La loi sur l’asile divise aussi les Eglises réformées

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La loi sur l’asile divise aussi les Eglises réformées

Martin Lehmann,
13 décembre 2012
Manœuvre tactique ou soutien des valeurs fondamentales? Le référendum contre la loi sur l’asile creuse des fossés. Et pas seulement au sein du parti socialiste. Les Eglises réformées sont aussi touchées.


reformiert.info

Depuis le 29 septembre, la loi renforcée sur l’asile est en vigueur. Cette nouvelle révision législative est la dixième dans l’histoire du dispositif réglementaire vieux de 31 ans.

Avec elle, il n’est plus possible de déposer des demandes d’asile dans les ambassades suisses à l’étranger, l’objection de conscience n’est plus reconnue comme motif pour prétendre au statut de réfugié et les requérants d’asile «récalcitrants» qui troublent l’ordre public peuvent être internés dans des centres spéciaux. Les organisations de migrants, les Verts et les syndicats ont lancé un référendum contre cette révision, adoptée sous forme de mesure urgente (www.asyl.ch ).

L'EPER ne se joint pas au référendum

Ce référendum plonge dans un dilemme certains acteurs qui, généralement, luttent systématiquement contre les durcissements en matière d’asile. Par exemple le PS suisse: alors que la direction du parti rejette l’idée du référendum, toujours plus de sections cantonales se rangent aux côtés des partisans de celui-ci. Les organisations de défense des droits humains sont aussi divisées: d’un côté, des groupes de base tels que «augenauf» (Ouvrez les yeux), SOS Racisme ou le Forum civique européen (FCE) s’engagent en faveur du référendum; de l’autre, l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) et Amnesty international y sont opposées.

La désunion règne finalement aussi dans les milieux d’Eglise. L’Entraide protestante suisse (EPER) qui, durant le débat aux Chambres fédérales, s’était élevée avec véhémence contre de nouveaux durcissements, ne se joint pas au référendum. Selon Antoinette Killias, responsable du secteur suisse de l’EPER, on estime que les chances de succès en cas de passage aux urnes sont très faibles; en outre, on ne veut pas « offrir une plate-forme à une campagne de votation qui serait conduite par les intervenants en partie sur le dos des plus faibles de notre société ».

Catherine McMillan, pasteure réformée à Brunnadern (SG), qui s’engage depuis des années en faveur des réfugiés dans le centre de transit proche de Neckermühle, soutient cette attitude. Elle a beaucoup de sympathie pour cette collecte de signatures, mais elle craint « qu’un référendum ne fasse plus de mal que de bien aux requérante d’asile ». De toute manière, il est temps « de sortir de l’éternel cercle vicieux des référendums et des votations » et de discuter enfin de la question de l’asile sans constante pression politique.

Détermination bernoise

La pasteure Esther Straub, de Zürich-Schwamendingen, estime en revanche qu’on manque de courage en parlant de perdre dès le départ. « L’Eglise ne doit pas agir de manière tactique, mais prendre clairement position pour les faibles, les sans-défense, les persécutés. » De même, pour Andreas Nufer, pasteur de l’église bernoise du Saint-Esprit, la retenue de l’Eglise est « une déclaration de faillite ».

Lui qui, dans le cadre du culte, n'hésite pas évoquer la récolte de signatures, n’entend pas « regarder en permanence du côté de la droite populiste qui, de toute manière, a son propre ordre du jour ». En outre, Andreas Nufer est convaincu qu’une votation référendaire « mobiliserait aussi la Suisse chrétienne et humanitaire ».

Il est soutenu par la Commission «œcuménisme, mission et coopération au développement» de la communauté de l’Eglise réformée de Berne. Indépendamment des chances de succès d’une votation référendaire, note-t-il, les chrétiens sont « tenus par l’Evangile de manifester leur opposition dans cette affaire. Nous devons affirmer notre conviction que le Dieu de la Bible est un Dieu qui défend le droit de l’étranger ». (trad. F. N.)


La 2e partie de la révision de la loi sous toit

Le National a voté hier mercredi la deuxième partie de la révision de la loi sur l'asile. Elle prévoit notamment que seuls les réquérents déboutés seront privés d'aide sociale. Une accélération des procédures est également prévue. Le Conseil des Etats s'était déjà prononcé en faveur de ces mesures. Contrairemnt à la première partie de la révision, ce volet ne devrait pas susciter de référendum. (S. R.)