Une radio pour les protestants rwandais

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Une radio pour les protestants rwandais

Michel Kocher
21 février 2013
Fruit d’une longue attente et d’une étroite collaboration avec la Suisse Romande, les protestants rwandais viennent de lancer une station de radio. Avec des moyens très modestes et seulement six heures de programme par jour, ils ambitionnent de monter en puissance pour toucher un public « radiophile » à souhait.

, Kigali, Rwanda

En ville et à la campagne, les Rwandais ont un appareil fétiche: la radio ou plutôt le téléphone portable qui fonctionne comme une radio. L’oreille collée au poste, ils s’abreuvent de musique et de sermons, sur une bande FM saturée. Depuis plus de 10 ans, une véritable libéralisation des ondes s’est mise en place.

Malgré une géographie accidentée et la nécessité de multiplier les antennes, les opérateurs ne se sont pas découragés. Deux dominent le marché, la Radio Nationale et Radio Maria. Une nouvelle ambitionne de se glisser derrière eux, Radio Inkoramutima, la «voix du cœur». Elle aura fort à faire car les radios commerciales sont nombreuses, appréciées et performantes.

Course contre la montre

Le 27 décembre 2012, les responsables du Conseil Protestant du Rwanda ont poussé un grand « ouf » de soulagement. La radio a enfin commencé à émettre. « Le gouvernement a été clair avec nous, si nous n’émettions pas avant la fin de l’année, nous ne pourrions plus demander de concession ».

Tharcisse Gatwa sait de quoi il parle. Depuis des mois, le secrétaire général mobilise tout ce que le pays compte de leaders protestants pour trouver les fonds qui permettront de payer la dernière tranche de matériel, encore manquante.

En dix ans, presque tout le reste des équipements ont été acheminés par le Service Protestant de Radio (Médias-pro), soutenu par le DM- Echange et Mission, jusqu’aux émetteurs offerts par Swisscom. Depuis une bonne décennie, ce projet de radio, annoncé urbi et orbi, s’est heurté à l’inertie et à la bureaucratie ambiantes ainsi qu’à un protestantisme encore bien marqué par le syndrome de la dépendance face aux donateurs étrangers.

A Kigali, l’argent ne manque pourtant pas. La ville grandit comme un champignon, les églises aussi, en particuliers les évangéliques et les pentecôtistes. Avec près de 700'000 adhérents ces derniers forment aujourd’hui la force principale d’un protestantisme estimé à 2,5 millions de croyants.

Mais il est plus facile de mobiliser les fidèles pour se construire un bâtiment que pour donner pour une radio. Sauf à faire miroiter les avantages d’un radio protestante rassembleuse, à commencer par la possibilité d’y faire passer les sermons et messages en tous genres pour lesquels les églises louent actuellement des espaces dans les radios privées.

Une voix protestante dans la société rwandaise

«Tant qu’à faire, autant avoir notre radio», cette logique entendue ici et là l’a emporté. Au delà de son aspect financier, elle dit aussi l’envie des protestants rwandais d’avoir une voix dans la société. Mais laquelle avec une telle diversité ? Radio Inkoramutima est sans doute l’une des rares radio au monde à être l’expression de l’entier de la famille protestante, des églises historiques aux mouvements pentecôtistes.

«Nous voulons travailler dans trois directions: le développement, l’évangélisation et l’unité de l’Eglise», c’est en ces termes que le secrétaire général s’est exprimé début février lors d’un séminaire de formation, organisé conjointement avec Médias-pro. Devant les quarante producteurs en herbe à qui une émission a été confiée, il a souligné l’ampleur du défi et demandé des contributions de qualité, autant du côté des programmes religieux que sociaux, de santé, d’éducation.

Gérant cinq établissements universitaires, plus de 1000 écoles primaire et secondaires au Rwanda, sans parler de leur connaissance du terrain humain et social, les protestants ont de vrais atouts. Pour les valoriser à l’antenne de Radio Inkoramutima, ils ont débauché un journaliste-animateur de l’une des meilleure radio commerciale.

Didas Niyifasha s’étonne lui-même de l’actuelle audience après deux mois seulement: «Quand je lance un appel sur les ondes, je reçois des centaines de SMS de tout le territoire». Le prochain objectif s’impose de lui-même, proposer non plus 6 mais 12 ou 18 heures de programme quotidien.