L’application iPhone « Juif ou pas juif » crée la polémique

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L’application iPhone « Juif ou pas juif » crée la polémique

Anne Buloz
24 septembre 2011
La société Apple a retiré de la vente en France l’application iPhone baptisée « Juif ou pas juif » en fin de semaine dernière. Cette disposition, qui offrait une liste de 3500 personnalités d’origine ou de confession juive, avait provoqué une vague d’indignation. En Suisse, elle est encore disponible en anglais pour 2 francs.


En vente en France depuis le 9 août au prix de 79 centimes d’euros, l’application proposait une liste de personnalités originaires d’une cinquantaine de pays, précisant si elles étaient juives (par leur mère), à moitié juives (par leur père) ou converties. Passée complètement inaperçue pendant plus d’un mois, période durant laquelle elle a été téléchargée à une dizaine de reprises par jour, cette application a été fortement décriée depuis que les réseaux sociaux l’ont mise sous le feu de l’actualité.

Le danger d’un fichier ethnique


La Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) fait partie des nombreuses associations à avoir fait part de leur indignation : « Nous avons été choqués par l’existence de ce fichier ethnique. Pour nous, c’est très clairement un danger. Des personnes mal intentionnées se sont déjà servies de ce genre de fichiers, l’Histoire l’a démontré. C’est la base de Vichy. Beaucoup d’applications ont été téléchargées, nous trouvons cela inquiétant », a dit un porte-parole de la Licra française à ProtestInfo.

C’est pourtant bien une personne de confession juive, Johann Levy, un Britannique résidant à Marseille, qui a lancé cette application, « dans le but d’apporter aux juifs un sentiment de fierté quand ils voient que tel homme d’affaires ou personne célèbre est également juive », a-t-il déclaré la semaine dernière dans la presse française. Aucune intention raciste n’est donc derrière ce listing. « La loi française est très claire là-dessus: la constitution d’un fichier à caractère racial est interdite. Le fait qu’il n’y ait pas d’intention raciste n’y change rien », précise-t-on au siège national de la Licra.

Bien que retirée de la vente en France, l’application iPhone reste accessible à celles et ceux qui l’avaient déjà achetée. « Notre optique aujourd’hui est de contraindre Apple en référé pour que les versions déjà téléchargées ne soient plus disponibles. Cet appel au civil est notre urgence. Nous ferons sûrement un dépôt de plainte en parallèle, contre la personne à l’origine de ce fichier et contre Apple. Nous avons été choqués de l’existence de cette application mais également du fait qu’elle ait pu passer le filtre d’Apple alors qu’elle est illicite », explique la Licra.

En tête des ventes en Belgique

« Juif ou pas juif » reste disponible dans d’autres régions du monde, notamment en Suisse, dans les pays anglo-saxons et en Belgique, où elle était même en tête des téléchargements la semaine dernière suite à sa forte médiatisation. Pourtant, cette application est également illégale en Suisse puisque la loi fédérale sur la protection des données interdit de constituer sans autorisation des fichiers contenant des données sensibles, dont la confession fait partie.

La Coordination intercommunautaire contre l'antisémitisme et la diffamation (CICAD) n’a de son côté pas porté plainte. « Cette application a été unanimement dénoncée et condamnée. Il faut qu’elle soit retirée et rendue inaccessible. Le fait qu’elle n’a pas été faite avec une volonté de nuire ou avec l’idée de créer une liste discriminatoire n’enlève rien à son caractère déplorable. Il n’y a aucune pertinence, on est en plein délire. Le plus important pour nous est cependant qu’Apple reconnaisse son erreur et s’en excuse, car ils sont responsables », souligne Johanne Gurfinkiel, secrétaire général de la CICAD.

Si la polémique a largement enflé en France, cela n’a pas été le cas ailleurs. « C’est une question très française. En Suisse, seuls les médias francophones en ont parlé. Si les Anglo-saxons ne voient pas forcément un problème avec cette application, nous pouvons nous enorgueillir d’avoir des réflexes tout à fait différents. C’est une chance. Aucun site internet ou blog ne véhicule de liste de personnes juives en Suisse, c’est par contre une réalité dans d’autres pays. C’est très difficile de les faire fermer, surtout qu’ils sont immédiatement reconstruits », regrette Johanne Gurfinkiel.

Cet article est publié dans :

Le quotidien genevois Le Courrier le samedi 24 septembre 2011.