information.
Financée par le Rectorat à titre d’innovation pédagogique pour les trois prochaines années, la Law Clinic devrait s’intéresser, dans ses prochaines éditions, à d’autres thématiques locales, comme les droits des femmes migrantes, ceux des requérants d’asile ou encore les droits de tout un chacun face à la police.
Pour lancer ce projet innovant, qui a d’ailleurs déjà éveillé l’intérêt de collègues des Universités de Zurich et de Berne, la Faculté de droit a invité un homme au parcours atypique, Gregory David Roberts, l’auteur du best-seller Shantaram, à donner une conférence inaugurale. Celui-ci parlera
de son expérience, à la fois comme personne vulnérable et comme acteur au service des plus démunis.
- Lundi 25 février, ...AND JUSTICE FOR ALL, Conférence à l’occasion du lancement de la Law Clinic sur les droits des personnes vulnérables, 18h30, Uni Dufour, Auditoire U600, Entrée libre, conférence en anglais, www.unige.ch/droit/lawclinic