« L’Eglise pourrait mieux accompagner les mariages mixtes »

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« L’Eglise pourrait mieux accompagner les mariages mixtes »

13 février 2006
En Suisse, près du tiers des mariages célébrés dans une église protestante concerne des couples dont un des conjoints est d’une religion différente
Or le « traitement conjoint des mariages n’a pas fait de progrès prenant en compte cette évolution sociologique », déplore le professeur Claude Bovay.

Dans un couple, l’appartenance religieuse a de moins en moins d’influence en tant que critère de sélection du partenaire. Selon la statistique des actes paroissiaux de la Fédération des Eglises Protestantes de Suisse (FEPS), de 1999 à 2003, près du tiers des mariages célébrés dans une église protestante concernait des couples dont un des conjoints est d’une confession différente. En 2003, par exemple, on comptait quelque 2079 mariages mixtes sur près de 5807 unions. Dans l’église catholique, la proportion de couples mixtes est moindre, même si la situation du diocèse de Sion est particulière : dans un environnement à majorité catholique, les mariages dont un conjoint n’est pas de cette confession représentent moins du 10% du total des unions célébrées par cette Eglise. En 2004, on comptait 61 mariages mixtes pour 632 unions.

Cette évolution ne date pas d’hier. Une étude réalisée en 2004 par l’Ecole d’études sociales et pédagogiques (EESP) de Lausanne relève que « c’est la mixité confessionnelle (entre protestants et catholiques) qui a le plus augmenté puisqu’elle concernait 17% des ménages en 2000 contre 13,3% en 1970 ». Or les Eglises semblent assister relativement passivement à cette évolution sociologique. « Les institutions devraient interpréter le changement, et notamment le fait qu’en situation de mixité, un couple sur cinq ne transmet aucune appartenance religieuse à ses enfants », une proportion qui a plus que doublé en 30 ans, estime le professeur de l’EESP Claude Bovay, qui a travaillé sur cette thématique. Or « le traitement conjoint des mariages n’a pas fait l’objet de progrès prenant en compte cette évolution sociologique ».

« J’ai également l’impression que les Eglises n’imaginent pas grand-chose de neuf. Oecuméniquement, nous aimerions être l’aiguillon pour davantage de catéchèse commune », déclare l’aumônier protestant Jean-Baptiste Lipp, de l’Association des foyers interconfessionnels de Suisse. Il aimerait « encourager ces familles à prendre des chemins œcuméniques, comme de se rendre en famille à la messe et au culte, ou encore, quelle que soit la religion de baptême choisie pour les enfants, leur permettre de suivre un double catéchisme ». Des progrès ont été réalisés, puisque les parents sont désormais libres d’élever les enfants dans la confession de leur choix. « La Conférence épiscopale suisse met le couple devant ses responsabilités et demande au couple de se déterminer pour l’une ou l’autre foi, une question qu’il vaut mieux aborder dès le mariage ». Mais la mixité peut aussi favoriser une certaine indifférence à l’égard de la religion.

Les cours de préparation au mariage, où des laïcs vivant la mixité au sein de leur couple viennent partager leurs expériences, « pourraient être réinvestis en y accordant davantage de forces. Ces groupes n’existent pas partout ; en outre, ils demandent une forte implication et les gens s’épuisent », constate Jean-Baptiste Lipp. « J’ai l’impression que, s’agissant de la célébration, on en fait assez. Le problème est le suivi et l’accompagnement de ces couples », estime l’aumônier catholique Gérald Voide, prêtre à Crans-Montana. L’Eglise catholique demande à ses fidèles de ne pas communier dans une église protestante, pour ne pas donner l’impression que cet acte équivaut à recevoir la présence réelle du Christ. « Or ces familles souffrent de devoir désobéir pour vivre leurs liens familiaux. Ce qu’il faudrait est une vraie catéchèse œcuménique, qui ne nivelle pas les différences. En un certain sens, les foyers mixtes sont une chance, car ils peuvent être les aiguillons de l’unité des Eglises ».