Les socialistes chrétiens débattent du conflit israélo-palestinien

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Les socialistes chrétiens débattent du conflit israélo-palestinien

Anne Buloz
7 février 2012
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La Fédération romande des socialistes chrétiens (FRSC) a choisi de parler du conflit israélo-palestinien avec l’ancienne cheffe du Département fédéral des affaires étrangères Micheline Calmy-Rey samedi à Lausanne. «La solution est sur la table. Elle bénéficierait à toute la région, mais il manque une volonté politique. Personne ne veut faire le premier pas», prévient-t-elle.


L’ancienne présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey, a rappelé que trois foyers de crise agitent la région : « Le conflit israélo-palestinien, dont les négociations sont bloquées depuis dix-huit ans, est dû en premier chef à un différend territorial. Ensuite, l’Iran est au cœur d’un conflit énergétique, la communauté internationale ne voulant pas que le pays développe un programme nucléaire militaire. Enfin, l’Afghanistan est le théâtre d’une guerre qui dure depuis une décennie et dont on ne voit pas la fin. La cause en est la lutte contre le terrorisme. Ces trois crises doivent être considérées comme un tout. »

Micheline Calmy-Rey a expliqué que la Suisse n’est pas un acteur stratégique dans les négociations en cours au Moyen-Orient : « Cela ne veut pas dire que notre pays n’a pas de rôle à jouer, notamment au niveau humanitaire et d’aide au développement. La Suisse est la première à avoir demandé qu’une enquête indépendante fasse toute la lumière sur les événements de l’hiver 2008/09. Elle a mené une politique de dialogue, parlé avec tous les acteurs, organisé de nombreuses rencontres et fait des propositions dans le cadre de négociations. »

L’Initiative de Genève, une référence


L’ancienne cheffe du Département fédéral des affaires étrangères a mis en avant l’Initiative de Genève, signée en décembre 2003. Cet accord, qui couvre tous les aspects du conflit sur 500 pages, est devenu une des références les plus citées pour résoudre la crise. « La solution est sur la table. Elle bénéficierait à toute la région, mais il manque une volonté politique. Personne ne veut faire le premier pas. Il n’y aura pas de paix sans compromis de part et d’autre », prévient Micheline Calmy-Rey.

L’ancienne présidente de la Confédération le reconnaît, « le Mur est un mauvais pré-requis pour une solution diplomatique et l’accouchement sera très douloureux. L’Initiative de Genève a trouvé des compromis en termes de colonies, d’occupation des territoires, de réfugiés, de sécurité et de compensations. Il n’y a pas d’alternative à la création d’un Etat palestinien, sur la base des frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale. Tous les sondages le disent : la majorité des personnes acceptent ce postulat. Il faut que la base se mobilise pour la paix. Le printemps arabe a montré que c’est possible. »

Porter un espoir de justice et de paix


« Quatre familles d’Eglises chrétiennes existent en Palestine et en Israël, a rappelé Michel Nseir, coordinateur des programmes du Moyen-Orient au Conseil œcuménique des Eglises. C’est une petite communauté, dont le nombre a tendance à baisser, comme dans toute cette région. Mais ils sont beaucoup plus présents et influents que leur nombre le supposerait. Ils sont capables de porter une grande espérance, un espoir de justice et de paix pour cette région, s’ils se sentent soutenus par les autres chrétiens et par les Eglises du monde entier. »

« Israël reproduit les moyens utilisés durant l’Histoire contre le peuple juif, expulsé au Moyen Age, accusé lors de chaque épidémie et dont les biens et les droits ont été confisqués. Ce cercle vicieux doit cesser ! », a expliqué Théo Buss, inspiré par un séjour de trois mois l’été dernier, dans le cadre du programme œcuménique d'accompagnement en Palestine et en Israël (EAPPI). Depuis son lancement en 2001, plus de 900 volontaires s’y sont succédés.

Pour le théologien, également membre du comité de la FRSC, le printemps arabe a changé la donne : « L’une des retombées indirectes est que plus de 450 000 Israéliens sont descendus dans les rues pour manifester. Pour la première fois, ils ont remis en question la politique du gouvernement Netanyahu. Il faudra cependant un grand effort pour que les préjugés instillés dans les têtes disparaissent. » Nombreux sont ceux qui pensent qu’un dialogue avec les uns et les autres est nécessaire et qu’il faut considérer Israël et la Palestine à égalité pour espérer mettre un terme à ce conflit qui dure depuis plus de 60 ans.

Le président sortant de la FRSC, Georges Nydegger rappelle que l’Histoire a connu quelques beaux exemples de fraternisation retrouvée, notamment la réconciliation franco-allemande et la fin de l’apartheid en Afrique du Sud : « A qui peut-on faire croire qu’une telle réconciliation ne peut pas avoir lieu entre Israël et la Palestine ? »

Quatre questions à :

Vincent Léchaire (36 ans), le nouveau président élu samedi à la tête de la Fédération romande des socialistes chrétiens.

Qu’est-ce qui vous a poussé à briguer ce poste de président ?

Je connais le mouvement depuis longtemps et j’étais déjà au comité. Je viens d’un milieu plutôt humaniste. J’ai été baptisé tard, à 23 ans. Cette présidence synthétise mes engagements chrétiens, sociaux et politiques. Je suis responsable d’un foyer pour adolescents à Lausanne, membre de l’EERV et je me suis engagé dans le Parti socialiste lausannois.

Que comptez-vous faire pour dynamiser votre mouvement ?


Le socialisme et le christianisme ne sont plus vraiment deux mots à la mode… Il faut nous élargir. Pour cela, il faut voir un peu au-delà du côté social, ne pas s’arrêter seulement au parti politique mais regrouper plus largement à gauche. De même, il ne faut pas être uniquement protestant mais œcuménique. Je crois beaucoup au bouche à oreille et à la création des réseaux pour ne pas rester dans son coin.

Pourquoi pas avec le Parti socialiste, même si c’est compliqué, ou avec d’autres mouvements ou associations ? Nous souhaitons, surtout, rajeunir le mouvement. Nous avons un site internet et nous réfléchissons à une présence sur Facebook. Deux autres personnes, âgées entre 30 et 40 ans, viennent de rejoindre le comité.

Pensez-vous que la Fédération romande des socialistes chrétiens ait un véritable rôle à jouer ?

Oui ! Il y a de quoi faire, car on n’entend souvent que les mouvements fondamentalistes. Nous pouvons être une contre-culture et amener une autre voix, un discours un peu différent par rapport à ce que l’on entend habituellement dans les médias, qui est souvent sensationnel ou extrémiste. Nous pouvons appeler à résister aux sirènes néolibérales et à la crispation identitaire. C’est de cette économie néolibérale, qui fait peur à certaines personnes, que vient le succès des extrémistes. Les gens se ferment sur eux-mêmes. La crise n’aide d’ailleurs pas.

Quels sont les projets de votre mouvement ?

Nous souhaitons continuer à organiser des débats sur des sujets d’actualité qui touchent tout le monde et pérenniser notre bulletin trimestriel, L’Espoir du Monde, auquel 300 personnes sont abonnées. Nous pourrions aussi créer un autre événement, en plus de la journée annuelle que nous mettons déjà sur pied. A. B.