Arménie : la fièvre des églises Le témoignage de Mgr. Adjamyan
31 octobre 2003
« Des églises pleines à craquer, d’autres construites à la hâte : on assiste en Arménie à la résurgence d’une étonnante ferveur religieuse dont 70 ans d’athéisme soviétique militant n’ont pas eu raison
Invité par l'Entraide protestante (EPER), Mgr. Adjamyan, fondateur de la faculté de théologie d’Erevan, grand spécialiste des textes bibliques arméniens anciens, explique cette renaissance.« Le christianisme pour nous les Arméniens, c’est comme la couleur de notre peau, nous ne pouvons pas la changer ! ». Mgr. Adjamyan reprend la célèbre phrase du chevalier Vartan Mamikonian, chef de la résistance en 451 contre l’envahisseur perse qui prétendait soumettre le peuple arménien à la religion zoroastrienne, alors que les Arméniens avaient embrassé le christianisme plus d’un siècle plus tôt. Les Arméniens perdirent la bataille mais ils gagnèrent le droit de rester chrétiens. Le christianisme fait intimément partie de l'identité arménienne.Notre foi est inséparable de notre histoire et elle a été consolidée au cours de siècles. Or notre histoire est jalonnée de persécutions, de guerres d’invasion et de martyrs. Le salut est toujours venu de l’Eglise qui a remplacé au besoin le gouvernement des princes et des rois et organisé la résistance contre les envahisseurs successifs. Les chrétiens arméniens se sont toujours compris comme le petit troupeau mentionné dans l’Evangile de Marc, au sujet duquel le Christ a dit : » Ne crains pas, petit troupeau, car Dieu t’a choisi et a daigné te donner le Royaume ». Les Arméniens ont interprété ce passage comme leur étant tout particulièrement adressé.L’alphabet arménien a été capital pour la consolidation de l’identité chrétienne.La création de l’alphabet arménien est le second facteur qui a joué un grand rôle dans la constitution de notre identité. Il fut créé au 5e siècle pour traduire la bible en arménien et la mettre à la portée du plus grand nombre. Cette traduction des Evangiles scella l’union de l’Arménie et du christianisme et a initié un vaste courant d’alphabétisation et permis l’éclosion de toute une littérature théologique à l’origine de l’âge d’or de la culture arménienne. L’Eglise a été la grande université des Arméniens. Après chaque désastre, l’Eglise a poursuivi son travail et la nation arménienne a pu continuer d’exister. C’est ça le secret de la foi des Arméniens !
-La Faculté de théologie que vous avez fondée en remplacement notamment d’une chaire d’athéisme, contribue à cette renaissance de la foi.
Notre faculté de théologie forme des théologiens laïcs chargés d’enseigner la religion et de permettre aux Arméniens de renouer avec leur histoire religieuse. Elle n’est pas une école de prêtres. Du temps des communistes, tout a été fait pour décourager la foi chrétienne, la religion chrétienne n’y était plus enseignée, le clergé a été persécuté, liquidé. Aujourd’hui, le clergé de l’Eglise apostolique arménienne est formé au séminaire d’Etchmiadzine.Les évangéliques sont-ils toujours en pleine expansion ?Ils font moins de prosélytisme et n’agissent plus comme des sectes. Nous développons avec eux une politique de coexistence, la même que nous avons avec les catholiques arméniens. Ces derniers respectent les saints de notre Eglise, ont la même messe que nous, mais, au lieu de prier pour le catholicos Karékine ll, ils prient pour le pape. Catholiques et protestants représentent 10% de la population, les 90% des Arméniens appartenant à l’Eglise apostolique arménienne, qui est une institution nationale. Il n’y a plus de musulmans en Arménie.De quoi l’Eglise apostolique arménienne vit-elle actuellement ? Essentiellement de la vente des cierges. On en brûle des centaines de milliers par année, ils sont le prolongement de la prière. L’Eglise vit également des dons et du soutien des Arméniens de la diaspora et d’autres Eglises en Europe. L’EPER soutient par exemple la faculté de théologie de l’Université d’Etat d’Erevan, à côté de ses projets de reconstruction et de développement. Les dons de la diaspora nous a permis de construire une cathédrale à Erevan pour les 1800 ans du christianisme arménien, nous en construisons une autre, encore plus grande, l’église de la Sainte Trinité pour pouvoir recevoir tout le monde. Nos églises sont toujours pleines à craquer.Quel est l'engagement social de l'Eglise auprès de la population?Outre notre contribution à l'enseignement et des cours d'appui aux enfants les plus défavorisés, nous possédons et gérons deux grands hôpitaux pour les démunis et nous organisons des soupes populaires dans plusieurs villes du sud du pays pour assurer un complément aux personnes âgées qui touchent de maigres rentes, souvent versées en retard. Nous soutenons aussi 5 centres qui servent de lieu d'échange et de rencontres pour tous ceux qui se sentent abandonnées et en manque de liens sociaux. Pour nous assurer notre complète indépendance financière, nous avons construit, avec l'aide de l'EPER, deux turbines sur des cours d'eau. Ces petites centrales hydrauliques approvisionnent en courant électrique deux centres sociaux et une colonie de vacances. Le solde est revendu à l'Etat qui manque d'électricité, les revenus permettant de mettre sur pied de nouveaux projets sociaux.
-La Faculté de théologie que vous avez fondée en remplacement notamment d’une chaire d’athéisme, contribue à cette renaissance de la foi.
Notre faculté de théologie forme des théologiens laïcs chargés d’enseigner la religion et de permettre aux Arméniens de renouer avec leur histoire religieuse. Elle n’est pas une école de prêtres. Du temps des communistes, tout a été fait pour décourager la foi chrétienne, la religion chrétienne n’y était plus enseignée, le clergé a été persécuté, liquidé. Aujourd’hui, le clergé de l’Eglise apostolique arménienne est formé au séminaire d’Etchmiadzine.Les évangéliques sont-ils toujours en pleine expansion ?Ils font moins de prosélytisme et n’agissent plus comme des sectes. Nous développons avec eux une politique de coexistence, la même que nous avons avec les catholiques arméniens. Ces derniers respectent les saints de notre Eglise, ont la même messe que nous, mais, au lieu de prier pour le catholicos Karékine ll, ils prient pour le pape. Catholiques et protestants représentent 10% de la population, les 90% des Arméniens appartenant à l’Eglise apostolique arménienne, qui est une institution nationale. Il n’y a plus de musulmans en Arménie.De quoi l’Eglise apostolique arménienne vit-elle actuellement ? Essentiellement de la vente des cierges. On en brûle des centaines de milliers par année, ils sont le prolongement de la prière. L’Eglise vit également des dons et du soutien des Arméniens de la diaspora et d’autres Eglises en Europe. L’EPER soutient par exemple la faculté de théologie de l’Université d’Etat d’Erevan, à côté de ses projets de reconstruction et de développement. Les dons de la diaspora nous a permis de construire une cathédrale à Erevan pour les 1800 ans du christianisme arménien, nous en construisons une autre, encore plus grande, l’église de la Sainte Trinité pour pouvoir recevoir tout le monde. Nos églises sont toujours pleines à craquer.Quel est l'engagement social de l'Eglise auprès de la population?Outre notre contribution à l'enseignement et des cours d'appui aux enfants les plus défavorisés, nous possédons et gérons deux grands hôpitaux pour les démunis et nous organisons des soupes populaires dans plusieurs villes du sud du pays pour assurer un complément aux personnes âgées qui touchent de maigres rentes, souvent versées en retard. Nous soutenons aussi 5 centres qui servent de lieu d'échange et de rencontres pour tous ceux qui se sentent abandonnées et en manque de liens sociaux. Pour nous assurer notre complète indépendance financière, nous avons construit, avec l'aide de l'EPER, deux turbines sur des cours d'eau. Ces petites centrales hydrauliques approvisionnent en courant électrique deux centres sociaux et une colonie de vacances. Le solde est revendu à l'Etat qui manque d'électricité, les revenus permettant de mettre sur pied de nouveaux projets sociaux.