Etats-Unis: une investiture républicaine entre théocratie et démocratie

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Etats-Unis: une investiture républicaine entre théocratie et démocratie

Muriel Schmid*
26 octobre 2011
La campagne pour la présidentielle américaine de 2012 a pris son envol. Et, un an avant les élections, les aspirants à l’investiture républicaine cherchent à se démarquer. Dans cette démocratie qui se targue d’une claire séparation entre Église et État, l’identité religieuse des candidats joue un rôle de premier plan. Revue d'effectifs.

C'est un classique : tous les candidats du Grand vieux parti sont chrétiens, de tendance plutôt évangélique. Faut-il rappeler que seul le démocrate JFK fut élu président des États-Unis en 1960 sans être de souche protestante ?

Du côté de ce qu’on peut appeler une extrême droite chrétienne, on trouve Rick Perry, gouverneur du Texas et Michele Bachmann, représentante du Minnesota. Ce qui les caractérise actuellement, ce sont certains de leurs propos ouvertement inspirés par leur foi. Michele Bachmann a déclaré que les feux du Texas et les ouragans qui traversaient le continent étaient une punition divine qu’il fallait écouter.

Rick Perry, de son côté, a instauré un jour de prière et de jeûne pour invoquer les grâces de Dieu contre la sécheresse du Texas. Il a aussi clairement annoncé qu’il rejetait la théorie darwinienne de l’évolution, un point essentiel contre certains de ses adversaires.

En fait, dans cette Amérique évangélique, leur affiliation religieuse avec l’Église de Jésus Christ des Saints des Derniers Jours pose un sérieux problème : sont-ils vraiment chrétiens ?

Par contraste, les deux candidats mormons, Mitt Romney – déjà candidat en 2008 – et Jon Huntsman, semblent bien silencieux sur ces questions de foi. En fait, dans cette Amérique évangélique, leur affiliation religieuse avec l’Église de Jésus Christ des Saints des Derniers Jours pose un sérieux problème : sont-ils vraiment chrétiens ? Et dans le doute, peuvent-ils devenir président des États-Unis ?

Une identité religieuse au second plan

Afin d’éviter de faire des vagues, ils prennent discrètement leur distance avec les discours religieux et semblent, pour l’heure, se lancer dans une vraie campagne présidentielle, en particulier Jon Huntsman, l’ex-gouverneur de l’Utah.

Jon Huntsman paraît en effet articuler un programme politique large et son identité religieuse semble heureusement passer au second plan. Il a collaboré avec l’administration Obama sur les questions de budget et son expérience comme ambassadeur des États-Unis en Chine lui ouvre des perspectives autant sur le plan international qu'économique.

Parmi des éléments qui le distinguent de ses adversaires républicains, il parle couramment le mandarin, s’est prononcé en faveur du droit à une union civile pour les couples de même sexe et reconnaît l’urgence d'une politique en faveur de l'environnement. En bref, Jon Huntsman défend une politique conciliatrice et ouverte sur le monde; sa cote de popularité est pourtant au bas de l’échelle !

L'Europe aussi menacée

L’opinion publique européenne ne peut évidemment pas influencer de manière significative les présidentielles américaines ; l’Europe a d’ailleurs d’autres chats à fouetter. Cependant, les éléments religieux qui en déterminent la teneur ne devraient cesser d’inquiéter l’Europe et de la mettre en garde face au fondamentalisme chrétien qui menace, lui aussi, les démocraties occidentales.

Vu d’ici, les évangéliques charismatiques qui prétendent parler au nom de Dieu à chaque tournant politique effraient. Ce d’autant plus qu’ils se permettent de condamner les théocraties musulmanes d’une part tout en rejetant la déchristianisation européenne d’autre part. Quel modèle offrent-ils donc ? Récemment, j’ai entendu un intellectuel américain accuser l’Europe d’être rétrograde dans sa prétention à la laïcité. Honnêtement, est-ce plus dangereux ?


Quarante jour de prière "sur" Washington


« La société est sous le pouvoir de forces démoniaques et la politique américaine représente l’un des champs de bataille les plus importants dans la lutte pour l’avancement du royaume de Dieu. » Les mouvements évangéliques et charismatiques chrétiens qui prêchent dans ce sens sont de plus en plus présents dans les débats politiques américains et la campagne présidentielle à venir va certainement voir la multiplication de leur prise de parole.

Le 3 octobre dernier, une action de prière nommée DC 40 a été lancée sur Washington ; c’est un appel à tous les croyants (born again) à assiéger la capitale américaine de leurs prières durant 40 jours « afin que le règne du Christ se manifeste ». M. S.



A lire

*Muriel Schmid est une théologienne suisse installée à Salt Lake City. Retrouvez sa dernière chronique publiée par ProtestInfo

*En savoir plus sur le profil des candidats républicains sur le site du New York Times

*Un article sur Jon Huntsman dans L’Express