Le théologien Eric Fuchs à Morges:L’argent, source de violence ou signe de liberté ?

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Le théologien Eric Fuchs à Morges:L’argent, source de violence ou signe de liberté ?

7 octobre 2004
Notre rapport aux biens matériels conditionne en grande partie notre manière d’être au monde et face aux autres

Pour l’éthicien genevois Eric Fuchs, la Bible nous apporte plusieurs modèles relationnels propres à nous interroger sur ce thème fondamental. Qu’est-ce que je fais de mon argent ? Et qu'est-ce que l'argent fait de moi ? Mardi dernier à Morges, l’éthicien genevois Eric Fuchs était invité à parler de notre rapport à ce métal qui conditionne en grande partie notre vie comme celle de toute collectivité humaine dans la société actuelle. Au point que tout le monde s’interroge un jour sur l'emploi qu’il fait de son argent. Pour le pasteur réformé qu’est Eric Fuchs, ce questionnement passe par la Bible. Et deux modèles de relation s’y côtoient, assez contradictoires.

Celui du 4e chapitre des Actes des Apôtres, d’abord, avec l’image idéale d’une communauté de premiers chrétiens mettant tout en commun. « La référence à cet archétype de partage et de pauvreté, à la redistribution des biens, a joué un rôle important dans l’histoire du christianisme », rappelle Eric Fuchs, puisqu’il se trouve à l’origine de la création des premiers ordres monastiques aux IVe et Ve siècles de notre ère. On l’aura compris : cette voie ne concerne qu’une extrême minorité, elle ne peut éclairer notre vie quotidienne.

Une seconde piste est donnée par la seconde Epître aux Corinthiens, celle de la solidarité. Devant les difficultés de l’Eglise de Jérusalem, Paul appelle ses fidèles à aider la communauté dans le besoin. « Par opposition au premier modèle, celui de Paul est une construction patiente d’un groupe, où l’argent n’est pas entièrement à l'usage exclusif des individus. Il ne s’agit plus pour chacun de devenir pauvre en partageant tout, mais de se séparer du superflu ».

L'argent solidaire

L’éthicien genevois préfère encore la parabole de l’intendant intelligent (Luc, chapitre 16, 1-13). Alors que son maître a découvert qu’il se payait en augmentant le montant des dettes des petits paysans, un intendant décide de ctransformer son image auprès d'eux en changeant de pratique. « Lors d’une première lecture, on peut trouver ce texte amoral parce qu'il semble faire l’éloge d’un escroc ». Et le vrai sens du passage n’apparaît que si l’on sait qu’à cette époque, il était courant que les intendants arrondissent leurs fins de mois en pratiquant discrètement un taux d’intérêt plus élevé que la norme. « L'intendant de la parabole choisit de se priver de ses bénéfices. Il retourne intelligemment la situation à son avantage.Il préfère renoncer à ce qu’il convoitait, plutôt que de tout perdre ». La clé de cette parabole se trouve dans le verset 9 qui évoque l’argent trompeur, ce « Mamon d’injustice ». De fait, l’argent menace toujours de devenir source de violence, comme dans le texte qui décrit des paysans pris à la gorge parce qu’ils n’arrivent pas à rembourser leurs dettes. C’est « une puissance d’injustice et de refus de reconnaissance de l’autre », commente le conférencier.

Source de pouvoir, l’argent peut n’être que convoitise qui isole. Il est un dieu qui trompe, parce qu’il promet beaucoup, alors qu’il n’amssure qu’une fausse sécurité, purement matérielle et ponctuelle. Ainsi, du point de vue éthique, la vraie question est de savoir si l’argent « est une idole que je vais servir, me repliant sur moi-même dans une quête sans fin de la possession. Ou si je demeure libre par rapport à lui, l’utilisant pour créer des liens, pour me mettre en relation avec autrui ».

UTILE

Eric Fuchs intervenait dans le cadre des conférences « Ouverture sur le monde » organisées par la région Morges de L’Eglise Réformée chaque premier ou second mardi du mois.