Les réformés romands en mission... en Suisse
17 mars 2010
Une ONG veut inciter les réformés romands à témoigner de la foi qui les anime. A l'heure où l'on scie les croix sur le sommet des montagnes, cette démarche est diversement reçue par les milieux réformés. En effet, ces derniers sont davantage réputés pour leur discrétion que pour l'affirmation tonitruante de leurs croyances.
Par Jean-Christophe Emery
L’ONG protestante « DM Echange et mission » réorganise ses priorités. Elle entend se profiler comme un partenaire des Eglises réformées romandes en matière d’évangélisation* en Suisse. Coup sur coup elle publie un recueil destiné à rappeler aux réformés leur rôle en matière de témoignage et, dans la foulée, elle crée un poste destiné à faire mieux connaître ses activités auprès des jeunes.
Stimuler le témoignage Convaincre en Suisse et plus seulement à l'étranger, telle est la nouvelle mission que s'est assignée cette ONG. Selon Bertrand Quartier, responsable de la communication, ce changement de cap relève d’une mise en valeur du mandat assigné à l’organisme en 1963, lors de sa création. Longtemps délaissée, la directive apparaît aujourd’hui de la plus haute importance. La fragilisation des Eglises est passée par là.
Bertrand Quartier se défend pourtant d’associer cette initiative à une fuite en avant. « Nous ne sommes pas aux abois, ni sur le plan financier, ni sur celui du recrutement de volontaires pour la mission au loin ». Accompagnés d’un consultant, les responsables de l’ancien Département Missionnaire des Eglises, entendent bien inciter les protestants à une plus grande vigueur dans le témoignage de leur foi. Pour ce faire, ils ont entamé une tournée de visites aux exécutifs des Eglises réformées en Suisse romande.
S’il récuse l’idée de s’aligner sur le dynamisme des mouvements évangéliques, Bertrand Quartier ne cache pas sa volonté d’établir avec ces groupes un dialogue plus intense.
Réactions: entre enthousiasme et réticence A l’idée de doper leur témoignage, les réformés vaudois sont indéniablement les plus enthousiastes. Le pasteur Jean-Michel Sordet, membre de l’exécutif de l’Eglise Evangélique Réformée du canton de Vaud (EERV), rappelle que le thème de la présence de l’Eglise dans la société a été longuement débattu en 2008. Une stratégie d’évangélisation a été alors réclamée à l’exécutif. Aucune initiative n’est à l’ordre du jour pour le moment car, selon lui, la capacité de communiquer la foi relève davantage d’une attitude que de projets précis. Il n’empêche : le programme de législature, soumis fin avril au synode, fait la part belle à l’évangélisation. Une formation à la proclamation de la foi est même envisagée.
Pour sa part, Charlotte Kuffer, présidente de l’Eglise Protestante de Genève (EPG), se réjouit également de ce qu’elle considère être une convergence des réflexions. Elle n’hésite pas à affirmer que l’Eglise n’a pas à s’occuper d’abord d’elle-même. Mais à l’évocation de projets concrets, son discours entre dans la nuance. Elle souligne les présences nouvelles de l’Eglise, comme l’ouverture continue du Temple des Pâquis qui reçoit chaque jour près de 200 visiteurs ; mais elle s’empresse d’ajouter qu’il n’est pas question de faire des appels à la conversion.
Le cliché d’un organe entièrement dédié à la mission outre-mer est encore tenace. Quant à Hans Beck, membre de l’exécutif de l’Eglise neuchâteloise (EREN), il ne cache pas une certaine surprise à la réception du document publié par DM Echange et mission. Le cliché d’un organe entièrement dédié à la mission outre-mer est encore tenace. Mais il s’empresse de relever que la démarche ne l’étonne guère, les trois ONG chouchous des protestants (PPP, l’EPER et DM Echange et Mission) sont dans une forme de concurrence financière.
Leur survie passe par une spécialisation de leur offre. Hans Beck analyse ainsi qu’une partie des protestants sont prêts à une plus grande générosité avec une institution qui prône le témoignage chrétien. Quant à évoquer le témoignage de son Eglise, le conseiller synodal déplore avant tout le manque d’information sur l’offre déjà existante, tout en signalant qu’aucune stratégie globale n’est actuellement mise en œuvre.
Vous avez dit évangélisation?*
Piégé par la charge de prosélytisme qu’on lui associe généralement, le mot « évangélisation » est principalement utilisé dans les milieux évangéliques. Les cercles catholiques ne sont pas en reste. En la matière, l’encyclique « Redemptoris missio », publiée par Jean Paul II en 1990, lui a insufflé une nouvelle jeunesse. Benoît XVI le confirmait en 2007 par une longue note doctrinale.
Longtemps associé à une proclamation unilatérale de vérités, de dogmes ou de proposition d’adhésion, l’évangélisation refait surface, à pas feutrés, encore chargé de certains allergènes, dans le jargon réformé. Mais comme pour se démarquer d’un passé trop lourd, les héritiers de la réforme s’empressent de lui ajouter de multiples correctifs.
Ainsi l’activité de proclamation de la foi s’est tantôt muée en un engagement social discret sur ses motivations, tantôt restreinte aux cercles paroissiaux bien identifiés. L’un comme l’autre révèlent aujourd’hui leurs limites.
Liens:
Site de DM Echange et Mission : www.dmr.ch
Le document « Témoins aujourd’hui »
Note doctrinale catholique sur l’évangélisation