Margot Kässmann, quatorze mois après
Par Thomas Schiller (epd)
Février 2010: la protestante la plus connue d’Allemagne se présente devant la presse, le visage est blême. « Samedi dernier, j’ai commis une faute grave», admet-elle. La nouvelle de sa conduite en état d’ivresse, avec un taux de 1,54 pour mille, a déjà fait la une des journaux.
Margot Kässmann annonce sa démission: « Il s’agit de me respecter moi-même et d'être cohérente avec mon comportement. » Elle renonce à toutes ses fonctions dans l’Eglise avec effet immédiat. L’Eglise régionale du Hanovre se trouve subitement privée d’une évêque qui la conduisait depuis dix ans. Et l’Eglise évangélique d’Allemagne (EKD) perd la présidente de son Conseil après seulement 119 jours...
Aujourd’hui, plus d'une année après les faits, Margot Kässmann ne s’exprime pas volontiers sur sa démission. La théologienne espère qu’il arrivera un moment où on aura suffisamment parlé de cela. Il y a un an, le magazine Der Spiegel lui avait même consacré sa une. Depuis, la cohérence de son comportement a été élevée au rang de modèle aussi en matière politique. Et nombreux sont les commentaires qui se réfèrent à l’attitude exemplaire de la pasteure, qui a montré comment se comporter en cas de manquement personnel.
Au moment de sa démission, il faut rappeler que Margot Kässmann n'était en poste que depuis quatre mois à la tête de l’EKD. Elle avait succédé à Wolfgang Huber, professeur à Berlin, et l’élection d’une femme était considérée par beaucoup comme un nouveau départ. La fine théologienne de Hanovre, combative, était alors présente dans tous les médias. Et à la Saint-Sylvestre 2009, elle déclenchait un vif débat au sein de l'Eglise avec son « Rien n’est bon en Afghanistan ».
Du coup, sa démission a jeté le trouble dans l’EKD. A pied levé, son suppléant Nikolaus Schneider la remplace à la tête des protestants allemands en tant que président du Conseil par intérim. L’homme, âgé de 63 ans, admet alors qu’il n’a pas le même rayonnement que celle qui l’a précédé.
Mais depuis qu’il a été officiellement élu à la succession de Margot Kässmann par le Synode de l’EKD en novembre 2010, Nikolaus Schneider a abandonné sa retenue en public. Dans le débat sur le diagnostic préimplantatoire, il a amené l’EKD à repenser sa position à propos de l’examen génétique des embryons. Et sur l’Afghanistan, il reste critique, mais plus nuancé que sa devancière.
Un an après le départ de Margot Kässmann, deux points demeurent ouverts. La presse de boulevard cherche à savoir qui était son passager lors de sa course en état d’ivresse. Mais pour l’Eglise, il est plus intéressant de s’interroger sur le rôle qu'elle pourrait jouer à l’avenir. « Nous serions heureux qu’elle demeure une voix importante de notre Eglise », a déclaré le président Schneider devant le Synode de l’EKD. On attend toujours des précisions à ce sujet.
Margot Kässmann était déjà réapparue en public au « Kirchentag » œcuménique de Munich en mai 2010. Son automne, elle l'a passé dans une université aux Etats-Unis. Aujourd'hui, elle écrit des livres, donne des conférences et prononce des prédications. Partout où elle se présente, les églises et les salles sont bondées de partisans fidèles. Des milliers de personnes ont lu son bestseller In der Mitte des Lebens, les perspectives d’une femme qui a dépassé 50 ans. L'ouvrage doit paraître prochainement aux Etats-Unis.
En janvier, Margot Kässmann a accepté un engagement d’un an comme professeure invitée à Bochum; dans le cadre de ce mandat, elle traitera avant tout de questions d’éthique sociale. Malgré ses déboires, elle est financièrement à l'abri puisque, après avoir exercé la fonction d’évêque pendant plus de dix ans, elle a droit à son traitement jusqu’à la retraite. Et officiellement, elle reste pasteure de l’Eglise régionale du Hanovre. (FN)