L'EERV dit oui à un rite pour les couples de même sexe
« Je suis fière de notre Eglise. Elle a pris ses responsabilités », s'est réjouie Esther Gaillard, présidente du Conseil synodal (exécutif) de l'EERV. Après un intense débat échelonné sur deux jours à Saint-Sulpice (VD), le synode s'est prononcé samedi à une large majorité (59 pour, 9 contre, 7 abstentions) en faveur d'un rite pour les couples partenariés. D'ici à juin 2014, le Conseil synodal présentera des propositions pour donner une forme concrète à cet acte liturgique.
« Reconnaissons qu'il y a eu une évolution des mentalités ces dernières années en matière de perception de l'homosexualité qui, rappelons-le, n'est pas un choix », a plaidé Jean Martin, délégué au synode et ancien médecin cantonal. « Une évolution des modes de conjugalité aussi », a renchéri Hélène Küng, directrice du Centre social protestant-Vaud et membre de la commission d’examen. Dans le débat, vif mais respectueux, un délégué broyard a évoqué une « révolution tranquille, comme on en a l'habitude dans ce canton ». La netteté du vote final dit que la révolution était mûre.
Pas de confusion avec le mariageMais les risques de scission de la base de l'Eglise ont traversé les délibérations de l'assemblée. « Comment ce nouveau rite sera-t-il perçu par la communauté vaudoise ? » s'est interrogée l'ancienne conseillère nationale libérale Suzette Sandoz. A l'instar de Charles-Louis Rochat, ancien conseiller d'Etat libéral, et d'autres, elle a plaidé avec vigueur pour une différenciation claire entre cet acte liturgique spécifique, qui reste à inventer, et celui de la bénédiction de mariage. « N'est-ce pas sinon la porte ouverte au débat sur la procréation médicalement assistée, ou sur l'adoption par les couples de même sexe? »
Ce que la société civile distingue, nous devons aussi le distinguer« Ce que la société civile distingue, nous devons aussi le distinguer », a rassuré Xavier Paillard, vice-président du Conseil synodal. Pour sa part, Jean-Luc Geneux, du groupe chrétiens de Vogay, l'association vaudoise des personnes concernées par l'homosexualité, s'est réjoui que « la peur n'ait pas pris le dessus ». Il se dit confiant quant à la concrétisation de cet acte.
Vendredi, crispé, le synode aurait pourtant pu ne pas entrer en matière sur le sujet. Des échanges de courriels, parfois virulents, entre pro et contra avaient circulé les jours précédents. « Ne précipitons pas les choses », entendait-on alors dans la bouche de certains délégués. Ils n’ont finalement pas obtenu gain de cause. Il faut dire que la question de l’homosexualité agite l’EERV depuis 2004-2005. Les paroisses avaient alors été consultées. En 2008, le synode votait entre autres le principe de « l’accueil inconditionnel » des personnes homosexuelles; mais sans accepter alors un rite d’accueil spécifique pour ces couples.
La liste en questionAujourd’hui, ce geste d’ouverture pose néammoins la question de l’accompagnement des pasteurs et diacres qui devront concrètement proposer ce rite. Faut-il par exemple mettre sur pied une liste de ministres d’accord de le célébrer? « A l’image de la clause de conscience chez les médecins, les pasteurs devront pouvoir le faire », a avancé Jean Martin. La question sera elle aussi tranchée d’ici à 2014.
Dans l'immédiat, un forum internet sera ouvert par l'Eglise le mercredi 7 novembre. But visé: permettre à quiconque de réagir à la décision prise ce weeek-end. « Une sorte de débriefing », illustre Paolo Mariani, responsable de la communication. Les échanges pourrront se faire durant 10 jours et seront modérés par le pasteur David Freymond, président du synode.
Reste une question: comment réagiront les autres Eglises présentes dans le canton? La conseillère synodale Line Dépraz est sereine. « Il ne faut pas confondre dialogue œcuménique et pensée unique, déclare-t-elle. Nous ne reconnaissons pas l’infaillibilité pontificale, nous n’exigeons pas le célibat des prêtres, nous avons ouvert le pastorat aux femmes... » La pasteure lausannoise rappelle également que l’EERV partage avec l’Eglise catholique dans le canton de Vaud des « missions communes au service de tous qui ont pour but de favoriser la cohésion sociale ».
En Suisse, le partenariat enregistré pour couples de même sexe est en vigueur depuis le 1er janvier 2007. L'EERV est la dixième Eglise cantonale à accepter le principe d'un tel rite. En Suisse romande, les Eglises réformées fribourgeoise et bernoise connaissent déjà de telles pratiques depuis quelques années. Selon le pasteur Jean-Michel Sordet, conseiller synodal, l'Eglise protestante bernoise célèbre quatre à cinq de ces liturgies par année. « Elle en avait célébré une dizaine l'année qui avait suivi le vote. »
Un nouveau conseiller synodal et un déficit d'un demi-million
Vendredi, le laïc John Christin a été élu à l’exécutif de l’EERV. Retraité de l’instruction publique cantonale, le sexagénaire d’Ollon (VD) occupera le poste laissé vacant en juin par Pierre-André Glauser. Le Conseil synodal s’organisera en son sein pour se répartir les dossiers.
Dans l’intervalle, c’est le pasteur Jean-Michel Sordet qui a repris les finances. Dans la ligne des précédents exercices, le budget 2013 voté samedi présente un déficit de plus de 500 000 francs sur environ 50 millions. Le coût budgeté en vue d'une campagne de promotion dans les transports publics pour des études en théologie a suscité des questions. Mais, en l'état, le budget a facilement passé la rampe du synode.
Votés début septembre, les nouveaux statuts de la Conférence des Eglise protestantes romandes (CER) ont également été ratifiés par le synode. Les délibérations de ce dernier, c'est une première, ont été suivies minute par minute sur le réseau social Tweeter.
Une séance de relevé est prévue le vendredi 23 novembre pour voter notamment la subvention à l’Espace culturel des Terreaux de Lausanne. S. R.Cet article a été publié dans :
une version plus courte par le quotidien vaudois 24 heures le lundi 5 novembre.