Ruth Epting: une des premières femmes pasteures de Suisse revient sur ses engagements pour les femmes et contre le nazisme
« Nous sommes aujourd'hui au-delà du féminisme », a expliqué Ruth Epting. Le féminisme a été nécessaire pour permettre aux femmes de s'émanciper et de s'affirmer. Il s'agit pour le mouvement des femmes aujourd'hui de continuer à « participer à la construction du monde ».
« Nous, les théologiennes, nous nous sommes posées des questions sur le droit des femmes avant les féministes. En 1972, un an après que les Suissesses ont obtenu le droit de vote, elle publiait un livre dans lequel elle constatait que les mêmes questionnements se développaient au sein de l'Etat, dans l'économie, et dans les églises chrétiennes. Dans celles-ci, la question de la place des femmes dans les institutions ecclésiales se posait avec en toile de fond l'interprétation de la bible.
La moitié du ciel
Une consultation menée auprès de la YWCA (Young women's christian association) en 1971 au Ghana avait montré que ces questions touchaient les femmes dans plus de 70 Etats à travers le monde. « Ces femmes veulent assumer une co-responsabilité dans l'Eglise, la famille et l'Etat. Une liberté que l'Eglise n'a toutefois pas voulu leur accorder pendant des siècles, parce qu'elle se référait à un vieux modèle sociologique », concluait-elle dans son livre.
Les confrontations ont débuté dans les Eglises réformées, quand les femmes ont revendiqué le droit à la consécration. Cette question a amorcé dans la foulée une profonde réflexion sur la fonction de pasteur et la place des laïques. Pendant longtemps, les femmes n'ont pu oeuvrer au sein de l'Eglise qu'à titre de laïque. Cela a aussi été le cas pour Ruth Epting.
Obligation de rester célibataire
En 1955, sept ans après avoir terminé ses études, Mme Epting est entrée dans une paroisse de la ville de Bâle. Elle portait le titre de « Pfarrerhelferin » (aide-pasteur). Elle travaillait de façon autonome, mais ne disposait pas des mêmes droits que ses collègues masculins. Les femmes ne pouvaient ni être élues dans les équipes dirigeantes des Eglises, ni célébrer la sainte cène. Elles devaient de plus rester célibataires.
Après un changement intervenu dans la législation, Ruth Epting a été en 1960 une des trois premières femmes à être nommée pasteure dans une Eglise nationale de Suisse. Elle bénéficia dès ce moment-là des mêmes droits que ses collègues hommes.
Le Forum oecuménique des femmes chrétiennes d'Europe a été lancé dans la foulée. Cela a valu à Mme Epting plusieurs récompenses comme celle décernée par la Faculté de théologie de Bâle en 1987. Le Forum oecuménique l'a également nommée présidente d'honneur.
Apprentissage de la résistance
Ruth Epting savait que le changement allait survenir pour les femmes depuis son premier séjour à Berlin où elle a étudié la théologie dans les années 30. De plus, c'est dans l'Allemagne de ces années-là qu'elle a expérimenté ce que signifiait la résistance, celle au nazisme.
Comme élève de Helmut Gollwitzer, elle a appris le combat des églises reconnues contre le national-socialisme. Après ses études, elle a travaillé pendant six ans en Allemagne.
De retour en Suisse, où elle a étudié avec Karl Barth à Bâle, elle ne pouvait guère partager ses expériences avec les autres étudiants: «ils ne voyaient pas le combat mené par les théologiens allemands ». Quand le travail de critique a débuté en 1997 sur le rôle de la Suisse pendant la deuxième guerre mondiale, les réflexions de Ruth Epting sur cette époque ont commencé à rencontrer un certain écho.
Mais la théologienne ne s'est pas seulement engagée en Europe. Elle est aussi partie en mission au Cameroun et en Indonésie. Dans toutes ses activités, elle a toujours oeuvré pour que des liens se nouent entre pays, entre confessions, entre femmes.
NOTECet article a été publié dans l'édition du 10 juillet de la « reformierte presse ». Ecrit par Corina Fistarol, il a été traduit par Tania Buri. Le texte a été fortement raccourci et légèrement remodelé.