Saint-Laurent-Eglise : Martin Luther King réveille le centre-ville

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Saint-Laurent-Eglise : Martin Luther King réveille le centre-ville

Samuel Ramuz
4 avril 2011
Depuis le week-end dernier, Martin Luther King s'affiche en grand sur la façade de Saint-Laurent. Pour le temple lausannois du XVIIIe siècle, ce premier week-end d'avril marquait un nouveau départ. Il devient un des trois lieux-phares de l'EERV en ville. Interview du pasteur Jean Chollet, un de ses instigateurs.




ProtestInfo: « Le conformisme n'est nulle part aussi grand que dans l'Eglise », disait Martin Luther King. L'Américain a inspiré la prédication du premier culte de Saint-Laurent-Eglise, dimanche 3 avril. N'avez-vous pas peur de choquer?

Jean Chollet: Avec mon collègue Daniel Fatzer, nous désirons proposer des prédications costaudes sur le fond et abordables sur la forme. Du coup, redonner vie à de vieux textes cadre parfaitement avec notre envie. Martin Luther King inaugure la série, Pierre Viret, en mai, ou Karl Barth ensuite, suivront dans la même veine. Des prédicateurs chevronnés des quatre coins du canton oseront aussi une parole.

P: On vous connaît comme homme de théâtre et directeur de l'Espace culturel des Terreaux. Le public verra-t-il la même chose à Saint-Laurent-Eglise (SLE)?

JC: On pourrait le croire, avec un concert gospel, un groupe klezmer et un spectacle humoristique au programme de ce week-end de fête inaugural (ndlr: toutes les infos sur le site). Mais le projet de SLE est plus vaste. En fait, nous avons opté pour deux axes: booster les cultes et mettre en valeur des figures du protestantisme.

P: Booster les cultes, c'est-à-dire?

JC: Nous voulons mettre un accent sur la musique. Et permettre aux gens avec des sensibilités
musicales différentes d'y trouver leur compte. Chaque mois verra donc se succéder un culte gospel, un autre estampillé musique classique et un troisième musique du monde (africaine, yiddish,...)

Et cela le plus souvent possible avec des groupes de musique et des choeurs de la région ou
d'ailleurs. Les cantates qui se donnent par exemple au temple Saint-Gervais à Genève pourront
être écoutées deux semaines plus tard à SLE. Quant à la dernière célébration du mois, elle sera
appelée « autrement », puisque tout y sera différent, du rapport entre l'officiant et l'assemblée au
style de la prédication en passant pas sa durée.

P: Vous misez donc sur une diversité de styles. N'y a-t-il pas là une risque d'éclatement?

JC: C'est un risque à prendre. Mais SLE est un projet pilote. Si ces offres différenciées existaient déjà dans les paroisses de l'Eglise réformée vaudoise à Lausanne, le jeu n'en vaudrait aujourd'hui pas la chandelle. Mais il sera toujours temps de corriger le tir dans les mois à venir.

Nous envisageons des cultes le vendredi soir à minuit qui seront spécialement destinés aux jeunes.
Un choeur de gospel sera également créé, sur le modèle des Gospel Kids (10-20 ans) à Strasbourg.


P: Au fait, quel public visez-vous?

JC: Celles et ceux qui s'ennuient au culte. Vous savez, cette frange de la population qui se situe quelque part entre les fidèles qui viennent de toute façon et ceux qui n'y mettront jamais les pieds. Mais nous ne sommes pas dupes: ce sont d'abord les initiés qui viendront en curieux. Nous espérons toutefois vivement que la diversification des moyens de communication et des modes d'expression fasse mouche. Auprès des jeunes aussi.

P: Auprès des jeunes, vraiment?

JC: Nous envisageons des cultes le vendredi soir à minuit qui leur seront spécialement destinés. Un choeur de gospel sera également créé, sur le modèle des Gospel Kids (10-20 ans) à Strasbourg. Dès l'automne, nous lancerons pour les plus âgés trois ou quatre cycles autour d'une figure du protestantisme européen du 20e siècle, comme Roger Schütz ou Albert Schweitzer. Chacun sera l'occasion d'un spectacle, d'une exposition, d'une conférence ou d'un film. Finalement, un comédien lira un texte biblique entrecoupé de musique. Et cela à raison d'une fois par mois.

P: D'autres pays, notamment au Nord, sont plus avancés dans leurs tâtonnements pour être Eglise en ville. Vous en êtes-vous inspirés?

JC: Oui, Daniel Fatzer rentre de Finlande où il a pu assister à une Thomasmesse. Ici, nous nous
sommes aussi tournés du côté de Christian City Church, une Eglise évangélique dynamique de la place. Et lors d'un synode à Paris, plusieurs pasteurs français - de Bordeaux, de Lyon, de Marseille - nous ont raconté leurs expériences pastorales au centre-ville. Ce qui a d'ailleurs débouché sur l'idée de fédérer tous ces professionnels du ministère citadin et d'échanger sur nos réussites ...et nos échecs.

« On n'y fera rien sans manger! »

Pas de service funèbre, pas de mariage, pas de baptême: Saint-Laurent-Eglise n'est pas une paroisse comme les autres. Précisément, SLE est un des trois lieux-phares de l'EERV à Lausanne, avec la Cathédrale, lancé en janvier, et Saint-François, qui démarrera sous peu.

Mais les responsables espérent-ils malgré tout l'émergence d'une communauté de fidèles? Dans un horizon de 6 mois à une année, le pasteur Chollet y croit. « On n'y fera rien sans manger », rigole-t-il. Un repas dominical fédérera donc les familles et les célibataires qui désirent prolonger le temps du culte, où un temps d'animation spécifique pour les enfants est envisagé.

Pour ne pas figer les fidèles dans un pur rôle de consommateurs, des camps sont également prévus à moyenne échéance. Côté finances, les collectes ne seront pas systématiques. « Nous soumettrons à la générosité des paroissiens des projets spécifiques », souligne le pasteur, engagé à 50%, tout comme son collègue Daniel Fatzer.

Les deux ministres disposent pour l'heure d'une somme de 10 000 francs pour faire décoller SLE. Mais un mécène anonyme s'est engagé à doubler le montant des dons reçus pendant ce week-end inaugural. S.R.

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Une version courte de cette interview a été publiée dans le quotidien vaudois 24 Heures le 4 avril. Lire l'article rédigé sur le culte par 24 heures.