Tendance: Calvin mis en bière

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Tendance: Calvin mis en bière

23 octobre 2003
Après le houblon d’abbaye et autres cervoises au consonances bibliques, voici la Calvinus
Inventée par une micro brasserie genevoise, cette blanche non filtrée s’inspirerait d’un procédé de fabrication inventé par le réformateur lui-même. Vérité d’ivrogne ou note historique ?

L’histoire de la bière et du catholicisme se partage le nom de célèbres monastères. La plus ancienne trace du brassage en abbaye remonte à l'an 820 du côté de Saint-Gall. Et vers la fin du Moyen Âge, presque toutes les abbayes disposent de leur propre brasserie avant que la révolution française ne signe l’abandon d’une bonne partie de cet artisanat cénobite (lire encadré). Pourtant, l’art brassicole demeure visiblement influencé par les valeurs morales issues de la chrétienté avec des marques comme "Maudite", "Eau Bénite", "Pécheresse" ou "Fruit défendu".

Les réformés romands amateurs de houblon, eux, ont leur "Calvinus". Mise en bouteille depuis bientôt quatre ans à Appenzell par la maison Locher, en collaboration avec « les frères Papinot » de Genève, cette blanche non filtrée aux accents de coriandre et d’orange s’inspire, paraît-il, des travaux du réformateur.

Possible, mais pas sûr

Calvin aurait-il donc un instant délaissé sa relecture de la Bible et son austérité devenue célèbre ? A n’en pas douter selon le fabriquant qui évoque les derniers mois de la vie du plus célèbre des Genevois. Incapable d’ingurgiter un piètre vin de messe qui rongeait ses viscères, Calvin se serait initié à la fabrication de l’orge germé dans sa maison de la rue des Chanoines, avant qu’une violente crise de bile ne mette prématurément fin à ses jours. « En son honneur, nous, les frères Papinot, artisans brasseurs à Genève, avons repris ses précieuses recherches et après de multiples efforts enfin abouti à cette bière blanche à haute fermentation » qui sera d’ailleurs bientôt rejointe dans les rayons par une nouvelle bière blonde de leur cru.

Reste à se demander si cet épisode méconnu de l’histoire de Calvin est autre chose qu’un seul clin d’oeil commercial. Et bien contrairement à toute attente, pas facile de trancher. « A la fin de sa vie, Calvin a effectivement souffert de graves problèmes digestifs et de calculs rénaux », souligne à l’Université de Genève Pierre-Olivier Lechot. Ainsi, l’imposante biographie réalisée au début du 20e siècle par Emile Doumergue cite de nombreuses lettres où le réformateur se plaint d’atroces douleurs. Dans ce contexte, il n’est pas impossible de penser que la bière lui fut en effet préférable au vin. « En revanche, je n’ai trouvé nulle trace qui indique que Calvin en ait lui-même fabriqué. Je dirais donc que c’est possible, mais non démontré ». Après tout, « qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse », et en l’occurrence la "Calvinus" blanche se laisse déguster avec plaisir. Qu’elle s’inspire ou non de la recette de son illustre homonyme.