Aux Etats-Unis, les élections présidentielles se jouent aussi dans les Eglises
Même si son importance diminue – en 10 ans, le nombre de personnes se déclarant sans religion est ainsi passé de 9% à presque 14% -, le facteur religieux reste une composante essentielle de la société nord américaine, où une large majorité de la population reste pratiquante. Mais dans quelle mesure les gens votent-ils encore selon leur appartenance confessionnelle ? Alors que la campagne présidentielle bat son plein, la question divise les experts. Reste que cet élément comptera indéniablement au soir du 2 novembre, lors du vote populaire.
Selon les observateurs, « George W. Bush est l’un des présidents les plus ouvertement religieux de l’histoire américaine » (Washington Post du 16 septembre). On sait que le locataire de la Maison Blanche lit la Bible chaque matin, qu’il n’hésite pas à affirmer que Jésus l’a transformé. D’origine épiscopalienne, Bush est devenu méthodiste lors de son mariage. Même s’il ne se qualifie pas ouvertement de « born again », il ne cache pas sa conversion dont il attribue l’origine à une discussion avec le célèbre évangéliste Billy Graham. Nombre d’évangéliques, en tous cas, le considèrent comme un des leurs. Tout semble indiquer qu’il recevra l'appui massif des électeurs issus de cette mouvance.
La tâche sera beaucoup plus ardue pour John Kerry du côté de l’électorat catholique (23% de la population américaine avec 65 millions de baptisés). Sénateur du Massachusetts , un Etat peuplé en majorité d'habitants d'origine irlandaise catholique, John Kerry est lui aussi issu d’un milieu catholique. Il se rend régulièrement à la messe. Traditionnellement, les catholiques se trouvent plutôt dans le camp démocrate. Mais Kerry affiche peu sa foi, par rapport à son adversaire. Et il est loin d’être considéré comme un catholique modèle par la hiérarchie de l’Eglise, agacée par ses prises de positions en faveur du libre choix des femmes, ce qui fait dire à certains que même s’il le nie, il est, au fond, favorable à l’avortement. Il y a quelques mois, les évêques lui ont adressé une mise en garde, menaçant de refuser la communion aux hommes politiques tenant un tel discours. Bush tente donc de s’engouffrer dans la brèche et de convaincre la partie la plus conservatrice de cet électorat, en affichant son opposition à l'avortement, au mariage homosexuel et à la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Une stratégie qui paraît efficace, puisque selon une enquête de l'institut Pew publiéee à la mi-septembre, 49% des électeurs avouent préférer le candidat républicain contre 42% le candidat démocrate. Actuellement, ils sont au coude à coude.
De manière générale, les spécialistes estiment que la fracture, aujourd’hui, ne sépare plus les protestants des catholiques, mais plutôt ceux qui se rendent régulièrement au culte ou à la messe, et ceux qui vivent leur foi de manière plus distanciée. Désormais, dirigeants évangéliques et évêques catholiques se retrouvent par exemple sur plusieurs positions communes, et une partie du monde évangélique avoue apprécier le pape Jean-Paul II.
Par ailleurs, il semble clair que la communauté musulmane des Etats-Unis a changé de camp. Ils étaient plutôt favorable à Bush en 2000, mais les attentats du 11 septembre et la guerre en Irak ont changé la donne. Et l’importante communauté juive ? Historiquement, elle vote démocrate. Mais les positions pro-israéliennes et la guerre contre le terrorisme islamique de Bush séduisent une partie de l'électorat juif.