Publiée le 1er mai, l’étude sur les appartenances et groupes religieux (RCMS) 2012 indique que les protestants traditionnels et les catholiques, qui dominaient le paysage religieux au XXe siècle, perdent du terrain face à la progression rapide des mormons mais aussi, de plus en plus, des musulmans, signale l’agence Religion News Service (RNS).

L’étude est menée tous les dix ans. Elle permet de suivre l’affiliation religieuse de la population des Etats-Unis à l’échelle des comtés, du plus peuplé – le comté de Los Angeles, où les mormons ont connu une augmentation de 55% et les catholiques un recul de 7% – au plus petit, le comté de Loving, au Texas, qui abrite 80 personnes et une église évangélique non dénominationnelle.

L’Eglise de Mitt Romney – l’Eglise de Jésus Christ des saints des derniers jours, dont les fidèles sont appelés « mormons » – peut se targuer de deux millions de nouveaux fidèles en dix ans. Dans le même intervalle, de nouvelles paroisses mormones se sont implantées dans 295 comtés où elles étaient auparavant inexistantes.

Les mormons constituent le groupe à la plus forte croissance dans 26 Etats, dépassant ainsi largement les frontières de leur fief historique, l’Utah (ouest), en s’étendant vers le Sud profond et même jusqu’à l’Etat du Maine (nord-est).

Les musulmans arrivent en seconde position, avec une croissance d'un million de fidèles dans 197 nouveaux comtés, parvenant à un total d’environ 2,6 millions de fidèles. Globalement, les groupes non chrétiens ont progressé de 32% au cours de la décennie passée.

« Les mosquées se sont multipliées à un rythme d’environ 50% en dix ans », a indiqué Dale Jones, chercheur auprès de l’Eglise du Nazaréen, qui a travaillé à cette étude pour le compte de l’Association des statisticiens des Etats-Unis appartenant à un organisme religieux. « Les musulmans comptent un plus grand nombre de centres religieux; du reste, le fait de s’implanter en banlieue permet de se rapprocher des lieux où vivent beaucoup de leurs coreligionnaires. »

Tandis que d’autres études recensent l’affiliation totale, les croyances ou l’assiduité cultuelle, l’étude RCMS compte le nombre exact de personnes appartenant aux communautés religieuses des Etats-Unis – c’est-à-dire, comme l’explique Dave Jones, les individus « suffisamment engagés pour qu’on les inclue dans le décompte ».

Selon l’étude, si plus de 80% des Américains se disent chrétiens, seuls 49% d’entre eux font partie d’une paroisse. Pour Dave Jones, cela devrait être une source d’inquiétude pour les responsables d’Eglise.

« D’une certaine manière, nous récoltons ce que nous avons semé », déplore-t-il. « Les Eglises ne cessent de dire qu’il faut avoir une relation personnelle avec Jésus Christ. Ce qu’on entend, c’est: "J’ai besoin d’une relation, je dois renaître", mais pas: "Je dois m’impliquer dans une paroisse." Eh bien voilà où nous en sommes maintenant. »

Au total, l’étude recense près de 350 000 communautés religieuses aux Etats-Unis, des orthodoxes albanais aux zoroastriens. Ces églises, temples et mosquées représentent le foyer spirituel de 150,6 millions d’Américains. Les chercheurs affirment avoir réussi à couvrir 90% de l’ensemble des communautés.

Comme la plupart des études, la RCMS se fonde essentiellement sur les données fournies par les Eglises et dénominations elles-mêmes. Certaines, notamment plusieurs Eglises historiquement noires, n’ont pas communiqué les statistiques les plus récentes. Par ailleurs, les chercheurs n’ont réussi à obtenir des informations que pour un tiers des mosquées des Etats-Unis et ont dû établir une estimation des deux tiers restants.

L’étude ne s’est pas penchée sur l’évolution du nombre de personnes laïques ou sans affiliation religieuse, car elles ne font justement pas partie d’une communauté locale. Selon d’autres études, cette catégorie de personnes représenterait environ 16% de la population.

Pour Jan Shipps, spécialiste respectée du mormonisme bien que ne faisant pas elle-même partie de l’Eglise mormone, et ancienne professeure à l’Université de l’Indiana – Université Purdue d'Indianapolis, la progression des mormons dans de nouveaux comtés est « ahurissante ». Selon elle, cette progression est probablement due à la décision des dirigeants de l’Eglise de diviser de grandes communautés en plusieurs petites communautés de part et d’autre des limites de comté.

« Leur mode d’organisation permet de développer le nombre de communautés », a-t-elle expliqué. « Les mormons n’ont pas d’énormes paroisses comme les Eglises indépendantes. »
L’étude s’intéresse également à la croissance des Eglise évangéliques indépendantes et non dénominationnelles. Au total, celles-ci constituent le troisième groupe chrétien du pays, avec environ 12,2 millions de fidèles répartis entre 35 000 paroisses.



Bien que les catholiques aient subi ces dernières années un recul de 5% du nombre de fidèles, ils restent néanmoins le groupe religieux le plus important du pays, avec 59 millions de fidèles. La Convention baptiste du Sud arrive en seconde position, avec 19,8 millions de fidèles, mais elle est première pour ce qui est du nombre d’églises, avec 50 816 paroisses.

Plusieurs raisons expliquent la croissance rapide du nombre de musulmans américains, indiquent les chercheurs: une progression dans les banlieues, une volonté accrue des musulmans des Etats-Unis de s’affirmer et d’être recensés, et un plus grand nombre de mosquées pour servir un plus grand nombre de fidèles.

L’imam Muhammad Musri, président de la Société islamique de Floride centrale, a relevé une croissance exponentielle de 473% dans le comté d’Orange (où se trouve la ville d’Orlando) et autour de celui-ci, indique l’étude RCMS. L’imam pense même que l’augmentation serait en réalité deux fois plus importante que les 10 000 nouveaux musulmans dont l’étude fait état.

Selon lui, la progression du nombre de musulmans a été alimentée par une vague de conversions après le 11-septembre, par le fait que les enfants d'immigrés ont eux-mêmes eu des enfants, ainsi que par une industrie médicale florissante. En Floride centrale, a-t-il ajouté, les musulmans font comme tout le monde: ils sont venus pour trouver « un meilleur climat, des prix moins élevés et des maisons meilleur marché ».

« Je doute qu’au cours de la prochaine décennie nous connaissions une croissance aussi importante », a précisé l’imam Muhammad Musri. « C’est comme quand on lance un nouveau produit: au début, on s’y intéresse beaucoup, mais maintenant, on nous connaît mieux et nous n’allons pas ouvrir autant de nouvelles mosquées qu’au cours des dix dernières années. »



Kevin Eckstrom est le rédacteur en chef de Religion News Service. (1120 mots-ENI-12-F-0065-JMP)