Femme d’ouverture, elle souhaite développer la collaboration scientifique et l’échange des points de vue entre théologiens, historiens des religions et archéologues et encourager une lecture critique des textes bibliques, en en s’appuyant notamment sur la diversité des écrits des premiers chrétiens. A 37 ans, Claire Clivaz a un parcours impressionnant à son actif : mère de trois enfants de 15, 12 et 9 ans, titulaire d’un doctorat en théologie, elle a bénéficié d’une bourse du Fonds national suisse, ce qui lui a permis de passer un an avec sa famille à l’Université d’Harvard aux Etats-Unis, pour suivre l’enseignement d’un autre Vaudois, François Bovon, professeur de Nouveau Testament à la « Divinity School » de l'université américaine.

Elle a été pasteure à Lutry, puis assistante à la Faculté de théologie et de sciences des religions. Elle est l’auteure de plusieurs publications en anglais. Sa thèse en cours de publication, L'ange et la sueur de sang, porte sur un passage de l’Evangile de Luc concernant la prière de Jésus au Mont des Oliviers, qu’elle a choisi de lire et de comprendre d’une manière nouvelle et originale, qui fera peut-être école. La théologienne lausannoise y démontre le côté humain de Jésus à l'approche de sa mort. Elle prend délibérément le contrepied des chercheurs qui, au cours des siècles, ont été tentés de rejeter comme inauthentiques certains versets de la passion selon l’Evangile de Luc. Elle soutient au contraire qu’ils pourraient être l’expression de la lutte de Jésus face à son destin, de son combat jusqu’au bout avec Dieu, un peu comme l’affrontement entre Jacob et l’ange dans l’Ancien Testament. Elle y voit l’expression de l’incarnation du Nazaréen.

Claire Clivaz accorde une attention particulière aux écrits anciens du christianisme, qui ont toujours été lus à côté des Evangiles, quand bien même il n’avaient pas été retenus par l’Eglise dans le canon, « parce qu’ils étaient utiles à l’âme », disaient les Pères de l'Eglise. Parmi ces textes reconnus dans la tradition chrétienne, la théologienne cite le Protévangile de Jacques, texte fondamental dans l’Eglise catholique, qui raconte la vie de Marie et y évoque sa virginité « perpétuelle ». Son auteur, sans doute un chrétien d'origine juive, rédigea son texte dans un but apologétique pour régler la question délicate de l'incarnation de Jésus. « Les sables égyptiens ont permis de conserver des textes précieux, qu’on découvre actuellement et qui permettent d’éclairer les écrits canoniques».

Claire Clivaz s’arrête volontiers aux textes mineurs, comme ces lettres échangées par les premiers chrétiens, qui donnent des informations « par la petite porte » sur les premières communautés chrétiennes, qui vont prendre de plus en plus d’importance. « Il faut faire attention à tout quand on étudie le christianisme, estime-t-elle, le champ à couvrir est si étendu. Une collaboration interdisciplinaire ne peut qu’être enrichissante ». Avec Claire Clivaz, la présence de la théologie est réaffirmée à l’Université de Lausanne dans une perspective d’ouverture, de dialogue avec les autres religions, - notamment le judaïsme et l'islam. Elle fourmille de projets pour intéresser ses étudiants, et qui sait, pour susciter des vocations pastorales, - en 2020, l’Eglise réformée vaudoise aura besoin de 110 pasteurs -, mais aussi pour proposer à un large public une formation continue qui permette de revisiter les acquis religieux et de comprendre mieux la culture qui a façonné les gens d’ici. « Pas besoin de vouloir être pasteur pour étudier la théologie aujourd’hui, il est tout à fait possible d’étudier le christianisme de l’extérieur».