Controverse autour des « symboles de l'Occident chrétien dans l'espace public »

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Controverse autour des « symboles de l'Occident chrétien dans l'espace public »

22 septembre 2011
Le manifeste lancé par le « Mouvement suisse du christianisme social » approche du cap des 200 signatures. Il s'oppose à une initiative parlementaire, lancée par la conseillère nationale PDC Ida Glanzmann-Hunkeler. Cette initiative veut toucher à la Constitution suisse pour assurer une place aux « symboles de l'Occident chrétien dans l'espace public »
.

L'initiative est probablement une réaction à la croix sciée en montagne l'an dernier et au débat sur les crucifix dans les écoles des cantons catholiques, a relevé Maurice Gardiol, un des initiateurs du jeune « Mouvement suisse du christianisme social ». L'initiative a été signée par une quarantaine de parlementaires PDC, UDC, PEV et libéraux-radicaux. (Légende photo : Maurice Gardiol)

Le texte de l'initiaitive met l'accent sur le fait que « les symboles de la civilisation chrétienne doivent pouvoir s'afficher dans l'espace public, comme sur le sommet des montagnes, dans les parcs, les rues et autres chemins, ou encore dans les bâtiments publics. ». On peut lire plus loin « Il s'agit (...) d'empêcher que des particuliers ou des groupes d'intérêt ne puissent prendre prétexte des droits fondamentaux tels que la liberté de conscience et de croyance pour remettre en cause notre culture suisse ».

De son côté, le « Mouvement suisse du christianisme social », né récemment dans la foulée du mouvement français*, constate que « le contexte social et économique actuel accroît le risque d'instrumentalisation du christianisme (...) à des fins idéologiques et politiques ». Les prochaines élections fédérales ne font qu'accroître ce phénomène. Questions à Maurice Gardiol, ancien diacre et ancien modérateur des pasteurs et des diacres de l'Eglise protestante de Genève, président du Conseil de l'aumônerie œcuménique des prisons et membre de l'Assemblée constituante à Genève (groupe socialiste-pluraliste).

- Les valeurs dites chrétiennes sont-elles prises en otage en cette année d'élections fédérales ?

- « Oui, on pourrait le craindre , en voyant ce genre d'initiatives. C'est un moyen pour certains groupes d'occuper le terrain avec ces problématiques. Ceci sans forcément réfléchir aux enjeux qu'ils soulèvent ».

- Pourquoi avez-vous lancé ce manifeste ?

- « Nous ne sommes pas opposés à la présence d'un certain nombre de symboles chrétiens dans l'espace public. Ce qui nous gênent, c'est d'inscrire cela dans la Constitution comme s'il y avait un danger imminent à voir ces symboles disparaître du paysage. Ce n'est pas le cas. Il nous semble plus judicieux de défendre un espace public laïque, je veux surtout parler des espaces publics sous la responsabilité de l'Etat comme les écoles, les administrations. Nous ne disons rien sur les autres lieux. Nous ne demandons pas non plus la disparition des signes religieux actuels. Nous ne voulons ni détruire les cathédrales , ni supprimer la croix sur le drapeau suisse. Nous sommes des chrétiens qui défendons une laïcité de dialogue, pas une laïcité d'exclusion. »

- Que demandez-vous concrètement ?

- « Nous demandons aux parlementaires de repousser cette initiative, qui risque de relancer des débats très émotionnels » (ndlr : l'initiative a été acceptée par la commission des institutions politiques du Conseil national, le texte devrait ensuite passer devant la commission ad hoc du Conseil des Etats en octobre avant les élections fédérales.)

« Nous appelons aussi à une réflexion sur les termes utilisés dans le texte de l'initiative comme ' Occident chrétien ', a poursuivi M. Gardiol. Ce terme est ambigu, car il sous-entend que le christianisme aurait une origine purement occidentale et qu'il n'y aurait pas non plus de diversité à l'intérieur du christianisme, même dans la reconnaissance de certains symboles. »

- Quelles sont les prochaines étapes ?

- "Nous atteignons le cap des 200 signatures, but que nous nous étions fixés. Les signatures ont été d'abord récoltées en Suisse romande, dans les milieux protestants, catholiques et aussi parmi des non-chrétiens. Ces derniers sont heureux de voir une telle initiative émaner des rangs chrétiens. Nous avons déjà fait suivre ce manifeste aux parlementaires des deux commissions concernées. Si l'initiative passe le cap des commissions, un débat aura lieu au National et au Conseil des Etats, nous devrons alors développer des actions pour sensibiliser tous les autres parlementaires.

- On voit des politiciens qui se disent chrétiens autant parmi les signataires de l'initiative que parmi ceux du manifeste. Etre chrétiens, être engagés politiquement, mais pas dans les mêmes partis (et l'on voit que le spectre est large), comment vivez-vous ces tensions ?

- « Nous les vivons avec le PEV, le PDC et d'autres aussi... C'est toute l'ambiguïté des partis qui disent défendre des valeurs religieuses sur le plan politique. Je suis évidemment favorable à un engagement des chrétiens en politique, mais je trouve problématique pour un parti d'avoir une spécificité ou une étiquette "chrétienne" alors que l'Evangile ne peut se dissoudre dans l'action politique et que, pour sa part, une action politique ne peut prétendre être conduite que par une référence à ce même Evangile !

Tania Buri