Pays-Bas: les Eglises appelées à se pencher sur leur rôle dans l’esclavage

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Pays-Bas: les Eglises appelées à se pencher sur leur rôle dans l’esclavage

21 septembre 2012
La Haye, le 21 septembre (ENInews\Andreas Havinga) – Pour Klaas van der Kamp, secrétaire général du Conseil des Eglises hollandaises, les Eglises doivent porter un regard honnête sur leur passé. Une célébration marquera les 150 ans de l'abolition de l'esclavage, à Amsterdam le 1er juillet 2013.

Klaas van der Kamp intervenait lors d'une réunion organisée le 17 septembre à Rotterdam au sujet de l'héritage de l'esclavage et des préjugés latents qui se perpétuent dans la société néerlandaise. La réunion était organisée par le Réseau Guide, une organisation œcuménique qui s'efforce d'établir le dialogue avec des responsables dans tous les secteurs de la société néerlandaise.

« Les Eglises des Pays-Bas doivent entamer une réflexion sur ce sujet et se regarder dans le miroir d'un œil critique », a déclaré Klaas van der Kamp à la réunion. « Nous demandons aux Eglises de s'y atteler à l'échelon local, d'écrire quelques lignes sur leur expérience et de nous les envoyer, afin que cette expérience trouve sa place dans la célébration de l'abolition de l'esclavage à la Koningskerk (église du roi) d'Amsterdam le 1er juillet 2013. »

"Vicaires coupables"

« Il n'est pas difficile de rédiger une lettre d'excuses au nom de l'ensemble des Eglises, où l'on reconnaît ses torts en ce qui concerne l'esclavage dans le passé », a expliqué Klaas van der Kamp. « Toute la difficulté réside dans la façon d'amener les membres des Eglises à développer des sentiments à ce sujet. »

« Nous, les Eglises, nous n'avons jamais déclaré notre culpabilité vis-à-vis de l'esclavage », a souligné Klaas van der Kamp. « Avec notre théologie et nos responsables religieux, nous y avons même apporté notre soutien. »

« Comme bien souvent, nous, les Néerlandais blancs, avons tendance à nous comporter en vicaires, en prêtres face aux gens à l'étranger. Plus nous sommes loin, plus nous moralisons. Mais plus nous sommes proches de chez nous, plus nous sommes indulgents », a-t-il indiqué. « Combien de temps cela nous a-t-il pris avant d'admettre notre culpabilité en ce qui concerne les actions de police en Indonésie? Pendant combien de temps les théologiens réformés ont-ils défendu l'apartheid en Afrique du Sud? » a-t-il demandé.

« Plus c'est clair, plus c'est beau »

Ce qu'on appelle les « actions de police » (politionele acties en néerlandais) sont deux offensives militaires d'envergure menées par les Pays-Bas au milieu des années 1940, quand l'Indonésie, alors dénommée Indes orientales néerlandaises, luttait pour son indépendance. L'apartheid est l'ancien système de ségrégation raciale appliqué en Afrique du Sud.

Plusieurs participants à la réunion du 17 septembre ont déclaré subir encore des discriminations, tant de la part de la population néerlandaise blanche que dans les valeurs qu'ils appliquent eux-mêmes. L'idée de beauté parmi les non-Blancs demeure que « plus c'est clair, plus c'est beau », ont indiqué certains des participants.

La parlementaire démocrate-chrétienne Kathleen Ferrier, qui est une personne de couleur, a parlé à la réunion de ses efforts pour ménager des espaces de culte pour les églises d'immigrés aux Pays-Bas. Selon elle, les Eglises blanches locales n'ont souvent pas tenu leurs promesses d'aider les Eglises d'immigrés ou ont même tenté de s'en débarrasser.

450 000 esclaves pris sur les côtes de l'Afrique de l'Ouest

Kathleen Ferrier a souligné l'importance d'un débat sur l'esclavage. « Quand on ne connaît pas le passé commun, on ne peut pas travailler ensemble pour l'avenir. Le passé revient toujours sur le devant, alors il est important de mettre des mots dessus. » Kathleen Ferrier est la fille d'un ancien président du Suriname. Elle fut la première secrétaire-générale de SKIN, la plate-forme nationale des Eglises d'immigrés des Pays-Bas.

Les Pays-Bas ont joué un rôle de premier plan dans la traite des esclaves au XVIIe siècle. La Compagnie néerlandaises des Indes occidentales a transporté quelque 450 000 esclaves pris sur les côtes de l'Afrique de l'Ouest, essentiellement vers les plantations des colonies néerlandaises de la région caraïbe, aux Antilles et au Suriname.Le gouvernement néerlandais a aboli l'esclavage dans ses colonies le 1er juillet 1863, trente ans après le Royaume-Uni.

L'affranchissement des esclaves est célébré au Suriname et dans les Antilles néerlandaises chaque année le 1er juillet à l'occasion du Keti Koti, qui signifie « les chaînes sont brisées » en sranan, la langue de la population créole.

On célèbre Keti Koti également aux Pays-Bas. A Amsterdam, un habitant sur dix est d'origine surinamaise et la ville abrite le Monument national de l'esclavage et de son héritage, inauguré en 2002. L'Institut national pour l'étude de l'esclavage néerlandais et son héritage se trouve lui aussi à Amsterdam. (769 mots-ENI-12-F-0129-JMP)