Théologie à Genève: plus d'étudiants à distance qu'assis dans les amphis
En faculté de théologie à Genève, les étudiants qui suivent le cursus à distance sont plus nombreux que leurs collègues assis sur les bancs des amphithéâtres. Le niveau de ces universitaires virtuels s'avère dans certains cas meilleur que celui de leurs pairs sur le campus. Quant au taux d'abandon, il est identique.
De prime abord, ce n’est pas en théologie que l’on s’attendrait à trouver un programme permettant de suivre l'entier d'un cursus à distance. Et pourtant. Pionnière au moment de la conception et du lancement de cette fililière en 1998, la faculté genevoise fait encore aujourd’hui figure d’exception. Car la plupart des universités en Suisse et en Europe ne proposent qu’une partie de leurs cours à distance.
L'institut de la Cité de Calvin est même devenu une référence pour d’autres Universités, comme celle de Zurich, qui l’a contacté dernièrement pour se renseigner sur son mode d’enseignement. L’Institut protestant de théologie de Paris, avec qui il collabore, lui adresse également certains de ses étudiants.
Majorité de trentenairesEn fac de théologie à Genève, ils sont au total un peu plus de 70 à suivre le cursus à distance, âgés pour leur majorité de 30 à 40 ans. Entre 15 et 20 théologiens en herbe font ce choix chaque année.
Même si cela peut surprendre, l’intérêt pour les études par internet est particulièrement fort dans cette branche, comme l’explique l’un des concepteurs du programme, Jean-Daniel Macchi, vice-doyen et professeur ordinaire d'Ancien Testament et d'hébreu biblique: « La faculté a un fort public de deuxième formation, que nous avons toujours cherché à capter. »
Tous les enseignants de l'institut du bout du lac sont impliqués dans l'enseignement à distance. « Cela fait partie de leur mandat », souligne Andreas Dettwiler, doyen de la faculté. Ils ont donc dû s’adapter et retravailler leurs cours afin de répondre à ces nouvelles exigences.
Corrections gourmandesAvec son nombre restreint d’étudiants, la faculté de théologie se profile comme un terrain propice pour se lancer dans cette aventure. Une formation à distance nécessite, en effet, un suivi considérable, que ce soit en personnel ou en temps. Un tuteur consacre un nombre important d’heures aux corrections personnalisées, aux échanges et il entretient un dialogue constant avec ses étudiants. Il s’occupe, dans le meilleur des cas, d’une vingtaine de personnes.
Mais qui sont ces candidats à la formation à distance? La majorité exerçe une activité lucrative incompatible avec des études en présence. C’est le cas de la Valaisanne Céline Masson, qui a commencé le cursus en octobre 2007, parallèlement à son métier d’ostéopathe, qu’elle pratique à 50-60%.
« Cela se passe bien, ce n’est pas aussi difficile que je l’appréhendais! J’étudie environ dix heures par semaine et je pense finir d’ici deux ans. » Intéressée depuis toujours par la spiritualité et les religions, la jeune femme avoue s'être posé des questions par rapport à son travail. C'est alors qu'une amie lui parlé de cette formation et qu'elle s'est lancée.
Une moitié de SuissesLes étudiants, issus de tous les milieux professionnels, parmi lesquels beaucoup de Français et une moitié de Suisses, mettent entre quatre et six ans pour obtenir leur Bachelor, contre trois pour ceux qui s’y consacrent à plein temps. Un Brésilien et quelques autres personnes résidant en dehors de l’Europe sont également inscrits.
« Cela reste plutôt exceptionnel, regrette Bérénice Jaccaz, coordinatrice de la formation à distance. Le fait que l’enseignement soit dispensé en français limite les possibilités. Nous pensions que l’Afrique serait un public potentiel, mais ce n’est pas le cas, sans doute pour des raisons financières et parce que cela nécessite une infrastructure informatique performante. »
Côté matière, les étudiants ont des textes à lire et des travaux personnels à rendre régulièrement. « Le cours est donc déjà assimilé avant les examens », avance la coordinatrice. Ce mode d’enseignement, plus actif, rend les étudiants en formation à distance parfois meilleurs que ceux de leurs pairs en présence.
Taux d'abandon équivalentL'enseignement à distance n'aurait-il que des qualités? Assurémement pas. Ce type d'études se révèle en effet souvont plus long. Et certains étudiants peuvent avoir le sentiment de se sentir un peu seuls. Mais le taux d’abandon s'avère équivalent.
Au final, deux types d’étudiants se profilent: ceux qui s’inscrivent en raison d’un fort intérêt personnel mais n’envisagent nullement une reconversion professionnelle et ceux qui, comme Jean-Marc Flückiger, exercent ou souhaitent exercer une profession en milieu ecclésial: « Je suis officier à l’Armée du Salut, et par conséquent déjà pasteur. » L'homme bûche pour l'uni une douzaine d’heures par semaine, dans une idée d’approfondissement. En principe, il obtiendra son Bachelor dans un an, grâce aux équivalences reçues.
« C’est faisable, assure-t-il. Même en travaillant à 100%! Si on est bien organisé et motivé, c’est une très bonne formule, avec une grande souplesse et des cours de qualité. Je lui donnerais 9 sur une échelle de 10! » Avant peut-être de rejoindre la filière master?
La Faculté autonome de théologie protestante de l’Université de Genève utilise principalement la plate-forme d'enseignement Dokeos, qui permet aux étudiants d’accéder à leur programme de travail. Ils y trouvent notamment les cours, en document texte ou en enregistrement audiovisuel, les supports de cours, les textes et les articles à lire ainsi que les exercices à faire.
Grâce aux outils de communication synchrone, ils peuvent également interagir sur un forum de discussion et, grâce à leur webcam, faire partie d’une classe virtuelle. Les nouveaux logiciels permettent de combiner la visioconférence avec le partage de PowerPoint.
Sur la dizaine de modules proposés, les étudiants en choisissent chaque semestre entre un et quatre. Les cours sont scindés en sept leçons, programmées toutes les deux semaines, avec un travail à rendre de fois en fois.
La faculté travaille étroitement avec le Service des nouvelles technologies de l’information, de la communication et de l’enseignement (NTICE) de l'Université de Genève. Celui-ci prospecte en permanence afin de trouver les outils les mieux adaptés à l’e-learning. « Beaucoup de changements ont déjà été apportés au programme », souligne Bérénice Jaccaz.Cet article a été publié dans :
Le quotidien genevois Le Courrier et a inspiré La Tribune de Genève.