Turquie: réouverture d'un séminaire orthodoxe sous condition

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Turquie: réouverture d'un séminaire orthodoxe sous condition

12 avril 2012
Varsovie, le 12 avril (ENInews/Jonathan Luxmoore) – Le
gouvernement turc souhaite conditionner la réouverture d'un séminaire orthodoxe situé près d'Istanbul à des concessions similaires à l'égard des musulmans en Grèce voisine. Le père Dositheos Anagnostopoulos, porte-parole du Patriarcat œcuménique de Constantinople, s'oppose vigoureusement à cette proposition.

«Je ne comprends pas quel rapport il peut y avoir avec ce qui se décide en Grèce, un pays avec lequel nous n'avons rien à faire», a affirmé le père Anagnostopoulos dans une interview accordée début avril au correspondant d'ENInews. «La question du séminaire de Halki doit être résolue entre le Patriarcat, Ankara et l'Union européenne. Athènes n'a pas voix au chapitre dans ce débat.»

Le prêtre réagissait aux propos tenus fin mars par le ministre turc en charge des relations avec l'Union européenne, Egemen Bağış. Selon ce dernier, la restitution du séminaire de Halki, situé sur l'île d'Heybeliada, ne constituerait «pas une menace» pour la Turquie, pour autant qu’en contrepartie les droits des musulmans s’améliorent en Grèce, pays majoritairement orthodoxe.

«Nous espérons que les problèmes de nos frères et sœurs musulmans vont être résolus, à l'instar des problèmes des citoyens orthodoxes de Turquie», a déclaré le ministre dans le quotidien turc Hurriyet. «La Turquie a pris de très importantes mesures dans ce domaine, encore inimaginables il y a dix ans», a-t-il ajouté. Cependant, il est temps aussi que la Grèce, une démocratie de l'Union européenne, assume ses responsabilités en agissant concrètement.»

Améliorer le sort des minorités, une condition posée par l'UE

Le gouvernement islamiste modéré du Premier ministre Recep Tayyip Erdoğan s'est attelé à la tâche d'améliorer les droits des minorités religieuses selon les conditions fixées pour l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne d'ici à 2015. Il est néanmoins accusé de discriminations à l'égard des chrétiens et de ne pas avoir réussi à mettre un frein aux agressions ciblant les communautés chrétiennes.

En avril 2009, lors d'un discours prononcé devant les députés turcs, le président des États-Unis Barack Obama avait appelé le gouvernement à rouvrir le séminaire. Fondé en 1844 et confisqué par le ministère de l'Éducation nationale en 1971, le séminaire de Halki est généralement considéré comme ayant valeur de test pour le gouvernement turc.

Dans un communiqué du 26 mars, le président Obama a indiqué avoir félicité le Premier ministre turc pour ses efforts en vue de «protéger les minorités religieuses» à l'occasion de négociations menées la veille pendant un sommet en Corée du Sud sur la sécurité nucléaire. Le président des États-Unis s'est dit par ailleurs «ravi de sa décision de rouvrir le séminaire de Halki.»

Les orthodoxes pas informés officiellement

Cependant, le père Anagnostopoulos a déclaré que le Patriarcat œcuménique, propriétaire du complexe théologique, n'avait eu «aucune communication directe ni officielle de la part d'Ankara» concernant la restitution prévue, ajoutant que, tout comme les autres représentants du clergé orthodoxe, il n'en avait eu vent «qu'en lisant les journaux turcs.»

Si elle était menée à bien, la restitution du séminaire représenterait la concession la plus notable faite aux chrétiens par le gouvernement Erdoğan, qui a déjà accordé la citoyenneté aux métropolites du Patriarcat œcuménique et rendu plusieurs églises historiques à la minorité orthodoxe.

En février, le patriarche œcuménique Bartholomée Ier s'est pour la première fois présenté devant une commission parlementaire, suite à la promesse faite par le gouvernement de consulter les responsables chrétiens au sujet d'une nouvelle constitution pour son pays. La plupart des 71,5 millions d'habitants de la Turquie sont musulmans sunnites. (574 mots-ENI-12-F-0052-JMP)