Qui veut rendre service se fait payer… et contrôler ? 
50 ans de professionnalisme au Centre social protestant Vaud

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Qui veut rendre service se fait payer… et contrôler ? 
50 ans de professionnalisme au Centre social protestant Vaud

Jean-Pierre Thévenaz*
30 novembre 2011
Si vraiment qui paie commande, qui doit donc payer les services rendus ? Celui qui les donne, ou celui qui les reçoit ? Le Christ a lancé l’esprit de service en se donnant : qu’en reste-t-il dans une société marchande ?

Les œuvres chrétiennes sont constamment devant ce dilemme de vouloir donner gratuitement, sans avoir assez de revenus pour donner vraiment, dilemme au moins aussi grave que celui des prestataires de services funèbres qui défraie la chronique romande actuellement.

L’Etat subventionne certes divers gestes comme l'aide au désendettement, à une insertion professionnelle ou encore une consultation conjugale, mais les donateurs de moins en moins nombreux et les Eglises fondatrices des œuvres peinent à financer le temps et les forces nécessaires à garantir une autonomie et une culture propres à ces organisations.

Ces œuvres accumulent pourtant des années de professionnalisme : 50 ans cette année dans le canton de Vaud pour son Centre social protestant par exemple, qui fêtera cela avec son assemblée générale le 5 décembre. Cinquante ans d’engagements qui lui ont permis de mettre les meilleurs professionnels – croyants ou non, peu importe – au service des fragiles de notre société.

Plus que des gestes techniques subventionnés

Qui paie ? Les autorités publiques reconnaissent le bien-fondé de certains services et offrent des subventions pour les « acheter ». Des fondations fournissent des compléments. Mais il appartient encore aux donateurs convaincus et à l’Eglise initiatrice de permettre davantage que ces gestes techniques subventionnés : l’esprit qui est derrière ces gestes, l’autonomie et les valeurs fondamentales, la disponibilité aux personnes et l’accueil gratuit, le choix et la formation de collaborateurs réfléchis. Avec des sources de financements libres, l’œuvre garde sa dynamique propre : elle n’est pas sous contrôle.

Il en va d’une œuvre chrétienne comme d’une vie individuelle : elle n’est pas chrétienne par ses gestes, ses mérites et ses réussites, mais par son inspiration, sa chiquenaude de départ.

Il en va d’une œuvre chrétienne comme d’une vie individuelle : elle n’est pas chrétienne par ses gestes, ses mérites et ses réussites, mais par son inspiration, sa chiquenaude de départ. Le Centre social protestant ou l’Entraide protestante (EPER) ne sont pas protestants par le protestantisme de leurs employés ni de leurs donateurs, et encore moins de leurs subventionneurs !

Ils le sont par l’engagement de leurs soutiens actifs, membres associés et donateurs, membres du comité ou du conseil, protestants ou non. A eux de traduire de façon « laïque » l’esprit du Christ, qui se donne sans être payé en retour – et d’embaucher des professionnels compétents pour un service efficace mais non « payant ».

C’est ce cadre de travail que vous et moi, donateurs d’œuvres, voulons rendre significatif : nous payons pour que des professionnels aient du temps pour servir. Ils se gèrent et se contrôlent ensuite eux-mêmes sur la base de critères et d’indicateurs d’efficience, sans oublier que certains actes font l’objet de contrôles du mandataire étatique.

Imagination de pasteurs individuels

Une seule exception, hélas : le travail des paroisses, qui sont aussi des « œuvres » au service de leur population. Elles n’ont pas été construites – et nos Eglises guère davantage – pour gérer et contrôler leur action avec professionnalisme, sur la base d’objectifs et d’indicateurs d’efficacité, afin d’atteindre l’ensemble d’un public déterminé. Laissé à l’imagination de pasteurs individuels, ce service paroissial, aux forces de plus en plus réduites, est bien le seul à ne pas faire l’objet d’une gestion de projet cohérente et à être payé sans contrôle interne.

Face à leurs œuvres de service, qu’elles ont l’honneur et la fierté de cofinancer et d’envoyer au front depuis cinquante ans ou plus, les Eglises pourraient apprendre et comprendre les enjeux d’un service réellement professionnel à la population.

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La dernière chronique de Jean-Pierre Thévenaz pour ProtestInfo.