Guantánamo ouvert il y a 11 ans un 11 janvier

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Guantánamo ouvert il y a 11 ans un 11 janvier

Muriel Schmid
16 janvier 2013
Pour la plupart d’entre nous, le 11 janvier ne signifie rien, juste une date parmi d’autres qui ne mérite guère d’être remarquée. A la mi-janvier, on a enfin repris un rythme de vie normal et il ne faut surtout pas nous arrêter.


Imaginez pourtant neuf ans, dix ans voire onze ans de votre vie, s’écoulant lentement loin de votre famille, de votre pays, de vos ami-e-s. Chaque anniversaire pèserait alors lourdement et la date exacte ne vous échapperait sans doute pas. Le 11 janvier de cette année marquait le 11ème anniversaire de l’ouverture du camp de détention de Guantánamo; les 20 premiers prisonniers de l’après 11-Septembre y étaient officiellement admis le 11 janvier 2002. Depuis, 779 hommes en tout et pour tout ont été transportés à Guantánamo, tous musulmans.

Aujourd’hui, 166 hommes sont encore incarcérés à Guantánamo; parmi eux, 86 ont été déclarés innocents par le gouvernement américain, mais sont encore enfermés à Guantánamo, sans aucune charge. Ce paradoxe révèle l’immense scandale que représente le centre de détention de Guantánamo, l’inconcevable des manipulations légales qui en sont à l’origine et cette impasse impossible dans laquelle l’administration américaine est embourbée.

Quel traitement pour les prisonniers?

Dès son ouverture, Guantánamo a été condamné par les lois humanitaires internationales, en particulier la 3ème Convention de Genève qui régule le traitement des prisonniers de guerre. Plus troublant encore, le statut légal de ces prisonniers devint rapidement le sujet d’une bataille juridique au sein même du système américain; verdicts, décisions et oppositions se sont succédé et le 12 juin 2008, la Cour suprême américaine affirmait enfin le droit à l’habeas corpus* pour les détenus de Guantánamo.

Tout le monde a applaudi et Président Obama promit durant toute la campagne présidentielle de 2008 qu’il allait fermer Guantánamo. Nous sommes en 2013, Obama a été réélu et non seulement il n’a pas fermé Guantánamo, mais en plus la décision de 2008 a été révoquée et la Cour suprême refuse maintenant d’adresser le problème de Guantánamo.

166 hommes sont pourtant encore enfermés à Guantánamo et 86 d’entre eux ont été déclarés innocents par le gouvernement américain. Au cours de ses onze années d’existence, 92% de l’ensemble des détenus de Guantánamo n’ont jamais eu aucune de relation avec Al-Qaïda selon les résultats d’enquête du gouvernement américain; seulement quelques prisonniers ont été finalement jugés et reconnus coupables par la cour martiale.

Afin de résoudre l’impasse administrative, certains groupes se sont proposés pour accueillir ces hommes abandonnés par le système juridique; dans cette campagne, les communautés ecclésiales cependant ne se pressent pas au portillon.

Afin de résoudre l’impasse administrative, certains groupes se sont proposés pour accueillir ces hommes abandonnés par le système juridique; dans cette campagne, les communautés ecclésiales cependant ne se pressent pas au portillon. En ce début d’année, nous allons bientôt relire les débuts du ministère de Jésus; et dans l’Évangile de Luc, la fondation de son ministère se donne à lire dans un fameux passage repris du Livre d’Ésaïe (Luc 4 :18-19):

« L'Esprit du Seigneur est sur moi, Parce qu'il m'a oint pour annoncer une bonne nouvelle aux pauvres; Il m'a envoyé pour guérir ceux qui ont le cœur brisé, Pour proclamer aux captifs la délivrance, Et aux aveugles le recouvrement de la vue, Pour renvoyer libres les opprimés, Pour publier une année de grâce du Seigneur. »

Foi et action sociale liées

Ce vendredi 11 janvier, j’étais au centre ville de Chicago avec un groupe des Christian Peacemaker Teams (CPT); nous avons participé à la manifestation qui se déroulait devant le Federal Building en signe de solidarité avec les 166 hommes encore détenus illégalement à Guantánamo.

Les membres de l’organisation CPT ne peuvent dissocier leur foi de leur action sociale, un peu comme Luc qui n’a pu dissocier le portrait de Jésus d’une tradition prophétique qui lutte contre toute forme d’oppression. Cela me rappelle qu’il est bon, à chaque instant, de me poser la question: est-ce que ma foi, mes convictions, mes privilèges oppressent-ils quelqu’un ou quelqu’une? Formulée ainsi, nous devrions tous et toutes, en tant que croyant-e-s, pouvoir répondre à cette question de manière responsable et critique!

Mes collègues du CPT ici à Chicago vont encore plus loin et me posent la question suivante: que peux-tu faire, en tant que chrétienne, pour défaire les structures d’oppression? Je n’ai pas encore la réponse, elle se fait et se défait à chaque fois que je découvre de nouvelles injustices et me sens impuissante.

*L'habeas corpus énonce une liberté fondamentale, celle de ne pas être emprisonné sans jugement (contraire de l'arbitraire qui permet d'arrêter n'importe qui sans raison valable). En vertu de ce principe, toute personne arrêtée a le droit de savoir pourquoi elle est arrêtée et de quoi elle est accusée. Ensuite, elle peut être libérée sous caution, puis amenée dans les jours qui suivent devant un juge. Source: Wikipédia

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