L’appartenance religieuse se diversifie

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L’appartenance religieuse se diversifie

22 décembre 2004
RELIGION L’analyse des chiffres du dernier recensement le confirme : le pluralisme religieux s’accentue au dépens des deux confessions officielles
Et un habitant sur dix se déclare désormais athée. Le paysage religieux helvétique évolue, lentement mais sûrement. L’Office fédéral de la statistique (OFS) présentait, hier à Berne, l’une des analyses consécutives au dernier recensement de la population, en l’an 2000. Des éléments chiffrés qui rejoignent plusieurs constats récents, notamment ceux issus de la récente recherche du professeur Roland Campiche (24 heures du 4 décembre).

Pour le sociologue des religions Claude Bovay, auteur de cette nouvelle publication, le premier constat tient donc lieu de confirmation : les deux grandes institutions officielles de notre pays, l’Eglise catholique romaine et l’Eglise réformée, ne cessent de perdre du terrain. Certes, la Suisse demeure en grande majorité une terre chrétienne : soit un peu plus de 3 millions 47'000 catholiques (41,82%) et de 2 millions 408'000 protestants (33,04%). « Le poids cumulé des deux confessions traditionnelles reste supérieur à 70% du total de la population dans la plupart des cantons », détaille Claude Bovay.Essoufflement institutionnelPourtant, même de façon relativement lente, la pluralisation religieuse s’accentue au rythme des évolutions sociales : les catholiques étaient ainsi près de 3 millions 97'000 en 1970, les réformés, 2 millions 910'461. Le pourcentage de personnes se déclarant d’un autre groupe religieux ou sans religion ne représentait qu’un peu plus de 2% de la population il y a trente ans. Désormais, il avoisine les 10%. Le phénomène semble particulièrement accentué dans les grandes villes. « On y observe le cumul de plusieurs changements : la diminution de la proportion des protestants, l’augmentation des ‘sans indication’, des autres religions et surtout des ‘sans appartenance’. Plus la taille de la commune est importante, plus la pluralisation s’est développée aux cours de ces trente ans », explique Claude Bovay. Ainsi, à Bâle, protestants et catholiques regroupaient plus de 90% des habitants, contre moins de 50% aujourd’hui. A Lausanne, on se trouvait à plus de 95% en 1970, en dessous de 65% aujourd’hui (27,21 % de réformés et 37,81% de catholiques)

En réalité, la perte d’influence des deux Eglises officielles est plus nette encore. Car parmi ceux qui se sont déclarés comme protestants ou catholiques, « l’on sait qu’à peine un cinquième se rend au moins une fois par mois à un culte ou à une messe ». Alors que par ailleurs, « plus de 85% de la population résidente en Suisse affirme prier tous les jours ». Bref, dans un contexte d’individualisation et de panachage du spirituel, où chacun se fabrique un ensemble de croyances hétérogènes, « les Eglises sont appelées à devenir des prestataires de services » auxquelles ont fait appel pour les moments importants de la vie, du baptême à l’enterrement. Mobilité interne au protestantismeDans le détail, la diminution des forces est plus importante chez les protestants, qui ne bénéficient par d’un apport migratoire, au contraire des catholiques. L’expression « Genève, cité de Calvin » appartient ainsi définitivement à l’histoire : les réformés n’y représentent plus en effet qu’un petit 13,54% d’habitants, soit une bonne moitié de moins qu’il y a trente ans. De manière générale, l’influence des flux migratoires est d’ailleurs non négligeable. Notamment pour la communauté musulmane, composée à 88,3% d’étrangers : extrêmement jeune (près de 40% des membres y ont moins de 20 ans, contre un peu plus de 21% chez les réformés et de 22% chez les catholiques), elle s’agrandit régulièrement (4,7% de la population en Suisse alémanique, 3,6% en Romandie dont 6% à Lausanne) et change de visage : majoritairement turque en 1970, elle est désormais surtout issue des pays d’ex Yougoslavie (56,4%). Pour l’anecdote, on notera que la petite communauté hindouiste est celle qui regroupe le taux d’étrangers le plus important (92,5%), dont une grande majorité de Sri Lankais. Et que par le jeu des naturalisations, la communauté bouddhiste est au contraire maintenant majoritairement composée de ressortissants suisses (52,2%). Mais à elles deux, ces communautés ne représentent qu’un petit 0,78% des Suisses.

Autre groupe en pleine expansion, mais qui doit peu à la variante étrangère, les évangéliques. Même pris dans son ensemble, ce groupe plutôt hétérogène représente un pourcentage faible, mais il est tout de même passé de 0,42% à 1,45%, soit 104’553 âmes contre seulement 26’084 il y a trente ans. Dernière catégorie en croissance, les « sans appartenance » regroupant celles et ceux ne faisant partie d’aucun groupe religieux : ils étaient 71'579 en 1970, ils représentent désormais 809'838 personnes.