Om sweet Om

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Om sweet Om

Muriel Schmid,
23 mai 2012
Le yoga! Je ne sais pourquoi, mais ces dernières semaines, j’en entends parler sur tous les fronts. Deux reportages ont plus particulièrement retenu mon attention: la radio publique (NPR) et le New York Times se sont penchés sur la dimension religieuse du yoga et les nouveaux débats qui se dessinent à ce sujet.

University of Utah, Salt Lake City/USA

Aux Etats-Unis, près de 20 millions de personnes pratiquent une forme de yoga ou une autre de manière régulière. Bien loin sont les jours où l’aérobic à la Jane Fonda occupait toute l’Amérique!

Aujourd’hui, le yoga semble être devenu le sport national; et c’est là que le problème surgit: est-ce un sport? Est-ce une simple forme d’exercice physique ou est-ce une pratique spirituelle? Les chrétiens évangéliques sont depuis longtemps divisés sur cette question.

Les autres religions réagissent

Parmi eux, nombreux sont ceux qui condamnent le yoga comme une pratique démoniaque; d’autres, un peu plus modérés, insistent sur l’origine religieuse du yoga et mettent en garde contre la vénération d’autres dieux au travers de cette pratique. D’autres encore le défendent et n’y voient aucune contradiction avec leur foi chrétienne. Ce qui est plus récent dans le contexte américain, c’est le débat actuel au sujet du yoga qui surgit au sein d’autres religions, l’hindouisme et l’islam.

Depuis un an et demi, la Fondation Hindoue-Américaine a lancé une campagne nationale intitulée Take Back Yoga dans le but de revendiquer les origines hindoues du yoga et se battre pour la reconnaissance de ses racines religieuses. Cette campagne a soulevé l’intérêt aussi bien des médias que de certains groupes interreligieux tels que le Parlement des Religions du Monde.

Ses auteurs espèrent ainsi insuffler à la pratique occidentale du yoga une dimension spirituelle qui, d’après eux, s’est totalement perdue dans le processus de commercialisation du yoga (on parle ici d’un commerce global de près de 6 milliards de dollars par an aux Etats-Unis). Dans cet effort, il y a bien entendu la volonté de revaloriser l’hindouisme même, sa richesse, son histoire et ses valeurs, en particulier celle de non violence.

Quoi qu’il en soit, cette campagne a le mérite d’avoir provoqué une discussion nationale sur la question de l’importation et de l’appropriation de certaines pratiques spirituelles dans un autre contexte culturel; le monde musulman s’est confronté au même débat.

Le yoga se voit la proie de fortes condamnations dans le monde islamique, condamnations similaires aux critiques venant des milieux chrétiens évangéliques.

En Malaisie (2008) et en Indonésie (2009), les autorités musulmanes ont édicté une loi qui interdit la pratique du yoga; même si le premier ministre malaisien a très vite révoqué cette loi, il n’en demeure pas moins que le yoga se voit la proie de fortes condamnations dans le monde islamique, condamnations similaires aux critiques venant des milieux chrétiens évangéliques.

Et pour certains musulmans vivant aux Etats-Unis, la question de la dimension religieuse du yoga doit être prise au sérieux. Récemment, le New York Times rapportait l’expérience de Muhammad Rashid, un immigrant du Bahreïn qui vit actuellement à New York City et qui a ouvert sa communauté à la pratique du yoga, malgré les résistances rencontrées.

Il dit y voir des ressemblances avec le rythme des prières quotidiennes de la foi musulmane et c’est ainsi qu’il a réussi à lentement initier les membres de sa communauté à cette pratique, une transition certes inattendue.

Prof de maths, de yoga et... catholique

Pour ma part, je ne pratique pas le yoga; cela ne m’a jamais vraiment attiré. Pourtant, cette discussion me fascine et me semble révéler des questions fondamentales sur l’échange de valeurs culturelles: peut-on simplement transposer et adapter des éléments d’origine religieuse à une pratique et un contexte sécularisés? Peut-on dissocier une pratique de sa dimension spirituelle lorsqu’elle en a une? Plus fondamentalement, qui a le dernier mot pour désigner telle ou telle pratique de spirituelle ou de religieuse?

Dans le cas du yoga, il semblerait que cette décision ait été accaparée par les autorités religieuses qui ne participent pas de son origine: du côté musulman comme du côté chrétien en effet, soit le yoga est déclaré religieux et par extension démoniaque, soit il est jugé dénué de toute dimension religieuse et autorisé comme activité purement physique.

Les hindous américains essaient de formuler une position intermédiaire qui explique leur propre tradition et ils ont bien de la peine à être respectés. J’aimerais bien voir une pratique religieuse chrétienne devenir la proie d’un tel débat; qu’en dirait-on en tant que chrétiens?

J’aurais dû dire plus haut que je ne pratique plus le yoga; il y a eu une période très brève dans ma vie où j’ai suivi quelques leçons de yoga. Lors de mes années de gymnase à Fribourg, dans un gymnase très catholique, nous avions la possibilité de prendre une option yoga. Je m’y suis inscrite en première ou deuxième année de gymnase et, une fois par semaine, pendant la pause de midi, je pratiquais le yoga. Ma prof de yoga, la seule que je n’aie jamais eue, était aussi ma prof de maths et une sœur catholique! Cette initiation au yoga a brisé bien des préjugés…

Liens