Par Anne Buloz

Après vingt-six ans de ministère, le Néerlandais (64 ans), rencontré lors de son passage au Salon du livre à Genève, s’étonne encore d’être devenu pasteur : « J’ai grandi dans une famille athée, mais Dieu a toujours fait partie de ma vie car mon entourage était chrétien. J’étais très impressionné, enfant, qu’autant de gens fassent comme si Dieu existait alors que mon père m’avait dit qu’il n’existait pas. J’ai ensuite eu l’occasion de parler très souvent avec des femmes de fermiers en leur apportant les factures de mon père vétérinaire. Elles étaient toutes très chrétiennes. Les voir croire avec autant de conviction m’a donné envie de suivre des études de théologie. »

Ce ne sont pas ses sermons qui l’ont fait connaître, mais le livre qu’il a écrit en 2007 et que Labor et Fides vient de publier en français, Croire en un Dieu qui n’existe pas. Manifeste d’un pasteur athée, vendu à plus de 40 000 exemplaires aux Pays-Bas. Un succès inattendu pour un ouvrage de théologie : « Je l’ai écrit pour lancer le débat. Dans les Eglises, les gens sont tous assis, regardant dans la même direction et écoutant la même personne. Je propose un modèle qui préfigurerait l’Eglise du futur. Il faut que ce soit une discussion, un échange d’expériences. »

Une enquête réalisée en 2006 par le service radiophonique interconfessionnel néerlandais témoigne de la crise que traverse actuellement l’Eglise : un pasteur sur six n’est pas ou n’est plus convaincu de l’existence de Dieu. « Rien n’a été fait suite à ce sondage, car c’est très embarrassant. Les pasteurs n’osent pas parler car ils ont peur d’être renvoyés. Je ne les blâme pas. Moi, j’ai eu la chance d’être soutenu par toute ma communauté lorsque les hautes sphères ont envisagé une action disciplinaire à mon encontre », poursuit Klaas Hendrikse.

Quant à la fréquentation des Eglises, elle continue de chuter : « Les gens ne peuvent plus croire de la même manière qu’il y a plusieurs siècles. L’Eglise donne des réponses moyenâgeuses à des questions de notre temps. Les gens ont changé mais pas l’Eglise. Même les pasteurs libéraux suggèrent toujours qu’il y a derrière, quelque part, quelqu’un appelé Dieu, alors les croyants se mettent à douter ! L’Eglise doit changer de message pour que les gens continuent à croire ».

S’il ne pense pas que Dieu, l’être supérieur tout-puissant qui a créé le ciel et la terre, existe, Klaas Hendrikse affirme pourtant croire en Dieu : « Très peu de gens ont connu une expérience où Dieu a changé leur vie. Seuls ceux là peuvent croire qu’il existe. Pour moi, Dieu est un mot pour une image, pour une expérience humaine que vous vivez. Lorsque quelqu’un est bon avec vous, vous pouvez dire que c’est Dieu. Chacun a donc un Dieu différent et ne peut parler que de son Dieu. C’est ma vérité. »

Les gens se pressent dans les paroisses de Zierikzee et de Middelbourg, au sud-ouest des Pays-Bas, pour assister à ses cultes : « Beaucoup viennent d’autres Eglises car ils ne croient plus en leurs idées. C’est leur dernier arrêt avant de quitter l’Eglise. Ils se reconnaissent dans mes questions et dans mes doutes. Ils ressentent également de la considération car je les prends au sérieux. De nombreuses personnes se sont aussi déplacées après avoir lu mon livre parce qu’elles n’arrivaient pas à imaginer comment cela se passait dans mon Eglise. Ca me fait plaisir parce que je préfère que mon Eglise soit pleine ! »

Dans ses prêches, le pasteur met en lien les textes des Evangiles avec la vie concrète de ses paroissiens : « Ce qui est écrit dans la Bible n’a pas existé, mais ce n’est pas un problème ! La Bible est un livre vivant. Ces histoires mythologiques sont des modèles qui renvoient à l’homme et à la vie réelle. Ce qui est intéressant c’est de voir comment et pourquoi Moïse ou Abraham ont réagi de cette manière. Je puise mes thèmes dans la Bible. Quelquefois, je suis excité comme un enfant quand je vais à l’Eglise pour partager ce que j’ai découvert. Les gens ressentent ce plaisir ».

Le pasteur n’est pas optimiste lorsqu’il s’agit d’aborder l’avenir des Eglises : « L’Eglise doit proposer une combinaison de nourritures spirituelle et matérielle. On peut la comparer à un café-restaurant, qui a un menu différent chaque jour. L’Eglise doit faire la même chose en changeant régulièrement, car les gens sont différents. Elle ne peut pas proposer toujours la même chose. Elle ne peut pas non plus dire aux gens dans le doute de ne pas douter. Ce n’est pas la bonne réponse et ça ne marche d’ailleurs pas. Il faut que l’Eglise soit ouverte pour aider les fidèles. » L’avenir dira si le vœu pieux de Klaas Hendrikse se réalise.