Les craintes que la Syrie sombre dans une guerre civile sectaire s’intensifient

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Les craintes que la Syrie sombre dans une guerre civile sectaire s’intensifient

24 février 2012
Genève, le 24 février (ENInews\John Zarocostas) – Dans la région de Homs, des communautés sont prises pour cibles pour des motifs religieux. Le regain de violence sectaire entre les protagonistes du conflit syrien fait craindre une guerre civile généralisée, attisée par les animosités religieuses. Les Eglises du pays pourraient se poser en médiatrices entre le gouvernement et certains groupes d'opposition.

« Il est vital que, dans chaque camp, on s’abstienne de prendre pour cibles des gens sur la base de leur identité ethnique ou religieuse », a déclaré Rupert Colville, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. « Tous les efforts doivent être faits pour empêcher de nouvelles pertes civiles. »

Depuis l’automne dernier, nous mettons en garde contre le danger d’une guerre civile généralisée, a déclaré Rupert Colville, « avec la possibilité bien réelle qu’elle prenne un caractère sectaire ».

La polarisation sectaire oppose les partisans du président Bachar el-Assad, issus de la minorité alaouite – une branche de l’islam chiite qui ne représente que 12% de la population mais dont le poids est très important dans les forces armées syriennes – aux musulmans sunnites, qui constituent 75% de la population et soutiennent avec ferveur la petite Armée syrienne libre.

Les communautés chrétiennes représentent quant à elles environ 5% de la population syrienne. Elles se tiennent majoritairement à l’écart des hostilités.

Rapts perpétrés au hasard

Navi Pillay, haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a déclaré le 13 février que depuis le début de la répression de l’opposition antigouvernementale, en mars 2011, « les forces de sécurité et le gouvernement sont, avec l’appui des milices "chabiha", responsables de la mort de milliers de personnes, en menant des attaques à l’encontre de manifestations pacifiques et des opérations militaires de grande envergure dans plusieurs villes ».

S’exprimant sous couvert d’anonymat, un important diplomate de l’ONU a déclaré que la situation sectaire en Syrie n’est toutefois pas si simple. Il explique que les forces armées sont constituées de sunnites et d’alaouites, tandis que l’opposition au président Assad s’appuie sur des alaouites, des chrétiens, des druzes et d’autres communautés.

Selon des organisations de défense des droits de la personne, certaines zones comme la ville de Homs – essentiellement sunnite, bien qu’on y trouve aussi des quartiers alaouites et chrétiens – ont subi des rapts perpétrés au hasard et des représailles meurtrières.

« Nous avons reçu des rapports alarmants d’abus perpétrés par des combattants antigouvernementaux, comme des enlèvements de représentants des forces de l’ordre et des allégations de mauvais traitements, de torture et d’exécutions sommaires », a fait savoir Rupert Colville. « Pour l’heure, cependant, nous ne sommes pas en mesure de confirmer ces dires, même si nous les prenons bien évidemment très au sérieux et que nous continuons à enquêter dessus. »

Al-Qaïda en sous-main ?

Il a par ailleurs rappelé que la présence et les agissements des combattants armés opposés au gouvernement ne justifient en aucune manière les attaques aveugles de l’armée syrienne à l’encontre de zones civiles.

« Les rumeurs selon lesquelles Al-Qaïda pourrait être derrière la récente série de bombardements mortels à Damas et Alep sont particulièrement inquiétantes, surtout quand on sait que cette organisation a délibérément exacerbé la haine sectaire en Irak et en Afghanistan », a souligné Rupert Colville.

Pour Michel Nseir, responsable du programme pour le Moyen-Orient au Conseil œcuménique des Eglises (COE), les Eglises de Syrie ont un rôle à jouer pour amorcer le dialogue. Elles peuvent notamment se poser en médiatrices entre le gouvernement et certains groupes de l’opposition.

Le 20 février, les membres du Comité exécutif du COE ont envoyé un message pastoral aux Eglises de Syrie afin de faire part de leur solidarité.

Le 21 février, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a exhorté les autorités syriennes et toutes les autres parties impliquées dans les violences à instaurer une suspension des combats d’au moins deux heures chaque jour dans toutes les zones concernées, afin de permettre l’acheminement immédiat de l’aide humanitaire.

« A Homs et dans d'autres zones touchées, des familles entières sont bloquées chez elles depuis des journées, sans pouvoir sortir acheter du pain, d'autres vivres, de l'eau, ou accéder à des soins médicaux », a affirmé Jakob Kellenberger, président du CICR. (709 mots-ENI-12-F-0027-JMP)