Les jeunes et le militantisme: le temps de l'engagement post-it
30 janvier 2004
L’individualisme et le désenchantement idéologique ont-ils tué le militantisme ? Pas sûr
Rétifs à tout embrigadement, les jeunes s’engagent aujourd’hui pour des causes concrètes et ponctuelles. Ils se mobilisent selon leur sensibilité du moment, leurs besoins et leurs révoltes. Ils peuvent descendre en masse dans la rue et faire grève et se démobiliser le lendemain de la manif. On parle aujourd’hui de militantisme post-it. Enquête.L’engagement a changé, c’est sûr, et pris de nouvelles formes qui passent par les réseaux connectés de l’Internet, des actions de solidarité Nord-Sud, la structuration d’ONG internationales autour du commerce équitable, de l’environnement, de la solidarité avec des groupes précis, - émigrés, sans abris, groupes de quartier, squatteurs etc. -. Les jeunes se méfient des grands discours et de toute récupération politique, ils se donnent des objectifs concrets et à court terme.
« Il y a beaucoup de gens qui s’engagent un peu, et peu qui s’engagent beaucoup sur le long terme !», résume Cyril Misrahi, secrétaire général de la Fédération des Associations d’Etudiants de Lausanne (FAE) sur le campus de Dorigny. Il cite la mobilisation massive, mais éphémère, des étudiants en décembre passé pour s’opposer à la révision de la loi sur l’Université, à la Déclaration de Bologne et de façon générale à la dégradation de leurs conditions d’études. Au lendemain de la grève, il n’y avait plus un chat pour poursuivre la lutte. Chacun s’en était retourné à ses préoccupations, hormis une bande de copains bénévoles prêts à poursuivre leur effort militant. Etudiant en droit, Cyril Mizrahi est l’un de ceux-là. Militant atypique de sa génération, il s’est engagé sur plusieurs fronts pour être cohérent avec ses idées : salarié à mi-temps par la fédération qui l’emploie pour défendre une vision démocratique de l’Université, il fait également partie de la jeunesse socialiste du PS dont il est le porte-parole. Il soutient le mouvement altermondialiste qui, selon lui, a su relancer l’engagement des jeunes. Il s’est également investi pour les handicapés, étant lui-même malvoyant.Militants du véloBlaise Felberbaum lui, est le militant d’une cause unique, celle du vélo, qui lui a donné la fibre écologique. « Derrière ce moyen de transport, il y a un art de vivre que prône toute une communauté alternative unie par les mêmes préoccupations environnementales! ». Il a fondé il y a deux ans l’association Cyclic pour la promotion et la défense du vélo et créé une entreprise de coursiers à bicyclette qu’il vient de revendre pour se consacrer à son travail de civiliste à l’Espace des Inventions à la Vallée de la Jeunesse à Lausanne. Il croit dur comme fer à ce mode de transport non polluant et milite sans relâche pour la création de pistes cyclables en ville. Il a établi une carte d’itinéraires pour les cyclistes et organise des balades de santé à travers la ville, donne des cours aux chauffeurs de bus pour les sensibiliser à la présence des deux roues dans la circulation. « Le vélo, c’est toute ma vie ! !» résume-t-il dans une envolée enthousiaste.
Terence Hänni, 23 ans, étudiant en économie, lui aussi a un vélo dans sa vie, mais celui-là est électrique et se recharge à l’énergie solaire. Il y consacre tous ses moments libres. Il y a quatre ans, il a participé, avec dix autres jeunes, au développement d’un vélo couché solaire. Leur bécane écologique a remporté le Prix Jeunesse de la Ville de Berne. Dans la foulée, il a cofondé avec ses camarades une société coopérative « Legair Conseils en mobilité » qui s’est spécialisée dans la promotion des véhicules électriques légers rechargeables à l’énergie solaire. « On va monter dans quelques mois à Berne la centième station solaire pour recharger gratuitement les vélos électriques. Un panneau solaire d’un mètre carré suffit à fournir de l’énergie pour toute une année. Terence Hänni voit son avenir dans le vélo électrique et la sensibilisation des gens aux énergies renouvelables.
Isabelle Vuong, 23 ans, elle, fait du « bénévolat non structuré » pour défendre les squats légaux bénéficiant d’un contrat de confiance accordé par la Ville de Lausanne. « Nous recensons les maisons vides, téléphonons au cadastre pour connaître leurs propriétaires, puis nous mettons la pression par des actions de jardinage ou autres, afin d’obtenir la permission de squatter les lieux. En juillet 2002, elle a participé au camping sauvage à Montbenon pour protester contre le manque de logements pour les jeunes en formation. « Tout s’est organisé dans le chaos, reconnaît-elle, nous avons été débordés par les événements, c’était épuisant ! ».
Joël, 25 ans, milite dans une association d’homosexuels depuis qu’il a fait son coming out. « Avant, j’étais en faculté de théologie, aujourd’hui je suis en lettres. J’ai changé mes causes ! ». Carole, elle, fait partie du groupe Femmes d’Amnesty. Opticienne de formation, elle a découvert en cours d’emploi les inégalités salariales entre hommes et femmes. Ce qui l’a poussée à faire sienne la cause des femmes et à lutter contre les discriminations sexuelles. Elle est devenue féministe, tout en endossant à contrecœur le terme qui lui semble un handicap : «C’est pas assez sexy ! », déplore-t-elle. Comme si le féminisme pouvait tuer la féminité !
Tschan, 28 ans, employé aux CFF, a adhéré à la cause de Greenpeace il y a neuf ans, alors qu’il était encore dans les Grisons où militer pour l’environnement est courant. Aujourd’hui établi en Suisse romande, il a relâché la pression. « Ici, les gens sont moins prêts à militer explique-t-il, pour sensibiliser les jeunes dans les écoles aux problèmes de protection de l’environnement, il a fallu courir après les gens, nous n’étions en fin de compte que trois militants. Les jeunes ont envie de s’engager de façon très épidermique. Ils voudraient grimper sur des pylônes, faire des actions d’éclat comme on en voit à la télévision.On ne peut pas compter sur eux pour récolter des signatures, motiver des donateurs, faire tout un travail de terrain bien moins excitant. En général, Il n’y a plus personne ! »Vie spirituelle, un engagement Mélanie Vergara, 25 ans, infirmière au Centre hospitalier de Bienne, a choisi de s’investir à la fois auprès des jeunes en leur donnant le catéchisme, et dans l'accompagnement des personnes en fin de vie. Elle n’avait jamais été un pilier d’Eglise et se sentait peu concernée par l’Evangile. « Je faisais partie d’un réseau de jeunes qui se rencontraient régulièrement pour discuter, sans plus ! Un jour on m’a demandé d’accompagner un groupe de jeunes qui partaient en camp de confirmation à Berlin. J’ai réalisé au cours de ce voyage que j’étais en train de faire un cheminement spirituel sans le savoir. «J’ai découvert, grâce à la pasteure qui était avec nous, que chacun est responsable de ce qu’il vit et combien il est important de faire tomber les murs entre les gens mais aussi à l’intérieur de soi. J’ai entrepris tout un travail sur la vie, sur la mort et la foi. Je n’ai plus de certitudes en béton mais je me sens désormais ouverte à ce qui m’arrive. Cela m’a donné envie de donner à mon tour envie à des jeunes de faire leur confirmation et d’entamer tout un travail intérieur. Parallèlement, je me suis engagée comme bénévole pour accompagner des personnes en fin de vie dans un service privé interdisciplinaire. Ca a dynamisé ma vie ! ».
« Il y a beaucoup de gens qui s’engagent un peu, et peu qui s’engagent beaucoup sur le long terme !», résume Cyril Misrahi, secrétaire général de la Fédération des Associations d’Etudiants de Lausanne (FAE) sur le campus de Dorigny. Il cite la mobilisation massive, mais éphémère, des étudiants en décembre passé pour s’opposer à la révision de la loi sur l’Université, à la Déclaration de Bologne et de façon générale à la dégradation de leurs conditions d’études. Au lendemain de la grève, il n’y avait plus un chat pour poursuivre la lutte. Chacun s’en était retourné à ses préoccupations, hormis une bande de copains bénévoles prêts à poursuivre leur effort militant. Etudiant en droit, Cyril Mizrahi est l’un de ceux-là. Militant atypique de sa génération, il s’est engagé sur plusieurs fronts pour être cohérent avec ses idées : salarié à mi-temps par la fédération qui l’emploie pour défendre une vision démocratique de l’Université, il fait également partie de la jeunesse socialiste du PS dont il est le porte-parole. Il soutient le mouvement altermondialiste qui, selon lui, a su relancer l’engagement des jeunes. Il s’est également investi pour les handicapés, étant lui-même malvoyant.Militants du véloBlaise Felberbaum lui, est le militant d’une cause unique, celle du vélo, qui lui a donné la fibre écologique. « Derrière ce moyen de transport, il y a un art de vivre que prône toute une communauté alternative unie par les mêmes préoccupations environnementales! ». Il a fondé il y a deux ans l’association Cyclic pour la promotion et la défense du vélo et créé une entreprise de coursiers à bicyclette qu’il vient de revendre pour se consacrer à son travail de civiliste à l’Espace des Inventions à la Vallée de la Jeunesse à Lausanne. Il croit dur comme fer à ce mode de transport non polluant et milite sans relâche pour la création de pistes cyclables en ville. Il a établi une carte d’itinéraires pour les cyclistes et organise des balades de santé à travers la ville, donne des cours aux chauffeurs de bus pour les sensibiliser à la présence des deux roues dans la circulation. « Le vélo, c’est toute ma vie ! !» résume-t-il dans une envolée enthousiaste.
Terence Hänni, 23 ans, étudiant en économie, lui aussi a un vélo dans sa vie, mais celui-là est électrique et se recharge à l’énergie solaire. Il y consacre tous ses moments libres. Il y a quatre ans, il a participé, avec dix autres jeunes, au développement d’un vélo couché solaire. Leur bécane écologique a remporté le Prix Jeunesse de la Ville de Berne. Dans la foulée, il a cofondé avec ses camarades une société coopérative « Legair Conseils en mobilité » qui s’est spécialisée dans la promotion des véhicules électriques légers rechargeables à l’énergie solaire. « On va monter dans quelques mois à Berne la centième station solaire pour recharger gratuitement les vélos électriques. Un panneau solaire d’un mètre carré suffit à fournir de l’énergie pour toute une année. Terence Hänni voit son avenir dans le vélo électrique et la sensibilisation des gens aux énergies renouvelables.
Isabelle Vuong, 23 ans, elle, fait du « bénévolat non structuré » pour défendre les squats légaux bénéficiant d’un contrat de confiance accordé par la Ville de Lausanne. « Nous recensons les maisons vides, téléphonons au cadastre pour connaître leurs propriétaires, puis nous mettons la pression par des actions de jardinage ou autres, afin d’obtenir la permission de squatter les lieux. En juillet 2002, elle a participé au camping sauvage à Montbenon pour protester contre le manque de logements pour les jeunes en formation. « Tout s’est organisé dans le chaos, reconnaît-elle, nous avons été débordés par les événements, c’était épuisant ! ».
Joël, 25 ans, milite dans une association d’homosexuels depuis qu’il a fait son coming out. « Avant, j’étais en faculté de théologie, aujourd’hui je suis en lettres. J’ai changé mes causes ! ». Carole, elle, fait partie du groupe Femmes d’Amnesty. Opticienne de formation, elle a découvert en cours d’emploi les inégalités salariales entre hommes et femmes. Ce qui l’a poussée à faire sienne la cause des femmes et à lutter contre les discriminations sexuelles. Elle est devenue féministe, tout en endossant à contrecœur le terme qui lui semble un handicap : «C’est pas assez sexy ! », déplore-t-elle. Comme si le féminisme pouvait tuer la féminité !
Tschan, 28 ans, employé aux CFF, a adhéré à la cause de Greenpeace il y a neuf ans, alors qu’il était encore dans les Grisons où militer pour l’environnement est courant. Aujourd’hui établi en Suisse romande, il a relâché la pression. « Ici, les gens sont moins prêts à militer explique-t-il, pour sensibiliser les jeunes dans les écoles aux problèmes de protection de l’environnement, il a fallu courir après les gens, nous n’étions en fin de compte que trois militants. Les jeunes ont envie de s’engager de façon très épidermique. Ils voudraient grimper sur des pylônes, faire des actions d’éclat comme on en voit à la télévision.On ne peut pas compter sur eux pour récolter des signatures, motiver des donateurs, faire tout un travail de terrain bien moins excitant. En général, Il n’y a plus personne ! »Vie spirituelle, un engagement Mélanie Vergara, 25 ans, infirmière au Centre hospitalier de Bienne, a choisi de s’investir à la fois auprès des jeunes en leur donnant le catéchisme, et dans l'accompagnement des personnes en fin de vie. Elle n’avait jamais été un pilier d’Eglise et se sentait peu concernée par l’Evangile. « Je faisais partie d’un réseau de jeunes qui se rencontraient régulièrement pour discuter, sans plus ! Un jour on m’a demandé d’accompagner un groupe de jeunes qui partaient en camp de confirmation à Berlin. J’ai réalisé au cours de ce voyage que j’étais en train de faire un cheminement spirituel sans le savoir. «J’ai découvert, grâce à la pasteure qui était avec nous, que chacun est responsable de ce qu’il vit et combien il est important de faire tomber les murs entre les gens mais aussi à l’intérieur de soi. J’ai entrepris tout un travail sur la vie, sur la mort et la foi. Je n’ai plus de certitudes en béton mais je me sens désormais ouverte à ce qui m’arrive. Cela m’a donné envie de donner à mon tour envie à des jeunes de faire leur confirmation et d’entamer tout un travail intérieur. Parallèlement, je me suis engagée comme bénévole pour accompagner des personnes en fin de vie dans un service privé interdisciplinaire. Ca a dynamisé ma vie ! ».