« La foi responsable »: comme une envie de faire campagne…

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« La foi responsable »: comme une envie de faire campagne…

Marie Cénec*
15 août 2012
Il me prend parfois l’envie de faire campagne… J’ai envie de défendre mon programme, mes convictions et mes valeurs. J’ai envie de laisser de côté tous mes complexes protestants et d’oser prendre la parole en public.

Respecter les convictions des autres ne veut pas dire renoncer à assumer les siennes. Il ne faut pas confondre tolérance et indifférence. On peut se taire par sagesse, mais bien trop souvent, le quasi-mutisme protestant est plutôt le fruit de la paresse.

C’est pourquoi, je veux faire l’effort d’oser assumer ce que je crois. Je veux dire que nous avons des idées, des envies, des propositions, des forces et de l’énergie à revendre. J’ai envie de slogans et de débats, de forums et de confrontations! J’ai envie de partir à la rencontre des citoyens et de leur rappeler que l’Eglise protestante n’est pas une église repliée sur elle-même, mais une communauté de femmes et d’hommes qui se vit dans la société.

J’ai envie de dire que nous ne sommes pas des religieux hors du monde et que si nous prenons le temps de prier, ce n’est pas pour fuir le monde, mais bien plutôt pour le porter jusqu’au plus intime de notre cœur. Nous sommes totalement concernés par les questions politiques, écologiques, sociales, éthiques.

Crédibles et non crédules

Non pas que nous voulions établir une théocratie (Dieu nous en préserve !), mais nous voulons participer à une société laïque en étant des partenaires crédibles et non pas crédules.

Nous ne sommes pas un ramassis de gens stupides qui attendent que Dieu agisse sans rien faire, enfermés dans des dogmes immuables et une éthique étriquée.

Nous ne sommes pas un ramassis de gens stupides qui attendent que Dieu agisse sans rien faire, enfermés dans des dogmes immuables et une éthique étriquée. Nous aussi, nous sommes parfois perdus face à la complexité de la société actuelle et la difficulté de saisir tous les enjeux des mutations actuelle ; mais ce n’est pas une raison pour ne pas continuer à chercher un sens et à travailler à un avenir commun !

J’ai envie de redire que le christianisme n’est pas seulement une foi personnelle qui reste cantonnée à la sphère intime. C’est une religion qui est provocatrice de justice et de solidarité. C’est une religion qui place le respect de l’humain, la liberté de conscience et l’engagement pour les autres, en son cœur. Oui, j’ai envie de redire la force d’une religion qui réside autant dans la réflexion que dans l’action qu’elle suscite.

Un coeur qui écoute

L’Evangile est une force de proposition et une voix critique qui doit oser se faire entendre, même si cela va parfois à l’encontre des logiques économiques et de la bien-pensance politique qui flirte avec les grands de ce monde. Quand je lis l’Evangile, il me semble qu’il s’agit de se mobiliser pour les plus démunis, de condamner toute domination injustifiée, de porter une parole de clarté dans les lieux de mensonges, de s’engager contre l’individualisme forcené. Au nom de l’Evangile, il s’agit de redire que ce n’est pas la recherche de profit qui mène à une sage gestion de nos ressources, que la réussite n’est pas que matérielle, que derrière les apparences se cache une autre vérité qu’il faut traquer - non pas par recherche d’un nouveau scandale médiatique, mais par intégrité.

Je souhaite que nos politiques aient un cœur qui écoute (pour reprendre la belle expression biblique concernant la sagesse de Salomon)… Je rêve d’hommes et de femmes qui écoutent ceux qui n’ont presque plus de voix, de politiques engagés qui se battent pour la dignité des personnes atteintes dans leur santé, pour celle des sans-papiers, des exilés, des personnes qui sont en mal d’éducation, de celles qui vivent dans des conditions insoutenables. Je rêve de personnalités politiques assez lucides pour voir derrière la beauté de notre ville, les boutiques de luxe, les magasins qui débordent, toutes les personnes qui crèvent de misère matérielle et affective.

Trop souvent, ces « sans sous » et ces « sans amours », je les méprise par mon indifférence… Qui me donnera des perspectives quand je suis cantonnée à mon impuissance? Qui ébauchera des solutions concrètes? Qui sera capable d’initier un changement et de faire bouger les choses? Qui mettra autant de force dans son action que dans ses promesses électorales?

Je ne veux surfer ni sur une « vague rose », ni sur « une vague bleue », mais sur la vague de la confiance en l’humanité. Je veux donner ma voix à celui ou celle qui préfèrera à l’amour du pouvoir celui de la sagesse. Je veux rêver un avenir qui soit celui d’une solidarité courageuse et intelligente… et même hors des périodes électorales, j’espère rester en campagne, protestant sans relâche pour une vie politique humaniste et bien inspirée!

*Bio express

Née en 1975 à Strasbourg, Marie Cénec fait ses études de théologie à Strasbourg et Genève.

2002:
DEA en Nouveau Testament « Entrer en Evangile : comparaison de deux modes de persuasion: lectures narratives et rhétoriques de Marc 1,1-13 et Jean 1, 1-18 »

2005: Premier poste pastoral, aumônier de Lycée à Strasbourg

2010: Pasteure à l’Espace Fusterie, Genève

2011: Chronique dans la Vie protestante

Citations:
« Le christianisme est un esprit qui crée toujours et ne reste lui-même qu’en créant toujours. » Albert Schweitzer

« La vie est plus un consentement qu’un choix. On choisit si peu. On dit oui ou non au possible qui nous est donné. La seule liberté de l’homme, c’est de tenir la voile tendue ou de la laisser choir. Le vent n’est pas de nous. » Abbé Pierre