Un anthropologue et deux théologiens s'interrogent : Dieu est-il une invention ?
26 juin 2007
Dieu est-il une invention des hommes, une création de leur angoisse, de leur culpabilité, de leur soif d’immortalité ou encore de leur désir d’amour ? L’anthropologue René Girard et les théologiens protestants français André Gounelle et Alain Houziaux proposent une réflexion croisée stimulante aussi bien pour les croyants que pour les athées
Ou bien Dieu est une invention des hommes, et dans ce cas, il n’existe pas. Ou bien il existe et dans ce cas, il n’est pas une invention. Pour Alain Houziaux, l’alternative est trop simpliste. Si Dieu est Dieu, il échappe à la logique de notre esprit : « Dieu, tel que nous le pensons ne peut-être qu’une invention de notre pensée. Mais aussi surprenant que cela paraisse, ce que l’on s’invente peut avoir une existence et produire des effets tout à fait réels ». Le pasteur français s’appuie sur le raisonnement du théologien Karl Barth : « Prétendre connaître Dieu et plus encore prétendre le prouver, c’est prouver un Dieu à l’image de l’intelligence de l’humain. C’est en faire ce que la Bible appelle une « idole », c’est-à-dire un Dieu à l’image de l’homme et de sa manière de penser ».
Alain Houziaux récapitule ensuite les images que les croyants se font de Dieu : le Dieu créateur, le Dieu sauveur et le Dieu de la conscience morale. La figure divine a été conçue, rappelle-t-il, comme une forme d’explication de l’inexplicable, comme une réponse à un appel et à un sentiment d’impuissance et de précarité.
En une trentaine de siècles, nous sommes passés d’une religion allant plus ou moins de soi à des croyances infiniment plus sophistiquées et déconcertantes. L’idée que l’homme se fait de Dieu devient de plus en plus incroyable. Il est urgent, estime le théologien, « d’accepter humblement que Dieu soit une idée et un article de foi, sans que nous ne puissions rien dire de son existence en soi ». Et le théologien de suggérer que le mot « Dieu » soit compris comme un qualificatif de la notion de grâce. Cette grâce qui est donnée gratuitement, et non pas comme une réponse à des besoins. « La grande découverte de l’homme de la modernité, c’est la non nécessité de Dieu ». Le monde et la vie existent sans qu’on sache pourquoi et sans qu’ils aient une quelconque justification. Pour Alain Houziaux, le choix de Dieu est une décision qui relève de la volonté de résister à la fatalité du mal, de l’absurde et de l’injustice.
Pour l’anthropologue René Girard, si l’humanité se perpétue, c’est grâce à un procédé qui a pu empêcher les hommes de se venger et de s’entretuer sans fin et qui a supprimé le besoin de sacrifier un bouc émissaire. Pour lui, la force et le mérite des textes évangéliques sont d’avoir su dénoncer le lynchage d’une victime expiatoire, de l’avoir proclamée innocente et de l’avoir divinisée. « Les Evangiles dénoncent dans la crucifixion ce qu’elle est réellement, une injustice odieuse que les hommes désormais doivent éviter ». Pour lui, la crise du monde moderne vient de ce qu’il refuse de comprendre ce message et de le suivre. Si nous nous obstinons à ne pas entendre le message de paix des Ecritures et à nous y conformer, nous serons, avertit-il, de plus en plus menacés par notre propre violence.
Pour le théologien André Gounelle, Dieu s’impose à lui, à travers ses doutes, ses interrogations et ses révoltes. « En ce sens, Dieu est bien une invention de la foi, non pas parce qu’elle le fabrique et le fait surgir du néant comme une illusion, mais parce que sans cesse elle l’explore, le découvre, le fait entrer dans son discours et trouve toujours en lui du nouveau et de l’inconnu ». Si Dieu nous échappe, si sa vérité est hors de notre portée, il risque d’être absent pour nous, ou inexistant. « Pour qu’il nous atteigne ou puisse nous toucher, il faut bien l’inventer, autrement dit, le faire venir à nous, parmi nous » !
« Dieu, une invention ? » René Girard, André Gounelle, Alain Houziaux, 119 pages, Les Editions de l’ Atelier 2007.
Alain Houziaux récapitule ensuite les images que les croyants se font de Dieu : le Dieu créateur, le Dieu sauveur et le Dieu de la conscience morale. La figure divine a été conçue, rappelle-t-il, comme une forme d’explication de l’inexplicable, comme une réponse à un appel et à un sentiment d’impuissance et de précarité.
En une trentaine de siècles, nous sommes passés d’une religion allant plus ou moins de soi à des croyances infiniment plus sophistiquées et déconcertantes. L’idée que l’homme se fait de Dieu devient de plus en plus incroyable. Il est urgent, estime le théologien, « d’accepter humblement que Dieu soit une idée et un article de foi, sans que nous ne puissions rien dire de son existence en soi ». Et le théologien de suggérer que le mot « Dieu » soit compris comme un qualificatif de la notion de grâce. Cette grâce qui est donnée gratuitement, et non pas comme une réponse à des besoins. « La grande découverte de l’homme de la modernité, c’est la non nécessité de Dieu ». Le monde et la vie existent sans qu’on sache pourquoi et sans qu’ils aient une quelconque justification. Pour Alain Houziaux, le choix de Dieu est une décision qui relève de la volonté de résister à la fatalité du mal, de l’absurde et de l’injustice.
Pour l’anthropologue René Girard, si l’humanité se perpétue, c’est grâce à un procédé qui a pu empêcher les hommes de se venger et de s’entretuer sans fin et qui a supprimé le besoin de sacrifier un bouc émissaire. Pour lui, la force et le mérite des textes évangéliques sont d’avoir su dénoncer le lynchage d’une victime expiatoire, de l’avoir proclamée innocente et de l’avoir divinisée. « Les Evangiles dénoncent dans la crucifixion ce qu’elle est réellement, une injustice odieuse que les hommes désormais doivent éviter ». Pour lui, la crise du monde moderne vient de ce qu’il refuse de comprendre ce message et de le suivre. Si nous nous obstinons à ne pas entendre le message de paix des Ecritures et à nous y conformer, nous serons, avertit-il, de plus en plus menacés par notre propre violence.
Pour le théologien André Gounelle, Dieu s’impose à lui, à travers ses doutes, ses interrogations et ses révoltes. « En ce sens, Dieu est bien une invention de la foi, non pas parce qu’elle le fabrique et le fait surgir du néant comme une illusion, mais parce que sans cesse elle l’explore, le découvre, le fait entrer dans son discours et trouve toujours en lui du nouveau et de l’inconnu ». Si Dieu nous échappe, si sa vérité est hors de notre portée, il risque d’être absent pour nous, ou inexistant. « Pour qu’il nous atteigne ou puisse nous toucher, il faut bien l’inventer, autrement dit, le faire venir à nous, parmi nous » !
« Dieu, une invention ? » René Girard, André Gounelle, Alain Houziaux, 119 pages, Les Editions de l’ Atelier 2007.