Ecole vaudoise: un enseignement des religions pour tous les élèves

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Ecole vaudoise: un enseignement des religions pour tous les élèves

Claude Schwab*
5 octobre 2011
Après Zurich, Berne et le Jura, l’école vaudoise va introduire pour tous les élèves un enseignement d'« Ethique et cultures religieuses » (selon l’intitulé du Plan d’Etudes Romand) à la place de la traditionnelle « histoire biblique ». Ou comment vivre la tension entre la liberté de croire (ou de ne pas croire) et la nécessité d’apprendre et de connaître.


Ces dernières années, l'histoire biblique a beaucoup évolué. D’une part en incluant des enseignements sur d’autres religions et des propositions de réflexion éthique, d’autre part en abordant la tradition judéo-chrétienne avec la distance critique des sciences humaines tout en respectant les convictions de chacun.

Ce changement, concrétisé par un article de la nouvelle loi scolaire (LEO) approuvée par le peuple le 4 septembre dernier, avait été précédé par une motion déposée par des députés de tous bords politiques. Après un débat vif et courtois (ndlr: lire ci-dessous), une large majorité du Grand Conseil avait approuvé ce changement pour les raisons suivantes :

  • si l’école est neutre sur le plan confessionnel, il n’empêche que notre société est héritière d’une tradition judéo-chrétienne qu’il s’agit de connaître, afin de mieux comprendre les mentalités et toute la culture que l’école a mission de transmettre dans d’autres disciplines (littérature, histoire, arts visuels, musique...)

  • l’avènement d’une société multiculturelle requiert une meilleure connaissance des traditions et des croyances des uns et des autres

  • l’école publique est le lieu où se côtoient des élèves venant d’horizons différents : c’est un lieu tout désigné pour apprendre ensemble le respect des convictions. L’école peut être le creuset de la paix confessionnelle de demain

  • le fait religieux doit être abordé en dialogue avec les courants humanistes et laïques qui, dans notre société occidentale, ont marqué ces derniers siècles ; l’étude des athéismes doit faire partie intégrante d’un tel enseignement.

Les questions qui se posent

Ces arguments ne doivent pas occulter les questions qui se posent pour appliquer un tel programme.

Un gros effort devra être entrepris pour améliorer la formation des enseignants, tant dans la connaissance des contenus (l’analphabétisme religieux les menace aussi !) que dans la déontologie propre à cette discipline.

La première est celle de l’angle sous lequel une école publique va étudier le fait religieux. Elle doit trouver le subtil équilibre qui refuse le piège des deux extrêmes : la position confessante qui n’a pas sa place dans le cadre scolaire et une laïcité d’exclusion hyper-critique.

Tout en respectant les convictions, elle doit veiller à la distance qui permet de comprendre sans être forcé d’adhérer. Par exemple, l’école n’enseignera pas que « Christ est mort pour nos péchés », mais que « pour beaucoup de chrétiens, Jésus est mort pour les sauver du péché ».

Pour cela elle doit compter sur des moyens d’enseignement qui respectent les nuances entre connaissances avérées et confessions de foi. J’ai eu l’immense honneur et plaisir de travailler pour renouveler les programmes ENBIRO (Enseignement biblique et interreligieux romand).

Moyens d'enseignement exemplaires

Un virage important a été pris pour déconfessionnaliser cet enseignement et, à l’heure actuelle, ces moyens d’enseignement sont considérés en Europe comme exemplaires. Mais il faudra poursuivre l’évolution afin de les situer plus clairement dans le cadre d’une laïcité ouverte.

Un gros effort devra être entrepris pour améliorer la formation des enseignants, tant dans la connaissance des contenus (l’analphabétisme religieux les menace aussi !) que dans la déontologie propre à cette discipline.

Enfin il s’agira de redéfinir le rôle des Eglises traditionnelles qui ont relâché petit à petit leur empreinte sur l’école, mais qui, dans une meilleure compréhension des rôles de chacun, peuvent être des partenaires de l’école.

Tout un programme pour vivre la tension entre la liberté de croire (ou de ne pas croire) et la nécessité d’apprendre et de connaître.

* Bio express

Pasteur à la retraite, Claude Schwab est député (PS) au Grand Conseil vaudois depuis 2007. Fraîchement élu à la Municipalité de Saint-Légier, sur la Riviera, ce docteur en théologie a été membre de l'assemblée Constituante du canton de Vaud de 1999 à 2002.

Enseignant et formateur en histoire et sciences des religions dans les dix dernières années de sa carrière professionnelle, celui qui est aussi père de cinq enfants a été jusqu'en 2009 président de l'Association ENBIRO (enseignement biblique et interreligieux romand).

Cet amateur de culture et d'apiculture cite volontiers Gandhi: "La recherche de l'absolu m'a fait comprendre la beauté du compromis." Ou Gustave Roud: "Le monde ne peut être que le don de notre regard."
S. R.

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ProtestInfo a publié un article au moment du débat sur le sujet au Grand Conseil vaudois l'an dernier.